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[CRITIQUE] : Un Grand Voyage Vers la Nuit


Réalisateur : Bi Gan
Acteurs : Tang Wei, Huang Jue, Sylvia Chang, Lee Hong-Chi, ...
Distributeur : BAC films
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Chinois, Français
Durée : 2h18min

Synopsis :
Luo Hongwu revient à Kaili, sa ville natale, après s’être enfui pendant plusieurs années. Il se met à la recherche de la femme qu’il a aimée et jamais effacée de sa mémoire. Elle disait s’appeler Wan Qiwen…



Critique :

Bi Gan est un jeune cinéaste prometteur. Après son premier et seul court-métrage, Diamond Soutra en 2013, qui a reçu une Mention Spéciale dans la catégorie Asian New Force au 19ème Festival IFVA, et son premier long-métrage, Kaili Blues en 2016, primé au Festival de Locarno, le cinéaste nous présente son troisième film, Un grand voyage vers la nuit. Présenté à la section Un Certain Regard du Festival de Cannes l’année dernière, le film a fait sensation. Une rumeur qui s’est propagée, jusqu’à sa sortie en salle ce mois-ci, où la curiosité pour cette proposition cinématographique est plus forte que tout.
Il existe ces films dépeints comme indescriptibles. Un Grand Voyage Vers la Nuit en fait parti, indubitablement. Bi Gan s'affranchit des codes cinématographiques pour livrer un film qui donne du fil à retordre à notre cerveau, pour mieux appréhender un cinéma plus sensoriel. Il ne suffit plus de voir le film, il faut le ressentir au plus profond de son âme. Tout un programme, donc. Découpé en deux parties bien distinctes, le film nous propose bel et bien un voyage unique en son genre.


Kaili Blues, le précédent long-métrage de Bi Gan, a laissé le jeune homme sur sa faim. Il n’est plus satisfait de son film, qu’il trouve limité d’un point de vue technique. Pour Un Grand Voyage Vers la Nuit, il a voulu se dépasser visuellement et proposer un nouveau regard sur Kaili, la ville d’enfance du réalisateur, au coeur de la province du Guizhou. Prenant comme inspiration les peintures de Chagall pour le visuel et les romans de Mondiano pour la construction de l’histoire, le film veut nous plonger dans un monde sans point d’accroche dans l’espace-temps.
La première partie, très cérébrale, nous conte l’histoire du personnage principal Luo Hongwu, qui revient à Kaili après une longue absence. Il n’a pas oublié la femme qu’il a aimé et aime toujours et tente de la retrouver par tous les moyens. De l’aveu du cinéaste, le film avait au début des airs du film noir, avec comme exemple Assurance sur la mort de Billy Wilder. Mais Bi Gan s’amuse à déconstruire son histoire, à coup de flash-back. Nous avons l’impression de voguer de souvenirs en souvenirs et il tente de nous montrer les émotions que traversent Luo Hongwu. Le cinéaste se refuse à tout artifice scénaristique trop explicatif, quitte à perdre totalement son spectateur dans les méandres de l’histoire, dans un ennui poli. On en vient à se demander si le carton du début ne nous a pas menti, le personnage principal ne se décidant jamais à mettre des lunettes, qui est le signal pour que le spectateur en fasse de même avec ses lunettes 3D. Mais après une enquête peu fructueuse, Luo Hongwu se retrouve dans une salle de cinéma. Et la deuxième partie, celle en 3D commence…


Comme le dit l’adage “tout vient à point à qui sait l’attendre”, le spectateur va être récompensé pour avoir survécu au joli vide de la première partie. Car dès que le titre du film apparaît à l’écran, nous rentrons dans un plan-séquence qui va nous présenter un monde onirique d’une puissance rare. L’espace est resserrée. Après un long tunnel dans une mine, le personnage débarque dans une sorte de village, où il déambule dans chaque recoin. Un concours de karaoké, une tenancière de billard qui ressemble étrangement à la femme qu’il a aimé, la caméra n’a de cesse de passer d’une saynète à l’autre. La séquence laisse une sensation étrange, suspendue dans le temps, mais qui ne s’arrête pas de tourner dans nos esprits à l’image de la scène finale.
Si nous avons du mal à rentrer dans Un Grand Voyage Vers la Nuit, il est indéniable que nous avons encore plus de mal à en sortir. Mais peut-être que tout ceci n’était qu’un rêve.


Laura Enjolvy


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