[CRITIQUE] : L'Arbre de la connaissance

Réalisateur : Eugène Green
Acteurs : Rui Pedro Silva, Ana Moreira, Diogo Doria, João Luís Arrais,...
Distributeur : JHR Films
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique.
Nationalité : Français, Portugais.
Durée : 1h40min.

Synopsis :
Gaspar, un adolescent de Lisbonne, tombe entre les mains de L’Ogre, un homme ayant fait un pacte avec le Diable. Il utilise le garçon pour attirer des touristes qu’il transforme en animaux pour les manger. Gaspar s’échappe avec un chien et une ânesse dont il va tomber amoureux…

Quand bien même le cinema portugais n'a jamais véritablement été célébré à sa juste valeur dans nos salles obscures, gageons que depuis le virage des années 2020, sa santé est on ne peut plus encourageante.
Preuve en est rien que sur l'année en cours, du puissant Le Rire et le Couteau de Pedro Pinho au magnifique À la lueur de la chandelle d'André Gil Mata, en passant par les tout aussi brillants On Falling de Laura Carreira et Manas de Marianna Brennand.
Rassurons-nous, L'Arbre de la connaissance, d'un Eugène Green particulièrement prolifique, ne contredit pas le moins du monde cette vérité, loin de là même.

Pour son retour, quatre ans après Atarrabi et Mikelats, il dégaine une pépite de fable déglingo-initiatique à la fantaisie totalement assumée (une habitude chez le bonhomme), où le cinéaste mêle récit initiatique et exploration particulièrement ludique de ce que signifie être humain dans une société contemporaine douloureusement fracturée et bouffée par un capitalisme galopant, à travers l'initiation à la dure réalité de la vie d'adulte d'un jeune homme qui s'approprie l'histoire dense et complexe de sa nation (celle passé comme contemporaine) au visage aujourd'hui dénaturé par le tourisme de masse, pour se trouver et façonner sa propre identité.

Soit Gaspar (un excellent Rui Pedro Silva), un jeune homme paumé et désenchanté vivant dans un foyer toxique et tumultueux, au sein d'une banlieue isolée en périphérie de Lisbonne, qui décide de rompre avec un quotidien marginalisé et sans opportunité, pour s'offrir un avenir meilleur en ville.
Mais tout bascule lorsqu'il se fait kidnapper par Leitão, l'homme de main d'un « Ogre » maléfique, qui a jadis vendu son âme au diable et qui transforme les touristes en bêtes à manger, dont les restes sont vendus à des restaurants touristiques...

Fable satirique et protéiforme gentiment logée entre le roman picaresque et le théâtre baroque, au plus près d'une âme tiraillée entre loyautés et croyances dont le parcours rocambolesque a tout d'un rite de passage spirituel et onirique visant à provoquer son affirmation de lui-même, L'Arbre de la connaissance est une oeuvre de Green pur jus (jusque dans sa mise en scène, toujours aussi incisive), généreuse, archaïque et merveilleusement singulière, qui invite à reconnaître la colère des bouleversements culturels et sociaux qui transforment toute une nation, sans pour autant se laisser consumer par elle.

La violence n'est pas une réponse chez Green mais la résilience comme l'amour (et l'humour, savoureusement caustique), oui.

Jonathan Chevrier