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[CRITIQUE] : Sicario


Réalisateur : Denis Villeneuve
Acteurs : Emily Blunt, Benicio Del Toro, Josh Brolin, Daniel Kaluuya, Victor Garber, Jon Bernthal,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : 32 000 000 $
Genre : Thriller, Policier, Action.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h02min.

Synopsis :
La zone frontalière entre les États-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogues. Menée par un consultant énigmatique, l'équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.


Critique :


Depuis son merveilleux Incendies qui lui a permit d'être connu à l'international, le génial Denis Villeneuve est tout simplement devenu l'un des cinéastes les plus à suivre du moment.

Que ce soit pour sa formidable collaboration avec un Jake Gyllenhaal qui lui doit en grande partie sa (re)montée en puissance (Prisoners puis Enemy) ou son attachement à deux projets hautement bandant (Story of Your Life avec Amy Adams mais surtout Blade Runner 2), le bonhomme a un statut de plus en plus imposant au sein du cinéma ricain et ce n'est pas son dernier long en date, le bien nommé Sicario, qui changera cette vérité indélébile.

Bête de festival après avoir fait trembler la compét officielle lors de la dernière Croisette (d’où il est parti injustement mais logiquement bredouille), le film s'apprête à atterrir dans les salles obscures mondiales pile poil au moment ou la course aux statuettes dorées démarre tranquillement son allure de croisière.


Pas le simple fruit du hasard quand on s'arrête quelques instants sur la maestria évidente de ce nouveau (et grand) tour de force de la part du metteur en scène canadien, un merveilleux et étouffant thriller d'action que l'on verrait très bien jouer les troubles fêtes aux prochains oscars...

Porté par un casting indécent de talents (la so cute Emily Blunt, les vénérés Benicio Del Toro et Josh Brolin), Sicario suit les aléas de Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, qui est envoyée à la zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique - devenu un véritable territoire de non-droit - pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogues.
Menée par un consultant énigmatique, l’équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre...

Quelque part entre la violence décomplexée et anxiogène du sous-estimé Cartel de Ridley Scott, la tension constante et le point de vue féminin fort du Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, la psychologie tortueuse de David Lynch (tout comme Enemy) et le réalisme d’exécution du grand Miami Vice de Michael Mann (l'un des meilleurs polar noir de ces dix dernières années), tout en rappelant l'intensité de ses deux précédents longs (évident avec la présence à la photographie de Roger Deakins); Sicario est sans conteste l'un des moments de cinéma les plus haletant et renversant qu'il nous aura été donné de voir cette année dans les salles hexagonales.


Comme à son habitude, Villeneuve (dont c'est le premier film d'action) prend son spectateur par les tripes pour mieux l'embarquer au sein d'une expérience percutante et sous pression, une mise en apnée intense mais infiniment jouissive dans les arcanes sinueuses de la lutte contre le narco-terrorisme à l'introduction volontairement coup de poing.

Mieux, dans ce qui semble être à première vue comme un remarquable thriller d'action/mental bien plus " mainstream" que ces précédents essais, le cinéaste profite de l'intelligent et complexe script de Taylor Sheridan pour poursuivre sa charge contre la société contemporaine US (ici sa guerre controversée face aux cartels mexicains) mais surtout des tréfonds de l'âme humaine via le prisme de la quête initiatique de Kate, brillante et idéaliste recrue du FBI qui va faire face à un quotidien déroutant (la violence, la pression de son job, le machisme ambiant) la poussant dans ses derniers retranchement, aussi bien moralement que physiquement.

Une héroïne contemporaine campée avec force par une Emily Blunt merveilleusement badass et féminine (Villeneuve ne cache jamais sa féminité et son humanité, et n'en fait pas une vulgaire Rambo à la silhouette avantageuse), une composition tout en sobriété qui à l'instar de celle qu'elle nous a offerte dans l'excellent Edge of Tomorrow de Doug Liman, démontre qu'elle sait autant encaisser les coups que les donner.
A ses côtés, Benicio Del Toro royal, est complétement dément dans la peau du cruel Alejandro tandis que Josh Brolin en impose également dans la carcasse charismatique de Matt, l'agent du gouvernement qui recrute Kate.


Passionnant et tendu tout du long jusqu'à son final nihiliste et radical, dominé par une atmosphère dense et suffocante aux douloureuses allures de descente aux enfers saisissante au rythme infernal, constamment magnifiée par une mise en scène aussi inspirée que millimétrée - certains plans sont hallucinant -, au score et à la photographie implacable; Sicario est décemment l'un des films majeurs de cette fin d'année ciné (et même de 2015, tout court) prouvant que Villeneuve est décidément capable de tout mettre en scène.

Pas étonnant que tonton Scott lui donne les clés de son Blade Runner 2, une suite qui a la vue de ce dernier film du bonhomme, s'avère encore plus alléchant sur le papier...


Jonathan Chevrier