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[CRITIQUE] : The Lighthouse


Réalisateur : Robert Eggers
Acteurs : Willem Dafoe, Robert Pattinson.
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget :-
Genre : Épouvante-horreur, Thriller
Nationalité : Américain, Canadien
Durée : 1h50min

Synopsis :
Le film est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2019

Le film se passe dans une île lointaine et mystérieuse de Nouvelle Angleterre à la fin du XIXe siècle, et met en scène une " histoire hypnotique et hallucinatoire " de deux gardiens de phare.



Critique :


Outre les nouveaux films de Tarantino et de Kechiche qui font déjà vibrer la Croisette avant même leur visionnage, il y avait déjà un film qui faisait baver d'envie tous les cinéphiles qui n'ont pas pu venir à Cannes. Ce n'est pas un film de la Compétition officielle pourtant, mais la foule le matin et le soir de son jour de projection ne posait aucun doute : le nouveau film de Robert Eggers, réalisateur du film The Witch est très attendu. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, The Lighthouse mérite amplement sa critique dithyrambique. 


The Witch était une proposition impeccable, à l'ambiance sourde et malveillante. Son aura est restée longtemps après sa sortie en salle, car il avait enfin montré que le cinéma horrifique avait de beau jour devant lui. Pas étonnant donc que son nouveau film provoque autant d'émoi. Surtout que The Lighthouse est encore un film horrifique, en noir et blanc cette fois, porté par deux acteurs Robert Pattinson et Willem Dafoe. Eggers décide de pousser plus loin son style, sa mise en scène, quitte à perdre en subtilité. Mais le film reste pas moins d'une qualité impressionnante et d'une esthétique léchée magnifique.
The Lighthouse est un objet cinématographique qu'il faut prendre avec les bons outils. On peut facilement passer à côté et y voir qu'un exercice de style vain. Car oui, son visuel est très marqué : un format d'image en 4/3, un noir et blanc contrasté comme au temps du cinéma muet, un mixage sonore percutant, une lumière sublimée par le 35 mm. Cette mise en scène est expressionniste. Les ombres, les gros plans, les yeux expressifs, qui participent à une atmosphère mythologique, qui fera plaisir aux aficionados car ils pourront citer les inspirations (nombreuses) du cinéaste : Dreyer, Lovecraft, le cinéma muet russe,...



Deux gardiens de phare prennent leur tour de garde pendant quatre semaines. L’un (Willem Dafoe) est un vieux de la vieille et se garde l’entretien de la lumière du phare, l’autre (Robert Pattinson) est un bleu, qui doit se taper la basse besogne. Un rapport de force compliqué, intense avec en son centre, le phare et sa source lumineuse, source de dispute. L’importance de ce bâtiment est au centre du film et bon nombre de plan montrent comment le personnage de Pattinson s’en occupe : les rouages, le charbon. La mise en scène le fait imposant, important, presque vivant. Cette lumière aveuglante inaccessible pour le personnage va être le début d’une descente aux enfers, aux confins de la folie.
L’ambiance est sensorielle et viscérale. Le quotidien prend ce couple improbable et chaque son, chaque détail est millimétré. Le tic-tac de l’horloge, les gestes répétitifs, les cigarettes ou la pipe qu’on allume, le trop plein de boissons le soir … Pourtant, nous avons l’impression que le film ne se répète jamais, comme un cauchemar qui parlerait de la même chose mais qui n’est jamais véritablement pareil chaque nuit. L’isolement, la saleté deviennent oppressante, ainsi que les bruits .Le silence tout d’abord, puis cette tempête qui n’a jamais envie de s’arrêter. Si le malaise devait être montré, The Lighthouse est tout désigné. 


Robert Eggers continue d’explorer les ambiances et la reprise de mythe. Après les sorcières, il s’intéresse au mythe des marins et de la mer, en faisant un tour d’horizon. Le récit complexe et décousu est à la fois grotesque et morbide. On ne sait jamais vraiment où le réalisateur va nous emmener et c’est à la fois horripilant et fascinant.
Porté par deux acteurs au sommet, The Lighthouse est une proposition charnelle, sale, esthétique et aussi littéraire dans ses dialogues. Qu’on adhère à ce mythe ou non, le film reste en mémoire. 


Laura Enjolvy