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[CRITIQUE] : The Lost Bus - Au cœur des flammes


Réalisateur : Paul Greengrass
Acteurs : Matthew McConaughey, America Ferrara, Yul Vazquez, Ashlie Atkinson,...
Distributeur : Apple TV +
Budget : -
Genre : Action, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h09min

Synopsis :
Un chauffeur de bus, Kevin McKay et une institutrice, Mary Ludwig, guident un bus rempli d'enfants à travers un incendie dévastateur.





Ils se comptent sur les doigts d'une main méchamment amputée, les cinéastes Hollywoodiens capable de retranscrire la catastrophe comme la tragédie à une échelle douloureusement humaine, tel que peut le faire un Paul Greengrass dont la filmographie a souvent été un peu trop résumée à ses escapades Bournesques.

La méticulosité extrême de ses reconstitutions comme de sa mise en scène, couplée à la densité complexe de la palette d'émotions qu'il arrive à retranscrire, dans ses explorations d'une humanité ordinaire soumis à des situations extraordinaires voire potentiellement mortelles, luttant pour sa survie dans des situations qui échappent souvent à leur contrôle (Bloody Sunday, Vol 93, Captain Philips,...), en faisaient instinctivement le faiseur de rêves - où plutôt de cauchemars - le plus adéquat pour retranscrire le calvaire réel vécu par un chauffeur de bus et une institutrice, pour sauver une poignée d'enfants au coeur de l'incendie devastateur de Camp Fire, le plus mortel et destructeur de toute l'histoire de la Californie du Nord.

Copyright Apple TV+

Tout le programme du film catastrophe The Lost Bus (inspiré du roman Paradise: One Town’s Struggle to Survive an American Wildfire de Lizzie Johnson), cloué au plus près des aternoiements d'un chauffeur de bus, Kevin McKay, au quotidien difficile (une mère malade, un père dont il a du mal à encaisser le deuil, un fils adolescent qui préférerait vivre avec son ex-femme, un boulot insatisfaisant qu'il ne peut pas se permettre de lâcher), dont le bus devient le seul véhicule disponible pour récupérer une enseignante, Mary Ludwig, et ses élèves bloqués dans une école primaire au milieu des flammes, des suites d'une défaillance technique - et humaine - amplifié par la sécheresse intense des terres environnantes et de fortes rafales de vent.
Obligé de conduire à l'aveugle au milieu de la fumée et des flammes qui ravagent tout le comté de Butte, sans le moindre contact extérieur (ni radio, ni téléphone), les dix petites minutes qu'auraient pu prendre ce trajet dans une journée régulière, devient une odyssée chaotique aussi dangereuse qu'interminable...

D'une tension pure et viscérale, où l'approche à la fois granuleuse, sans filtre et pseudo-documentaire de Greengrass, littéralement essentielle pour le réalisme de sa narration, ferait presque du film un héritier légitime au Salaire de la peur de Clouzot (toute propension gardée certes, mais tout de même), tout autant qu'elle met merveilleusement en valeur la détermination de ceux qui risquent leur vie pour sauver celle des autres, au milieu d'incendies (combinaison assez élégante entre des CGI particulièrement réussis, un sens affûté de l'échelle et une photographie joliment immersive de Pål Ulvik Rokseth) dont la dangerosité est aussi effrayante que palpable; The Lost Bus articule plus ou moins adroitement (on chipote un brin, mais quelques sous-intrigues dispensables et chargées en scènes d'exposition, viennent parasiter la fluidité de son récit) sa plongée aux cœurs des enfers en mêlant deux formes d'héroïsme inconsciemment liées : d'un côté les combattants du feu qui tentent tant bien que mal, d'affronter un adversaire définitivement trop grand pour eux, et de l'autre le bus de Kevin au beau milieu des flammes, alors que Mary tente d'apaiser les enfants avec un son sang-froid incroyable, tout en apportant son soutien au chauffeur.

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Un parti pris en apparence simple mais qui permet au cinéaste de pleinement capturer l'ampleur du désastre (les zones enflammées sont dépeintes comme de véritables zones de guerre), de conserver un regard désespérément humain face à la férocité d'une nature proprement terrifiante lorsqu'elle se met en colère (la encore, sa mise en scène aérienne expose totalement la position de pouvoir du feu, sur une population qui ne peut que fuir où mourir), incarnée à la perfection par le tandem America Ferrara/ Matthew McConaughey à la complicité étonnante et merveilleusement impliqué (d'autant que les premières scènes rappellent presque, volontairement ou non, celles d'Interstellar, les deux s'attachant à des figures paternelles aculées par la vie, devant affronter frontalement l'adversité pour se transformer en héros bigger than life).

Pas exempt, évidemment, de quelques défauts dommageables, que ce soit une certaine théâtralité sensiblement Hollywoodienne dans son dernier tiers qui tire en longueur, où sa manière d'encapsuler l'héroïsme de sa figure titre dans la dynamique d'un héros d'action fièrement américain tout droit sortie des 90s (jusque dans sa quête de rédemption maladroite), The Lost Bus n'en reste pas moins un sacré film catastrophe sous fond de courage et de résilience, décemment le meilleur (où le seul bon, c'est selon) film de son cinéaste depuis Captain Philips - il était temps.


Jonathan Chevrier