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[CRITIQUE] : Velvet Buzzsaw

 

Réalisateur : Dan Gilroy
Acteurs : Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Billy Magnussen, Toni Colette, René Russo, Natalia Dyer, Zawe Ashton, Daveed Diggs,..
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Epouvante-Horreur, Thriller, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h57min.

Synopsis :
Le thriller Velvet Buzzsaw se déroule dans le milieu de l'art contemporain à Los Angeles, où artistes et collectionneurs richissimes sont prêts à débourser des fortunes pour des pièces pouvant rapporter gros.



Critique : 




Fine satire de la télé poubelle (le sensationnalisme, le voyeurisme à outrance dénuée de toute déontologie, ou l'apologie de l’appauvrissement des valeurs morales consommé jusqu'à plus soif par des téléspectateurs/complices passifs), du jusqu'au-boutisme du pseudo-journalisme (où est réellement la limite du droit à l'information ? Et où est celle qui sépare l'information du show/spectacle racoleur d'audiences ?) et plus largement, de la société ricaine (mais pas que) d'aujourd'hui et son American Dream dépassé, une société foutrement égoïste où seul le profit, la nécessité de réussite sociale et la quête de célébrité importent; Night Call était un premier film aussi brillant et épuré que férocement grisant, intronisant de facto dans la short-list des cinéastes à suivre, un Dan Gilroy définitivement aussi talentueux que son frangin Tony.


Le hic, c'est que le bonhomme n'avait pas vraiment confirmer l'essai avec son second long, L'Affaire Roman J., dont la vision ne vallait que pour la partition impliquée d'un Denzel Washington on fire.
Aussi honnête que pouvait être sur le papier la proposition du cinéaste (il dépeint à nouveau un L.A nocturne loin d'être touristiques où les loups sont de sortie), la péloche ne décolle jamais vraiment, et a très (trop ?) vite le mauvais goût de se complaire dans une mollesse sentimentale assommante malgré un premier tiers aussi original que prometteur.
Comme son héros, le film ne semble jamais vraiment à l'aise dans ses baskets et s'esquinte sensiblement l'arrière-train en s'échinant à faire le grand écart entre le drame procédural poignant et le thriller noir prenant, sans ne jamais viser juste dans chaque genre et en se plombant de toute part via des erreurs de parcours pas toujours pardonnable (dialogues lourds, retournements de situations/tons pas toujours compréhensible,...).



Raison de plus donc, d'espérer que le bonhomme remonte rapidement sur la scelle du bon goût avec son troisième long-métrage, Velvet Buzzsaw, catapulté directement sur Netflix et pour lequel il retrouve le duo gagnant de Night Call devant la caméra - Jake Gyllenhaal et sa femme, la trop rare René Russo -, et se paye également un casting de second couteau indécent de talent : Toni Colette, John Malkovich, Daveed Diggs et Natalia Dyer.
Bonne nouvelle, le bonhomme a retrouvé son mojo et retrouve toute l'essence de sa verve critique et ironique avec son nouveau long, sorte de thriller artistique et horrifique à la lisière du slasher novateur un tantinet sanglant, aussi foutraque qu'il est génial.
En retrouvant des personnages amoraux (seuls ceux de Coco et Josephine, sont réellement empathiques, parce qu'ils sont encore purs et non pervertie par le vice et le luxe), plus proches de l'arriviste dénué de scrupules Lou Bloom que de l'idéaliste et foncièrement bon Roman J. Israel, Gilroy nage en terrain conquis et n'a pas réellement besoin de beaucoup forcé le trait pour croquer avec une ironie truculente un univers friqué et pompeux de l'art contemporain, dont il pointe la vacuité du bout de la caméra, tout autant qu'il semble régler ses comptes avec ceux qui tuent son art : les critiques.



Sauf qu'il le fait non pas avec un nombrilisme maladroit comme Shyamalan (cf. La Jeune Fille de l'Eau), mais bien avec une finesse ravageuse par le biais du personnage de Morf Wendevalt (Jake Gyllenhaal, parfait), éternel insatisfait volontairement caricatural.
Critique acerbe du monde et du marché de l'art autant que satire intemporelle de la figure même du critique, Velvet Buzzsaw se revendique également, comme un slasher inventif (avec des oeuvres comme Boogeyman ultime) alignant les scènes chocs avec vigueur et sans trop de surenchère, multipliant les corps ensanglantés sans manquer, ironiquement, de corps dans son jeu de massacre.
Jouissif et gratiné, les envolées meurtrières portées par une vraie ambition artistique, sont là autant pour appuyer la fable moraliste concoctée par Gilroy que pour offrir une vraie et jouissive bouffée d'air frais à un propos certes plus survolé que dans le génial The Square, mais pas moins pertinent dans le fond.



Vraie proposition de cinéma esthétiquement renversante (quelle photographie de Robert Elswit), mise en scène avec style et interprété avec justesse, autant comédie satirique volontairement outrancière autant que thriller horrifique, c'est l'étonnant grand écart opéré par l'OFNI Velvet Buzzsaw, conte morale pas toujours exempt de défauts (certaines longueurs discutables, un nombre trop imposant de personnages sous-utilisés et uniquement " sacrifiables ", comme la merveilleuse Toni Colette,...), mais suffisament savoureusement décalée et extravagante pour emporter plus que l'adhésion, même s'il épouse bien moins le jusqu'au boutisme de son propos que Night Call .
La critique et le capitalisme " tuent " l'art, l'art, plus insaisissable et troublant que jamais, se rebiffe dans une violence sourde et libératrice pour mieux opérer un juste retour des choses...


Jonathan Chevrier



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