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[CRITIQUE] : Creed 2


Réalisateur : Steven Caple Jr
Acteurs : Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Dolph Lundgren, Florian Munteanu, Tessa Thompson,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h14min.

Synopsis :
La vie est devenue un numéro d'équilibriste pour Adonis Creed. Entre ses obligations personnelles et son entraînement pour son prochain grand match, il est à la croisée des chemins. Et l'enjeu du combat est d'autant plus élevé que son rival est lié au passé de sa famille. Mais il peut compter sur la présence de Rocky Balboa à ses côtés : avec lui, il comprendra ce qui vaut la peine de se battre et découvrira qu'il n'y a rien de plus important que les valeurs familiales.



Critique :

[ATTENTION : Nous vous prévenons à l'avance, cette critique contient bon nombre de spoilers sur l'intrigue de Creed 2, tant il est difficile pour tout critique de ne pas se laisser enivrer par la douce folie des révélations face à une péloche aussi attendue.
Tous ceux qui ne veulent pas tout découvrir de ce film, devront donc attendre sa sortie et sa vision pour mieux apprécier notre avis ]






Sylvester Stallone avait laissé la franchise Rocky morte de sa (très) belle mort en 2006 avec le formidable Rocky Balboa, opus de conclusion émotionnellement fort, qui concluait avec maestria l'épopée sportive et humaine d'un héros infiniment touchant et empathique, qui a su créer un lien aussi indéfectible qu'unique avec les spectateurs sur trois décennies.
Neuf ans plus tard, et non sans une certaine crainte de prime abord, le talentueux Ryan Coogler dépoussiérait la saga et la faisait renaître de ces cendres via un spin-off impensable mais intimement génial : Creed - L'Héritage de Rocky Balboa, centré sur le fils légitime de feu Apollo Creed, Adonis, toujours épaulé par la figure tutéllaire d'un Rocky endossant peu à peu le rôle de son légendaire entraineur Mickey.



Bouleversante et puissante histoire d'hommes aussi nostalgique que magnifique et belle à en crever, Creed offrait de nouvelles perspectives à la franchise, dont une loin d'être négligeable de confronter non plus Adonis à sa destinée de boxeur, mais bel et bien au trauma intense de la disparition de son boxeur de père, et encore plus directement de le confronter à son meurtrier : Ivan Drago, avec un gros coup de rétroviseur vers le jouissif quatrième opus.
Une nécessité de faire face a son propre deuil et à son héritage ultime par la force des poings et des tripes, que Stallone prendra à bras le corps en croquant le script de Creed II, cristallisant tellement d'attentes auprès des fans (un rapport intense avec Rocky IV via le retour de Drago et l'arrivée impromptu d'un rejeton aussi dangereux qu'il a pu l'être sur un ring) que cela en était presque indécent.
Echoué à l'inconnu ou presque Steven Caple Jr (qui, comme Coogler à l'époque, n'avait qu'un excellent film indé au compteur dans sa besace de cinéaste) et épousant de facto le nouveau mojo des films Rocky - " place à la jeunesse " -, cette suite et huitième film de la franchise, au-delà de l'affrontement fantasmé entre Rocky et Drago (qui donne entière satisfaction), fait considérablement place aux jeunes et même de manière totalement improbable, autant aux Drago qu'aux Creed dans ce qui peut se voir comme un formidable portrait d'un double héritage familial écrasant, ceux de deux rejetons hantés par des figures paternels plus destructrices qu'aimantes, qui veulent enfin exister par eux-mêmes et pour eux-mêmes.



Si Adonis, qui comprend désormais ce qu'est être un champion (et ce que cela implique au quotidien, avec sa famille et ses proches autant que professionnellement), est toujours hanté par le fantôme d'un père qu'il n'a jamais connu, et dont le rapport ou plutôt l'absence de rapport, en a fait l'homme qu'il est aujourd'hui, Viktor Drago lui, est tout aussi hanté par un homme brisé qu'il cotoie au quotidien, et qui voit en lui aussi bien l'occasion de goûter à la réussite qu'il n'a jamais eu, que l'arme fatale d'une revanche qu'il a toujours espéré envers l'Etalon Italien, qui lui a tout fait perdre lors d'un combat terrible - et surtout un ultime round incroyable.
Deux oppositions de style, l'avenir (Adonis et Viktor) contre le passé (Apollo et Rocky vs Drago), le combat du présent face à la haine et les regrets du passé, quatre hommes - cinq en comptant Apollo - bousillés par un " noble art " et quelque chose de plus grand qu'eux : les dérives de la Guerre Froide, l'hostilité inhumaine entre deux nations... et la vie tout simplement.
Et c'est là que Creed 2 prend pleinement toute l'ampleur de son entreprise : mettre les deux familles, les deux parcours couplés et douloureux sur le même pied d'estalle et avec la même importance narrative, sans ne jamais tomber dans le fan service ou la redite facile.
Jamais l'ombre de Rocky IV (ni celle de Rocky III, dont la structure " double fight " est ici similaire) ne se fait trop pesante - les passages obligés sont même transfigurés -, ni celle de Creed premier du nom, tant cette suite suit la ligne directe de son illustre ainé en s'appropriant avec une finesse rare, la moindre de ses thématiques.



Tout comme Coogler, Caple Jr se fond sincèrement dans la mythologie Rocky (les détails familiers sont légion, que ce soit des coups de rétroviseurs à la fois à Rocky II, III, IV, V ou même Rocky Balboa), creuse les mêmes thématiques (la quête identitaire d'un, ou plutôt de deux, jeunes hommes sur le ring, la nécessité de ne pas reproduire les erreurs du passé, la notion de famille et d'héritage, la diversité,...) et nous concocte deux films en un : l'émancipation confuse d'Adonis et sa construction d'homme en champion (plus proche d'Apollo cette fois que de Rocky dans le précédent film, et dont la douleur intime est palpable), ainsi que l'acceptation du deuil pour lui (faire son deuil pour mieux embrasser sa destinée et s'affirmer) et Rocky, face à la revanche tronquée du clan Drago.
Car oui, Ivan Drago a ici l'occasion d'enfin briller après la vision totalement manichéenne - son surnom " le tueur qui vient du froid " dit tout - de sa personne dans Rocky IV, l'incarnation du mal absolu parce que " russe ", et une nouvelle fois après une présence plus que notable dans la trilogie Expendables, Sly offre à son ami Dolph Lundgren (dans son meilleur rôle, c'est une évidence) l'écrin parfait pour qu'il laisse exprimer son talent.
Rongé par la haine de ne pas avoir pu vivre la vie qu'il pensait mérité (il fut rejetté par tous, et encore plus par son ex-femme), totalement habité par l'idée de laver autant son nom que de bouffer par la racine la voie du succès, il éduque son fils dans le même climat que le sien, avec le même soucis de réussir coûte que coûte, la défaite n'étant pas une option (surtout vu ce que la défaite implique, et Ivan le sait mieux que personne).



Profondément humain dans ses nombreuses fêlures, méchant une bonne partie du métrage - jusqu'au final, pour être totalement honnête -, il est l'âme et le coeur de Creed II et son fils, Viktor (Florian Munteanu, convaincant), incarne à la perfection le mal-être, plus encore que son propre père, que peut provoquer le fait d'être littéralement coincé entre ses parents (Brigitte Nielsen, le même jeu limité et le même look 33 ans après) et son pays (et son envie viscéral de prouver qui il est, comme Rocky dans le premier film), et leur dynamique (Ivan est souvent montré derrière et devant lui, à la fois comme un figure motivante et gênante dans sa construction d'homme et de potentiel champion) est aussi brillamment évocatrice qu'exceptionnel.
Dommage en revanche, que l'on n'ait pas pu avoir la chance d'en voir un peu plus les concernant, notamment sur l'éducation de Viktor dans une Union Soviétique en pleine dissolution.
Et tant pis également au fond, si l'arc entourant Rocky semble un poil moins puissant (têtu comme pouvait l'être Apollo, il fait preuve d'un amour sans bornes pour son fils d'adoption, et on le voit même reprendre contact avec Rocky Jr), tout comme celui entre Tessa et Adonis paraît lui un poil confus (avec l'arrivée de leur fille, également sourde, narrant un autre versant plus dramatique cette fois, de la transmission) dont les liens semblent pourtant plus fort que jamais à mesure que la maladie de la première se fait plus forte (il est inéluctable qu'elle devienne totalement sourde dans un hypothètique Creed III, ce qui ne l'empêche nullement d'être une mère aimante et d'avoir une vie professionnelle accomplie); le film fait le lien entre les combats d'hier et ceux d'aujourd'hui pour mieux clôturer à merveille l'acte de transmission/héritage démarré par l'opus précédent, dans un final absolument déchirant (cette fois, la serviette blanche est tombée sur le ring à temps).



Visuellement moins impressionnant et immersif dans sa mise en scène que Creed, où la caméra transpercait la pellicule et se faisait souvent intelligente (les combats sont brutaux mais bien trop nerveux et n'ont décemment pas la saveur ni l'intensité des premiers Rocky), tout comme le ton et le rythme pouvaient se faire percutant, la réalisation de Steven Caple Jr, bien appuyée par une photographie inspirée et une B.O. au poil, fait le (bon) pari de prendre tout du long faits et causes des traumatismes de ses personnages, et nous met in fine au tapis par sa propension à gérer avec intelligence et pudeur ses embardées mélodramatiques pour mieux faire que les larmes ne soient (toujours) jamais loin.
Notamment sur quelques scènes, que ce soit quand Rocky raconte sa proposition de mariage à Adrian, la femme qui était et est toujours le centre de son monde (Sylvester Stallone mérite encore et toujours sa petite statuette dorée pour son rôle), dans l'intimité entre Adonis et Tessa (Michael B. Jordan et Tessa Thompson, lumineux) ou encore quand les Drago courent ensemble côte à côte, presque proches comme jamais ils ne l'ont été de toute leur vie.



Drame intime articulé autour d'un voyage initiatique entre deux combattants, dont les parcours sont subtilement opposés (même dans les entrainements, contraires d'un combat à l'autre), autant suite de Rocky IV que de Creed - L'Héritage de Rocky Balboa, Creed II est une vraie petite pépite qui réussit la prouesse de correspondre autant avec l'image fantasmée et profondément nostalgique que l'on pouvait se faire de lui, que de s'inscrire avec force dans le marbre d'une franchise qui ne se sera finalement manqué - et encore - que sur un seul opus (le mal aimé Rocky V).
Nous attendons maintenant avec une furieuse impatience - et une certaine crainte aussi, soyons honnêtes - un troisième opus que l'on espère aussi fin (avec, sans doute, la mort de Rocky même si Sly ne veut pas revenir, voire la possibilité de liens forts entre Adonis et Viktor), et qui viendra sans doute clôturer pour de bon la franchise Rocky, de loin la plus belle et populaire de toute l'histoire du septième art.
Car oui, elle l'est...


Jonathan Chevrier
 

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