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[CRITIQUE] : Mute


Réalisateur : Duncan Jones
Acteurs : Alexander Skarsgård, Justin Theroux, Paul Rudd, Seyneb Saleh,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Science-Fiction, Thriller.
Nationalité : Britannique,  Allemand.
Durée : 2h06min.

Synopsis :
Dans un proche avenir, Leo est barman dans un Berlin en pleine ébullition. A cause d’un accident survenu dans son enfance, Leo perd l’usage de la parole et ne vit plus que pour sa séduisante petite-amie Naadirah. Quand elle disparaît sans laisser de trace, Leo se met à sa recherche et se retrouve dans les bas-fonds de la ville. Deux espiègles chirurgiens américains constituent les seuls indices qui le poussent à affronter ce milieu infernal afin de retrouver son amour.




 
Critique :





Plus qu'un honnête et prometteur faiseur de rêve, Duncan Jones, fils du regretté Starman David Bowie, incarnait à nos yeux le futur de la SF racée et intelligente après la vision enthousiasmante de ses deux premiers essais : le bricolé Moon et le grisant Source Code.
Le hic, c'est qu'en répondant favorablement aux appels incessants des sirènes d'Hollywood, le bonhomme s'était laissé séduire par Universal pour mettre en boîte l'infaisable : un live-action Warcraft, dont la production chaotique n'aura eu d'égale que sa réception frileuse, autant par les critiques que par le public en salles.
Remonté comme un coucou suisse, le Duncan s'est entêté pour son quatrième essai, à réaliser un projet au long cours infiniment personnel : Mute, vendu comme une sorte de Casablanca sauce SF censé être autant le projet de sa vie, que celui de la rédemption après le four Warcraft - Le Commencement.




Une wannabe envolée romantico-futuriste sauce polar noir à l'esthétique ambitieuse, s'inscrivant logiquement sur les glorieux pas de l'univers flamboyant du diptyque Blade Runner - mais pas que.
Le film s'attache à suivre Leo, un barman de 30 ans qui travaille dans un Berlin futuriste, un véritable ovni humain engoncé dans un melting-pot déshumanisé et glacial : un accident durant son enfance l'a privé de la capacité de parler et son éducation amish l'oblige à eviter autant que possible l'utilisation de gadgets électroniques.
Son seul rayon de soleil dans un quotidien d'une tristesse abyssale, survit dans sa relation avec la belle Naadirah une serveuse aussi mystérieuse que ses cheveux sont bleus.
Lorsqu'elle disparaît, Leo est obligé de se mêler avec force aux criminels de la ville, aux propriétaires de bordels, aux travailleurs du sexe et aux chirurgiens clandestins, pour avoir une chance de la retrouver...




Sur le papier, Mute avait tout du thriller fantastique sombre et fascinant, avec son intrigue mère solide sur un homme mutique recherchant sa bien-aimée au sein d'un Berlin cradingue, froid et aux couleurs criardes qui n'avait rien à envier au L.A. de Denis Villeneuve.
Surtout que Jones semblait suivre le même terrain balisé de l'épopée SF poignante et humaniste sur la solitude et l'isolement, qui avait fait la magie de son puissant Moon, auquel il offre d'ailleurs ici un clin d'oeil enchanteur (la courte mais toujours importante présence du génial Sam Rockwell).
Mais à l'écran, malheureusement, la mayonnaise n'est pas du tout la même.
Volontairement - ou pas - gauche, sans grand enjeu dramatique, plombée par une love-story sirupeuse (Casablanca hein...) et sincèrement malaisant, l'intrigue passe autant de temps auprès du sympathique Léo (Alexander Skarsgård, convaincant en héros hanté qui ne communique qu'à coup d'expressions), que sur les aléas de deux chirurgiens décalés et détestables, Cactus et Duck (Paul Rudd et Justin Theroux, qui font ce qu'ils peuvent autant avec leurs persos que leurs looks foireux), l'un cherchant à quitter la ville avec sa fille tandis que l'autre ne masque même pas son statut de prédateur pédophile.



Un partage bancal qui dessert autant l'histoire - assez faiblarde  et bourré d'arcs narratifs liés à l'arrache - que le rythme - nonchalant - d'une oeuvre qui pourrait presque se voir comme un rejeton mal torché et grotesque de The Big Lebowski (les freaks sont légion), n'exploitant jamais ni son univers, ni ses personnages stéréotypés aux dialogues limités; dit personnages qui sont soit caractérisés à la truelle (Leo en tête), soit totalement sacrifiés (la quasi-intégralité des seconds couteaux).
Duncan Jones n'est ni Ridley Scott, ni les frangins Coen, et son Mute, même animé de belles intentions (dommage pour lui, la série Altered Carbon vient de débarquer et boxe sur le même terrain), croule aussi bien sous le poids de ses défauts que son cruel manque d'implication et d'intérêt narratif.
Bref, une nouvelle production Netflix aguicheuse mais in fine décevante, à l'instar du récent Bright de David Ayer...



Jonathan Chevrier