[CRITIQUE] : Cadet
Réalisateur : Adilkhan Yerzhanov
Avec : Sharip Serik, Aleksey Shemes, Anna Starchenko, Ratmir Yusupzhanov,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Thriller, Épouvante-horreur.
Nationalité : Kazakh.
Durée : 2h06min
Synopsis :
Accompagnant sa mère venue enseigner dans une école militaire très stricte, un jeune garçon subit le harcèlement et les coups de ses camarades, avant d’adopter lui-même un comportement inquiétant.
Une édition de l'Étrange Festival sans sa petite séance inédite du génial et prolifique cinéaste kazakh Adilkhan Yerzhanov (le Forum des images est sa deuxième maison, et c'est l'une des certitudes qui rendent ce festival si spécial et immanquable), ce serait un peu comme un voyage dépaysant dépaysant RER sans sa dizaine de minutes de retard, une pizza hawaïenne sans ses ananas (arrêtez vos conneries culinaires deux secondes, s'il vous plaît), où pire, un cul sans sa chemise : c'est littéralement inconcevable.
Une hérésie que ne connaîtra évidemment pas cette cuvée 2025 jusqu'ici plutôt tendre en réjouissance (le virage de la seconde semaine est déjà bien entamé, et la déception s'installe gentiment), puisqu'il y présente deux péloches dont son bien nommé Cadet, petit bout de cinéma énervé et brutal qui creuse encore un peu le sillon déjà bien entamé par Goliath et Steppenwolf, des ravages d'une violence sociale désespérée et implacable, à la décadence morale croissante.
Plongée fantomatique, comme Steppenwolf, dans les abîmes de la soumission quand bien même il délaisse cette fois les oripeaux du néo-western pour embrasser plus franchement ceux du cinéma horrifique, le film - tout est dans le titre, finalement - s'attache à la lente et allégorique descente aux enfers d'un cadet (un impressionnant Serik Sharipov) à l'innocence brisée, jeté dans la gueule du loup d'une académie militaire par sa mère (Anna Starchenko, déjà fantastique dans Steppenwolf, complice assumée de la transformation de son fils), et confronté frontalement à l'horreur sadique comme à la violence physique et psychologique des structures de pouvoir militaristes et de sa suprématie autoritaire.
Le terreau parfait pour dégainer sa charge sans concession sur l'endoctrinement toxique et misogyne d'une nation encore sous le joug de l'héritage du conformisme idéologique et déshumanisant de la domination soviétique - où toute individualité est réprimée -, embaumée dans une atmosphère tout aussi austère qu'anxiogène.
Yerzhanov s'amuse comme un petit fou à redéfinir les contours de son propre cinéma, autant qu'à pointer les ravages de la violence endémique du monde d'aujourd'hui, et son nouvel effort est, définitivement, l'un de ses plus puissants et percutants.
Vivement la suite, comme toujours avec le génie kazakh.
Jonathan Chevrier