[CRITIQUE] : Homelessly in love
Réalisatrices : Ariane Mohseni-Sadjadi et Lalita Clozel
Acteurs : -
Distributeur : Politie Production
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h22min.
Synopsis :
Dans l’Amérique de Trump, trois femmes sans-abri se réinventent. Tandis qu’Alyssa, maman célibataire, brasse les faux billets de 10$ dans un clip de rap, Lorraine s’émancipe de son Freddie à grands renforts de perruques. Michelle, elle, comprend enfin comment son douloureux passé l’a poussée dans les bras d’un homme violent. Pendant cinq ans, face à la caméra, ces femmes forgées par l’adversité nous entraînent dans leurs vies tourbillonnantes où se déconstruisent féminité, parentalité et violences domestiques.
Tout part d'une idée simple mais loin d'être simpliste, même dans son exécution : deux cinéastes en herbe et caméra en bandoulière, traversent l'Atlantique pour s'attacher aux destinées de trois femmes sans-abri mais au courage infaillible, décidant de tromper l'adversité comme de rabattre les cartes d'une existence qui ne leur a définitivement pas fait de cadeau, pour mieux se retrouver, se réinventer et revendiquer leur droit à l'amour comme au bonheur, dans une Amérique aux fissures sociales et humaines de plus en plus béantes.
Filmer pendant cinq années au coeur d'une Americana profonde ses invisibles que l'on invisibilise, ses rejetées des fausses promesses vantées par un " american dream " auquel une bonne frange de la population ne croit plus (voire n'a même jamais cru), voilà l'entreprise voulue par un tandem Ariane Mohseni-Sadjadi/Lalita Clozel qui démontrent que, même sans péter dans la soie de l'originalité, il n'y a pas que Gifi qui a des idées de génies.
En résulte un bel exercice funambule, à la fois détaché dans sa volonté de s'effacer et de laisser respirer chacune de ses expériences individuelles - sans jamais jouer la carte du voyeurisme putassier -, mais suffisamment proche pour coller à la vérité d'un quotidien tout en résilience face à un cruel manque d'estime de soi (fruit de passés difficiles comme d'une violence cyclique et systémique qui colle à la peau et détruit les âmes), aussi angoissé et rugueux qu'il reste pourtant continuellement frappé par le sceau de l'espoir d'un avenir meilleur.
Trois femmes qui s'affirment petit à petit face caméra tandis que dans le même mouvement, deux autres laissent lentement mais sûrement leur cinema en faire de même derrière, avec une mise en scène qui des premiers pas un poil fragile, se découvre une assurance et une maîtrise des plus essentielles en bout de course, ne faisant plus que simplement accompagner ses héroïnes : elles sont là pour elles et avec elles.
Un documentaire bienveillant et sensible à l'humanisme rare en somme, savamment dénué de tout angélisme et encore moins d'un sentiment de mépris dérangeant, les deux cinéastes croquant avec tendresse trois portraits de femmes dignes refusant d'être simplement définies par leur condition - et encore moins être écrasée par elle.
Trois morceaux de vies vivants et vibrants enveloppés dans les cadrages cotonneux d'un effort joliment immersif et tendre, qui se revendique autant comme une ode à la sororité qu'un vrai hymne à l'affirmation de soi et à la liberté, pas exempt de quelques aspérités certes, mais aux intentions et au coeur continuellement à la bonne place.
Clairement LA belle évasion/découverte de la semaine.
Jonathan Chevrier






