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[CRITIQUE DVD] : Le Monde de Charlie


Réalisateur : Stephen Chbosky
Acteurs : Logan Lerman, Emma Watson, Ezra Miller, Paul Rudd, Dylan McDermott, Nina Dobrev, Kate Walsh, Tom Savini,...
Distributeur : Summit Entertainment France
Budget : -
Genre :  Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h40min.
Date de sortie en salles : 2 janvier 2013
Date de sortie en DVD/Blu-Ray : 15 mai 2013

Synopsis :  Au lycée où il vient d’arriver, on trouve Charlie bizarre.
Sa sensibilité et ses goûts sont en décalage avec ceux de ses camarades de classe.
Pour son prof de Lettres, c’est sans doute un prodige, pour les autres, c’est juste un « loser ».
En attendant, il reste en marge – jusqu’au jour où deux terminales, Patrick et la jolie Sam, le prennent sous leur aile.
Grâce à eux, il va découvrir la musique, les fêtes, le sexe… pour Charlie, un nouveau monde s’offre à lui.


Critique :

Bizarre et injuste, mais vrai, demandes à qui tu veux c'est quoi Le Monde de Charlie, et tu verras qu'il n'y en aura qu'une poignée qui te diront " Je sais c'est quoi, c'est avec Hermione " , et si tu demandes à un gars tu auras en bonus : " Et elle est devenue vachement bonne, t'as vu ? ".

D'autres, plus incultes, te demanderont si c'est l'adaptation du célèbre lascar avec le bonnet rouge et blanc dont on s'est toujours demandé ou c'est qu'il était fourré à chaque fois (faut dire qu'il a toujours eu le don de bien se cacher ce con de Charlie).
Pire même, il n'y en aura seulement deux ou trois qui te diront " Ah oui, bah moi j'ai pu le voir au cinéma ".

Cruel constat pour un film qui a tout, sur le papier, pour être une pépite d'un sous-genre dont la popularité n'a jamais faiblit, le teen movies, une sorte de pépite du bon gout simple mais révolutionnaire, comparable à celle que furent toutes les péloches du regretté John Hugues dans les eighties.
C'est tout con pourtant mais voilà, même par chez nous, il a eu dut mal à être visible sur notre radar du bon gout, tant sa distribution en salles fut assez chaotique.
Mais il n'était pas le seul à subir cette injustice en début d'année, le bandant L'Homme aux Poings de Fer à lui aussi été salement boycotté dans l'hexagone, alors qu'il pouvait aisément créer son petit boucan parmi les amateurs de castagnes sanglantes.

Faut croire que diffusé à grande échelle le poussif La Stratégie de la Poussette, était plus important...


Un boycott de merde pas franchement compréhensible, alors que sa date de sortie fut pour une fois, d'une intelligence rare.

C'est vrai, c'était vraiment pas con de se caler entre une énième séance du Hobbit qui font rapporter un beau paquet de tunes à tonton Jackson, une sortie de Jack Reacher remarqué, mais pas franchement triomphante vu qu'on ne verra définitivement Cruise par ici que comme un représentant scientologue (ils sont vraiment con les français parfois...), une séance du jouissif, dégueulasse et pervers Maniac, et juste avant la grosse sortie de Django Unchained).

Placé le 2 janvier, il avait tout pour être un putain d'outsider, une belle alternative douce et maline avant un abattage de grosses prods calibrés oscars made in Hollywood, qui laissera surement plus d'une bonne péloche sur le carreau.
Mais faut l'admettre, en France on n'est pas trop fan des péloches pour ados (alors que le thème de l'adolescence est un puits sans fond de possibilités), on aime bien produire de la merde (Sexy Boys , LOL, Les Beaux Gosses, Clem) quand c'est pour prendre un peu de pognon et surfer comme tout le monde sur un succès du moment, mais par contre quand c'est pour la jouer plus profond et intelligent, là y'a plus personne.

Alors qu'on essaye de donner un tant soit peu de repaires identitaires cinématographiques à nos ados avec des épisodes hautement éducatifs de Joséphine, Ange Gardien et de Plus Belle La Vie, les américains eux, via Stephen Chbosky, nous mettent encore plusieurs kilométres d'avance dans la gueule avec Le Monde de Charlie donc, adaptation du best seller du même nom signé treize piges plus tôt par le même mec, par Charlie mais Chbosky, métrage qui parle autant à l'ado d'aujourd'hui qu'à ceux qui le furent jadis...

Attention âmes sensibles s'abstenir, voilà un retour nostalgique dans l'époque la plus marquante de nos vies, soit un " moment Kleenex " sur plus d'une heure trente, dont y'a de grandes chances qu'on risque de sortir extrêmement touché après sa vision...


L'histoire du film est assez simple, on y suit le périple de Charlie (t'as vu, comme le titre du film, c'est simple !), adolescent lunaire qui vient tout juste de rentrer au lycée, soit le lieu le plus important de tout adolescent durant au minimum, trois piges.
Là-bas t'as pas trop le choix, c'est la jungle comme on dit , soit t'es le loser qui lèche le cul des profs et qui aligne les bonnes notes, soit t'es la grosse biatch qui se fait tringler par tous le monde, soit le rebelle aux notes aussi flippantes que ces conneries, le sportif ultra populaire qui serre une pom-pom girl ultra populaire, ou soit t'es un gars normal, tu fais tapisserie parce que personne ne te comprend, t'es le cul entre deux chaises dans la société parce que t'es pas du genre à vouloir rentrer dans un moule.

T'es pas invisible mais c'est tout comme, t'es pas intégré dans cette micro-société souvent pourrie et ça te fais chier autant que ça te convient, tu n'as pas beaucoup d'amis voir pas du tout, et tu as peur de ne pas pouvoir profiter de la vie comme tes vieux le désirerait en te bassinant à longueur de journée avec leurs sempiternelles taglines nostalgiques " l'adolescence est la période la plus joyeuse de ma vie, j'y ai tout découvert ".

Si tu te reconnais en ça, c'est que t'es comme Charlie, môme de quinze ans timide, un chouia dépressif, pas à sa place mais bien plus intelligent que les autres.
Écrasé par une mélancolie quasi-constante et un lourd secret, il va très vite faire la connaissance de deux terminales tout aussi amochés que lui, deux demis frère et sœur, le déluré et gay Patrick, et la jolie et torturée Sam, qui vont le prendre sous leurs ailes, le faire grandir et découvrir la vie plus vite que prévu, tout autant qu'ils vont se servir de lui pour mieux se (re)construire.

Trois êtres au carrefour de leurs existences, revendiquant leur statut de paria, qui vont tenter de faire face à la dureté de la vie ensemble malgré leurs nombreuses fêlures...



Voilà le postulat de départ donc de ce Monde de Charlie, petite bombe indépendante comme les américains en raffolent, sur les souffrances de l'adolescence sous fond de douce love story follement juste et réaliste, à des années lumières du produit formaté " teen movies " pondu par Hollywood depuis près de deux décennies, soit  " sexe, drogue, alcool et rock n' roll ".
 Si au départ les clichés sont nombreux et foutent un peu la frousse pour la suite (Charlie est l'ado dépressif et loser cliché par excellence, se butant à la pop anglaise du type The Smith, genre le groupe number one pour dépressif cool qui s'assume; le perso de Patrick un peu trop " gay "; le sempiternelle hommage poussé au Rocky Horror Picture Show), intelligemment, Stephen Chbosky va déjouer les apparences en misant sur une simplicité de ton incroyable (et salvatrice, pourquoi faire compliqué quand la simplicité est meilleure ?) et une atmosphère dramatique constante (dont le pesant voir même atroce, secret entourant Charlie, ne sera dévoilé en douceur, qu'en toute fin), poussant le spectateur à avoir de l'empathie pour un héros dont on reconnait les traits marquants en chacun de nous.

Même dans son initiation à la vie, le cinéaste ne cherche pas la complication, Charlie par le biais de ses deux amies, va passer par tous les stades possibles : la solitude, les premières rencontres, l'acceptation dans une bande, la première fois que l'on tombe amoureux, les premières fêtes, les premières prises de produits illicites, les premiers râteaux, etc..., le faisant muer in fine de l'ado taciturne à l'ado rayonnant, dans une période temporelle plaqué entre deux époques phares, la fin des folles et rock n' roll années eighties (époque bénit pour tout cinéphile un minimum amateur averti) et le début des plus sages nineties, révolutionnaire technologiquement (l’avènement d'internet surtout).

Conscient que comme beaucoup, sur le papier il n'apporte pas grand chose de nouveau ni de surprenant à l'édifice du teen movie indé (la revanche du loser sur la vie au milieu de persos stéréotypés, souvent dans une dramédie romantique dépressive tendance feel good movie), Chbosky va miser sur un traitement des personnages infiniment fin et beau (en même temps, le bonhomme ne fera qu'améliorer son boulot déjà pas mal bien avancé dans son propre roman), flamboyant dans leurs faiblesses, ainsi que sur un trio d'acteurs incroyable, à l'alchimie folle, tellement talentueux et juste que cela frisera limite avec l'indécence.

Deux bons points essentiels qui vont faire de son film une œuvre magique, bouleversante, aussi réaliste que puissante.


Membre un peu à l'écart du trio (évident dans le sens ou il ne fait pas partie intégrante de la love story centrale), Ezra Miller, dont on a l'habitude par ici de saluer son immense talent (il nous a foutu littéralement par terre dés We Need To Talk About Kevin, en 2010), est une nouvelle fois exceptionnel et imposant dans la peau casse-gueule de Patrick, personnage gay qui cache le mal être qu'il a de ne pas vivre pleinement par une exubérance de façade, et qui privilégie le bonheur de ses amis avant le sien.

Un personnage à double résonance quand on sait que dans la réalité, l'acteur a officiellement avoué son homosexualité il y a encore peu, un fait important qui multiplie encore plus l'impression d'implication du bonhomme.
Si il n'a ici qu'une sorte de " second rôle ", celui-ci n'a pourtant aucun mal à voler une nouvelle fois la vedette lors de quelques scènes clés, ou il dévoile ses sentiments d'une manière absolument cohérente et touchante.

Love interest du personnage principal, la très jolie Emma Watson trouve bien ici son meilleur rôle depuis l'arrêt de la franchise Harry Potter.
Plus délicieuse et lumineuse que jamais (j'étais sous le charme avant, maintenant c'est sur j'en suis littéralement fou amoureux...), elle brule la péloche de sa présence magnétique et envoutante dans la peau de Sam, ado torturée et malheureuse en amour tant elle est toujours attirée par les mauvais garçons.
Fragile, sublime, délicate, d'un simple regard ou même d'un simple sourire, elle est capable de faire craquer n'importe quel membre de la gente masculine, de quoi laisser entrevoir un bel avenir pour la demoiselle dans le business, et encore plus si elle embellit à chaque péloche.

Mais le gros morceau surprenant du film (et du trio), c'est bien la performance tout en tristesse poétique en Charlie d'un Logan Lerman qu'on n'attendait mais alors vraiment pas si proche de la perfection.


Faut dire, le type n'était pas connu pour des prestations brillantes, vu ses partitions moyennes dans les peu reluisants Percy Jackson et Les 3 Mousquetaires de Paul WS Anderson (réal qui ne fait jamais très beau sur un c.v).
Mémorable, il est un Charlie tout en sensibilité et en retenue, littéralement bluffant dans la palette d'émotions qu'il parcours au fur et à mesure de l'évolution de son personnage.

Le bonhomme a trouver sa voie, si les blockbusters ne dévoilent pas vraiment l'étendue de son étonnant talent, prions pour que le circuit indépendant continue de lui offrir des rôles à la mesure de son jeu nuancé.
Naïf, doux, profond, intelligent, loin de plonger allégrement dans le pathos bon marché (le risque de toute prod du genre), Le Monde de Charlie est un film hybride, un ovni d'une qualité et d'une générosité rare, d'apparence chaotique mais à l'humour extrêmement fin et à l'émotion d'une pureté magnifique, doublé d'une jolie romance entre deux personnes faites l’une pour l’autre mais qui peine à voir cette évidence.

Blindés à ras bords de références du bon gout (Bowie, The Smith, les ultra-kitsh mais nostalgiques compiles sur cassettes audio,...), et de très gros moments d'émotions, la péloche tutoie autant le cinéma de Gregg Araki que celui de John Hugues, et évoque avec brio la nostalgie de l’adolescence sur plusieurs générations (il parle autant au trentenaires, qu'à ceux qui viennent de quitter l'adolescence ou qui sont encore en plein dedans), en touchant toujours juste, sans jamais être ni cynique, ni subversif.


Si le film l'emporte au final malgré son côté assez simpliste, et qu'il se place comme le teen movies le plus réussi et malin de ses dernières années, c'est autant pour son caractère hautement universel, sa juste mise en image du malaise identitaire qui frappe l'adolescence que pour la beauté de ses personnages et de leurs interprétations.
Stephen Chbosky a réussi son pari, il a adapté avec brio son bouquin, et comme voulut il plait et s'adresse au teenager qui sommeille en chaque spectateur.

Si il ne marquera pas les esprits de tous les cinéphiles (et c'est bien dommage d'ailleurs), Le Monde de Charlie reste une vraie belle et plaisante expérience de cinéma qui aura permit de très bien commencer l'année cinéma de 2013, tout comme Maniac dans un autre domaine (mais vraiment tout autre d'ailleurs).
Une ode à la nostalgie et à la liberté humaine, fine et touchante, qu'il serait bien con de manquer, surtout qu'il est désormais en DVD et à la portée de tous les cinéphiles.

Et en plus si comme moi, la belle Emma Watson fait chavirer ton petit cœur de cinéphile tout chamalow chamalow, fonces sans l'ombre d'une hésitation, parole de critique du bon gout, tu seras très loin d'être déçu.


Jonathan Chevrier

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