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[CRITIQUE] : Us


Réalisateur : Jordan Peele
Acteurs : Lupita Nyong'o, Winston Duke, Elizabeth Moss, Tim Heidecker,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Thriller, Epouvante-horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h56min.

Synopsis :
De retour dans sa maison d’enfance, à Santa Cruz sur la côte Californienne, Adelaïde Wilson a décidé de passer des vacances de rêves avec son mari Gabe et leurs deux enfants : Zora et Jason. Un traumatisme aussi mystérieux qu’irrésolu refait surface suite à une série d’étranges coïncidences qui déclenchent la paranoïa de cette mère de famille de plus en plus persuadée qu’un terrible malheur va s’abattre sur ceux qu’elle aime. Après une journée tendue à la plage avec leurs amis les Tyler, les Wilson rentrent enfin à la maison où ils découvrent quatre personnes se tenant la main dans leur allée. Ils vont alors affronter le plus terrifiant et inattendu des adversaires : leurs propres doubles.



Critique :


Rien ne laissait présager en 2017 que Jordan Peele, moitié désopilante de l'excellent duo Kev & Peele, était capable de nous offrir une claque à la hauteur de Get Out et de devenir de facto l'une des figures les plus prometteuses du cinéma de genre, même si le bonhomme s'était toujours évertué à prouver que sa plume valait un peu plus que la moyenne (le génial Keanu).
Petit moment de cinéma horrifique effrayant et piquant à la fois, magnifié par un message coup de poing et cohérent de tout son long rappelant les grandes heures du cinéma de genre engagé des 70's, poussant les spectateurs aussi bien à réfléchir qu'à flipper sur ce que les salles obscures leur proposaient, le wannabe cinéaste démontrait avec maestria sa propension à digérer admirablement ses références, autant qu'à respecter au pied de la lettre tous les codes du genre qu'il aborde avec minutie et intelligence.
Pour nous, l'héritier de feu le grand George Romero était tout trouvé, et il ne lui restait plus qu'à passer le si difficile stade de la seconde péloche, une épreuve symbolique mais infiniment pour se démarquer durablement la concurrence, et s'imposer comme une valeur sûre d'un septième art ricain qui n'en manque pourtant pas depuis quelques années maintenant.



Sobrement intitulé Us (que l'on peut voir comme "nous" en anglais, ou plus subtilement US comme United States, signe de son cinéma fondamentalement politique), le second long-métrage nous trompe au moins autant que Get Out avait su nous tromper, par la force d'une campagne promotionnelle qui semblait en montrer trop et dévoiler tous ses secrets, et comme pour son précédent essai, il laisse parler judicieusement ses nombreuses influences (l'oeuvre de Richard Matheson en tête) au sein d'un petit miracle sur pellicule, dont les multiples lectures demanderont de nombreuses visions pour en déceler toutes la richesse.
Démarrant comme un home invasion éprouvant glissant peu à peu vers le slasher franchement macabre dont certaines scènes flirtent gentiment avec l'aspect comédie grinçante des aléas de Chris Washington - excepté qu'ici, rien ne prête réellement à rire -, avant de pleinement embrasser le thriller paranoïaque en usant habilement de la figure terrifiante des doppelgängers (de vrais boogeymen à part entière), la péloche, qui ne perd pas de temps pour entrer dans le feu de l'action, catapulte ses personnages dans un véritable purgatoire labyrinthique où tous les repères sont totalement démontés un par un - tout comme l'image même du cocon familial -, et où le mal est une ombre qui vous suit absolument partout.
Car l'horreur n'est jamais simplement suggéré à coups de jumpscares faciles (il n'y en a aucun dans le film d'ailleurs) dans Us : elle est partout, collée aux basques de ses héros et marquée dans le moindre recoin de la pellicule, comme un cauchemar vivant et mouvant dont on ne peut se dépêtrer et avec lequel il faut cohabiter, quitte à y laisser sa peau (fantastique travail du chef opérateur Mike Gioulakis).



Mieux, pleinement conscient de l'héritage qu'il porte, Jordan Peele se glisse dans les chaussons de Ford, Hitchcock et Romero et défonce consciemment à coups de batte aussi bien l'hypocrisie raciale que la fausse promesse de l'American Dream, où l'égalité des chances de goutter à la réussite ou au bonheur n'est qu'un put*** de leurre placardé comme un conte de fées dont plus personne ne croît, bâtit sur la destruction et le malheur de l'autre autant que sur le déséquilibre des classes.
Auscultant autant le passé (les fondements du pays de l'Oncle Sam) que le présent (la politique de Trump, ou le vivre-ensemble est de plus en plus compromis) amorale son propre pays, le cinéaste ancre son métrage dans une réalité politique criante de vérité, sonde la noirceur de l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus animal, et concocte ici rien de moins qu'un sommet d'horreur sensoriel (super score de Michael Abels) et social incarné à la perfection (Lupita Nyongo'o est éblouissante d'implication), une fable viscérale et féroce dont on ne regrettera que le climax sur-explicatif.
Une goutte d'eau dans un océan de terreur absolument génial.


Jonathan Chevrier