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[CRITIQUE] : Left-Handed Girl


Réalisatrice : Tsou Shih-Ching
Acteurs :  Tsai Janel, Ye Nina, Ma Shi-Yuan, Brando Huang,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Taïwanais, Français, Américain, Britannique.
Durée : 1h48min.

Synopsis :
Une mère célibataire et ses deux filles arrivent à Taipei pour ouvrir une petite cantine au cœur d'un marché nocturne de la capitale taiwanaise. Chacune d'entre elles doit trouver un moyen de s'adapter à cette nouvelle vie et réussir à maintenir l'unité familiale.





Quiconque s'est intéressé un minimum intéressé de près comme de loin, aux premiers - et excellents - efforts de Sean Baker (le cycle Sean Baker « Les Oubliés de l’Amérique », disponible en coffrets en physique, est la meilleure des manières de s'y plonger), ne connaît ne serait-ce que de nom Tsou Shih-Ching, productrice de longue date du bonhomme mais avant tout une cinéaste cinéaste qui il a co-écrit et co-réalisé Take Out, qui peut intimement être considéré comme la première pierre familière de son édifice cinématographique, le portrait captivant et intimiste du quotidien des sans papiers au cœur de Manhattan - et, plus directement, au sein de la communauté chinoise.

Copyright Le pacte

Un canevas édifiant, sombre et pourtant incroyablement rafraîchissant dans son naturalisme décontracté, au plus près d'une jeunesse clandestine tiraillée de toute part comme d'une misère humaine bouleversante, que la caméra capture avec suffisamment d'empathie pour ne jamais paraître forcée.
Du beau et bon cinéma brut héritier de De Sica, à la fois chaleureux, doux-amer et décousu juste ce qu'il faut, totalement imprégné par l'énergie joliment communicative de ses personnages constamment - où presque - en mouvement, et prenant pleinement pour acquis que la conscience sociale est un outil essentiel dans un monde où la déshumanisation des plus faibles et de leur calvaire, est monnaie courante.

C'est dans ce même mouvement que s'inscrit son nouvel long-métrage - son premier en solo -, Left-Handed Girl, adoubé aussi bien par Baker lui-même (il a collaboré à l'écriture, à la production et au montage), qui peut se voir comme un cousin loin d'être lointain au magnifique The Florida Project (quand bien même l'influence n'est pas si affirmée que cela, tant les références au cinéma de Hou Hsiao-hsien se font bien franches), portrait générationnel à la fois condensé et captivant d'une famille taïwanaise au féminin et à l'unité vacillante (l'attention se fixe un peu plus volontiers sur la plus jeune figure - sensiblement kleptomane et maladroite -, la fameuse gauchère du titre, qui intériorise les avertissements superstitieux de son grand-père pour qui être gaucher/gauchère est l'œuvre du diable), alors qu'ils errent dans une Taipei ou la matriarche cherche à ouvrir une petite cantine au cœur d'un marché nocturne - un étal qui parvient à peine à les maintenir à flots financièrement.

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Drame familial touchant façon chronique complexe - voire un poil chargée - sur le tumulte humain et urbain dans une société au patriarcat plus qu'affirmé (et où chacune des figures féminines du récit, nouées dans l'amour, la solidarité et la frustration, tente tant bien que mal et avec ses propres armes, de lutter contre la moindre strate de ce système dominant et discriminant), sous fond de catharsis émotionnelle et d'humour plutôt enjoué (à l'image de l'imaginaire naïf de sa jeune héroïne); Left-Handed Girl est un beau moment de cinéma à la fois réaliste et profond, dynamique et empathique.
Un sacré premier effort - en solo - donc.


Jonathan Chevrier