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[CRITIQUE] : Sicario La Guerre des Cartels


Réalisateur : Stefano Sollima
Acteurs : Benicio Del Toro, Josh Brolin, Isabela Moner, Catherine Keener, Jeffrey Donovan, Matthew Modine, ...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Thriller, Action
Nationalité : Américain
Durée : 2h02min

Synopsis :
Les cartels mexicains font régner la terreur à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Rien ni personne ne semble pouvoir les contrer. L'agent fédéral Matt Graver fait de nouveau appel au mystérieux Alejandro pour enlever la jeune Isabela Reyes, fille du baron d'un des plus gros cartels afin de déclencher une guerre fratricide entre les gangs. Mais la situation dégénère et la jeune fille devient un risque potentiel dont il faut se débarrasser. Face à ce choix infâme, Alejandro en vient à remettre en question tout ce pour quoi il se bat depuis des années…




Critique :




En octobre 2015, le film Sicario de Denis Villeneuve sortait enfin en salles française après avoir été présenté au Festival de Cannes. L’occasion de se plonger dans les cartels mexicain, en suivant le personnage de Emily Blunt, jeune recrue prometteuse du FBI. La mise en scène efficace et la superbe photographie de Roger Deakins avait conquis le public, découvrant un univers sombre et poisseux et un sacré duel entre l’agent Kate Macer et son idéalisme et le mystérieux Alejandro (Benicio del Toro), ancien procureur et avide de vengeance. Un tel succès qu’une suite a été mise en chantier, Sicario La Guerre des Cartels. Plus de Denis Villeneuve (très occupé par une autre suite, un certain Blade Runner 2049), plus de Roger Deakins (très fidèle à Denis Villeneuve) et plus de Emily Blunt car l’histoire s’empare cette fois du point de vue de Alejandro et de Matt Graver (Josh Brolin). Trois ans après le premier opus, que vaut ce nouveau Sicario que personne n’attendait ?  




Un choix assez audacieux a été fait : enlever le personnage de la talentueuse Emily Blunt pour suivre cette fois le personnage de Benicio del Toro. Taylor Sheridan (Comancheria, Wind River), toujours au scénario, suit cette fois Alejandro, cet anti-héros, l’humanisant un peu plus en lui mettant des valeurs morales qu'il ne semblait pas avoir dans le premier film. Ces valeurs sont représentées par la petite Isabela Reyes, fille du patron d’un des plus grands cartels du Mexique, enlevée pour créer une guerre entre cartel. Alejandro se retrouve père de substitut, l’occasion d’en savoir un peu plus sur son ancienne famille.
Cette jeune fille représente une forme de rédemption pour lui et le personnage de Matt Graver, incarné par l’imposant Josh Brolin. Ce deuxième film en profite pour connaitre un peu plus cet agent de l’État, qui est là pour faire les boulots les plus immoraux, qui se salit les mains pour le ministère de la Défense. 

Ce qui était intéressant dans le film de Denis Villeneuve, c’était le conflit moral entre Kate et les deux comparses. Dans Sicario: La guerre des cartels, Alejandro et Matt n’ont aucun personnage qui leur fait face, aucun adversaire pour pointer les limites. 


Le film est donc plus “classique” car ce sont les personnages eux-même qui vont s’apercevoir de leur limite. Le personnage d’Isabela est donc le prétexte parfait : une jeune fille de 16 ans qui n’a rien demandé et qui est donc l’innocence incarné. Ce changement est là pour nuancer le caractère des deux protagonistes, les complexifier. Mais ce prétexte scénaristique se révèle très facile, avec de grosses ficelles apparentes.
Pour ce nouveau film, on a fait appel à Stefano Sollima (ACAB : All Cops Are Basterds, la série Gomorra), qui se colle à l’univers mis en place par Villeneuve. La mise en scène est efficace (ce gunfight en plein milieu du désert mexicain est vraiment impressionnant). La photo de Dariusz Wolski (le chef opérateur préféré de Ridley Scott ces dernières années) s’aligne également sur la palette de couleurs de Roger Deakins, utilisant également beaucoup de plans larges sur le désert et des plans en vision nocturne. On peut juste se lamenter du manque d’originalité, bien qu’en terme de technique on ne peut pas dire grand chose. Il manque cette tension permanente du premier Sicario, où on se savait pas quand et comment les coup de feu allaient surgir. Tout est plus calibré et plus “sage” dans le film de Sollima. 


L’histoire se veut plus dans l’ère du temps, abordant cette fois le terrorisme d’une façon assez réaliste, qui justifie toute l’immoralité demandé au personnage de Matt Graver. Il ne s’agit plus de trafiquant de drogue à la frontière des États-Unis, mais bien d’un trafic d’humain, de clandestin: une porte ouverte aux terroristes qui trouvent là un moyen de passer la frontière. Taylor Sheridan en profite pour critiquer ouvertement autant le gouvernement mexicains et sa corruption que le gouvernement américain et ses actions sans pitié.
On ne peut pas parler de Sicario sans parler de sa musique. La bande originale du premier était signée par Johann Johansson (malheureusement décédé en février dernier). Pour ce deuxième film, c’est une femme qui l’a composée (et c’est tellement rare que cela se doit d’être souligné), Hildur Gudnadottir ancienne collaboratrice du compositeur. Elle reprend le thème musical du premier, permettant de créer une atmosphère pesante.
Sicario La Guerre des Cartels propose d’étendre son univers lourd et angoissant sur la mafia mexicaine, bien qu’il n’égale pas l’excellence du premier. A voir si vous êtes curieux, mais attention à la déception si vous êtes un fan incontesté du film de Villeneuve.



Laura Enjolvy 




Il y avait énormément de quoi tiquer sur le papier, à l'idée de voir débarquer dans les salles obscures, une suite au formidable Sicario de Denis Villeneuve, cornaqué non plus par le bonhomme mais par un autre cinéaste, Stefano " Gomorra " Sollima (pas un étranger du crime organisé donc), le tout avec une histoire occultant complètement l'héroïne du film original, campée par la sublime Emily Blunt, pour totalement se focaliser sur celui, au demeurant plus mystérieux et passionnant, d'Alejandro campé par Benicio " Fucking " Del Toro - avec celui de Josh Brolin également.


Quelque part entre la violence décomplexée et anxiogène du sous-estimé Cartel de Ridley Scott, et le réalisme d’exécution du grand Miami Vice de Michael Mann (l'un des meilleurs polars de ces dix dernières années), le tout en rappelant l'intensité criante du film d'origine, Sicario La Guerre des Cartels, prenant place quelques années après les évènements de Juarez, enfonce le clou du divertissement racé et intelligent instauré par l'écriture majestueuse de Taylor Sheridan (qui s'impose de plus en plus en digne héritier du grand Sam Peckinpah), pour mieux incarner une oeuvre coup de poing; un uppercut sondant autant les traumas de la société contemporaine US (dont la situation politique n'a jamais été aussi houleuse et hypocrite) que les tréfonds de l'âme humaine via le prisme d'une humanisation salvatrice - même si un poil forcée - d'un homme charismatique en pleine quête de rédemption après une existence engluée dans l'enfer des cartels - mais pas que.
Un antihéros crepusculaire presque d'un autre temps (un héros westernien, cher à Sheridan, qui n'est pas sans rappeler le Leon de Luc Besson, sous certains aspects), confrontant la violence bruyante par une autre, plus sourde mais pas moins destructrice.


Manipulant à sa guise son spectateur avec un propos aussi corrosif qu'il est humain et criant de vérité (la peur du terrorisme, la question de l'immigration comme véhicule de la violence, la différence incroyable entre deux pays aussi proches physiquement qu'éloignés dans leurs politiques), tout en enrobant sa charge avec une action marquée et cadrée à la perfection (et on pense, instinctivement, à la référence Heat) par une mise en scène stylisée et enlevée (d'ailleurs, la direction d'acteurs s'aligne sur le même niveau de qualité), ainsi qu'une atmosphère dense et suffocante aux douloureuses allures de descente aux enfers saisissante; Sicario La Guerre des Cartels, qui prend le contre-pied du premier film tout en lui offrant un prolongement aussi atypique que solide et cohérent (le personnage de Brolin, passionnant d'ambiguïté morale, en sort grandit), est un divertissement calibré pour les amateurs de B movie, un moment de cinéma percutant et nihiliste à souhait, au rythme volontairement infernal. 


S'il subit évidemment la concurrence avec son glorieux ainé (moins populaire dans sa facture, parfois plus irréaliste et métaphorique) et que sa nécessité/légitimité pourra toujours être discuté par beaucoup, il n'en est pas moins une franche - et étonnante - réussite.


Jonathan Chevrier



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