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[CRITIQUE] : Mademoiselle Julie


Réalisateur : Liv Ullmann
Acteurs : Jessica Chastain, Colin Farrell, Samantha Morton,...
Distributeur : Pretty Pictures
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Norvégien, Irlandais, Britannique, Français.
Durée : 2h13min.

Synopsis :
1890, Irlande. Tandis que tout le monde célèbre la nuit des feux de la Saint Jean, Mademoiselle Julie et John, le valet de son père, se charment, se jaugent et se manipulent sous les yeux de Kathleen, la cuisinière du baron, jeune fiancée de John. Ce dernier convoite depuis de nombreuses années la comtesse voyant en elle un moyen de monter dans l’échelle sociale.




Critique :


Prenez une adaptation d'une des plus célèbres pièces de théâtre de notre époque et fréquemment mis en image sur grand écran depuis plusieurs décennies - Miss Julie du dramaturge suédois August Strindberg -, mis en scène par une réalisatrice absente des écrans depuis plus de quatorze ans maintenant - Liv Ullmann, et traitant d'une romance impossible dans une société d'époque qui avait pour tradition de ne pas tolérer l'amour entre les différentes classes sociales.

Avouez que dit comme ça, ça n'attire pas des masses, surtout en cette rentrée 2014 bourrée de belles surprises made in France dans les salles obscures (Gemma Bovery, Maintenant ou Jamais, Hippocrate).

Et pourtant, rajoutez-y une pincée de beauté incendiaire en la personne de la douce et précieuse Jessica Chastain et tout de suite, ça excite méchamment son cinéphile.


Car soyons honnête deux minutes, elle est bien là, la raison pour laquelle ce Mademoiselle Julie ne passera pas inaperçu en ce mois de septembre chargé comme un adolescent en plein springbreak, la présence de la sublime Jessica, accompagnée pour l'occasion par un Colin Farrell que l'on espérait bien plus inspiré que dans le (très) bancal Un Amour d'Hiver, ainsi que par l'excellente Samantha Morton.

Mademoiselle Julie donc, ou l'histoire, en Irlande à la fin du XIXème siècle, de la dite Mademoiselle Julie (logique jusque-là), jeune noble qui joue un jeu des plus dangereux avec son valet, le bien nommé John, tandis que tout le monde célèbre la nuit des feux de la Saint Jean.

Un jeu dangereux puisque dans la société Irlandaise (mais pas que) de l'époque, les conventions en vigueur voulaient que fricoter avec son valet en tant que sang noble, vous faisait automatiquement déchoir de votre statut.

Elle risque donc très gros tandis que John lui, loin d'être bête et peu intéressé, voit dans cette liaison la possibilité d’un avancement social...


Très fidèle à la pièce d'origine puisqu'elle en reprend la même trame narrative scindé en deux parties, ainsi que bon nombre de ses dialogues tout en se payant le luxe de se le réapproprier et d'ajouter deux, trois modifications assez importantes (elle rend judicieusement le personnage de la servante bien plus consistant et délocalise son histoire en Irlande), la muse et compagne d’Ingmar Bergman, Liv Ullmann - excellente actrice et tout aussi habile avec une caméra -, était donc de retour à la réalisation après plus d'une décennie d'absence, puisqu'elle avait profité de cette pause (si on peut dire que ce fut une pause) pour se consacrer au théâtre, celle-ci ayant notamment dirigé la version d'Un Tramway Nommé Désir avec l'inestimable Cate Blanchett en vedette.

Et malheureusement, cette longue absence théâtrale se ressent cruellement dans sa mise en scène de Mademoiselle Julie, tant tout du long, on ne peut que regretter que la cinéaste ne choisisse pas explicitement entre le grand écran et la grande scène pour illustrer l’œuvre de Strindberg.

Sa caméra stagne devant tant de sobriété et de classicisme, n'épouse jamais les mouvements de ses acteurs et encore moins la beauté de ses merveilleux décors extérieurs qu'elle ne scrute quasiment jamais, sans compter un montage tellement simpliste et sans éclats qu'il rend le rythme de ces longues tirades méchamment lent.


Bref, trop théâtralisé, minimaliste à outrance - on est quasiment face à un huit-clos -, lourdement étirer sur la longueur et doublé d'une atmosphère très austère et mélancolique, le nouveau film de la réalisatrice Norvégienne pousse à un ennui constant (ces 2h13 paraissent bien longue, et le mot est faible) et n'exploite presque jamais les possibilités offerte par le grand écran pour magnifier son histoire.

Dommage, vraiment dommage d'autant plus quand on s'arrête sur ces jolies qualités qui aurait mérité un plus belle écrin, comme l'infini qualité de ses fins dialogues, sa volonté de décortiquer avec minutie le comportement de ses personnages, sa photographie lumineuse mais avant tout et surtout, la performance exceptionnelle et captivante, de son trio vedette à l'alchimie hautement convaincante et évidente.

Bien plus inspiré et impliqué qu'à l'accoutumée, Colin Farrell est troublant et élégant en John aussi fier qu'imprévisible, objet de tous les désirs de deux femmes différentes mais pas pour le moins fascinante.

La cuisinière Kathleen tout d'abord, campé par une épatante Samantha Morton tout en lucidité et en sagesse, mais aussi et bien évidemment la sublime Julie, joué par une Jessica Chastain ahurissante, captant à merveille avec l'immense étendue de sa palette de jeu, toute l’ambiguïté et la richesse du personnage.



Théâtre filmé épuré, poignant mais trop désuet, naïf et figé là ou il aurait pu incarner un romantique et merveilleux moment de cinéma - à l'instar du Anna Karenine de Joe Wright, qui n'a pas eu peur de se réapproprié l’œuvre de Tolstoï, quitte à la trahir un peu -, cette énième variation d'une histoire maintes fois racontée n'apportera donc sa pierre à l'édifice que pour son casting titre absolument parfait, et le choix infiniment juste de son actrice principal, qui rejoint la glorieuse liste d'actrices talentueuses ayant repris les traits de la désespérée Julie : Juliette Binoche, Fanny Ardant ou encore Isabelle Adjani.

C'est maigre certes, mais dans un sens, ce n'est déjà pas si mal...


Jonathan Chevrier


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