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[CRITIQUE] : Le Roi Soleil


Réalisateur : Vincent Maël Cardona
Acteurs : Pio Marmaï, Lucie Zhang, Sofiane Zermani, Joseph Olivennes, Panayotis Pascot, Maria de Medeiros, Xianzeng Pan, Nemo Schiffman,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 1h47min

Synopsis :
Ce film est présenté en Séance de Minuit au Festival de Cannes 2025.

Un homme est mort au Roi Soleil, un bar-pmu à Versailles. Il laisse un ticket de loto gagnant de plusieurs millions d’euros. En s’arrangeant un peu avec la réalité et leur conscience, les témoins du drame pourraient repartir avec l’argent... Et si la vérité n'était qu'un scénario bien ficelé ?




Partons du principe sain et, au fond, assez logique, que toute comédie avec le génial Pio Marmaï en vedette, lui qui roule sa bosse depuis plus d'une quinzaine d'années maintenant au cœur du cinéma hexagonal, part décemment du bon pied pour nous faire passer un chouette moment dans une salle obscure.

C'est tout bête certes, et il y a pléthore de mauvais exemples qui peuvent venir contredire cette vérité (allez, au pif, Une année difficile du tandem Nakache/Toledano, le un poil mou Compagnons de François Favrat, voire le diptyque Les Trois Mousquetaires pour les mauvaises langues - plutôt dans le vrai pour la seconde moitié), mais ils sont peu à pouvoir s'asseoir à la même table, ne serait-ce que sur les quatre dernières années : Médecin de nuit d'Élie Wajeman, Felicità de Bruno Merle, La Fracture de Catherine Corsini, L'Événement d'Audrey Diwan, Enquête sur un scandale d'État de Thierry de Peretti, En Corps de Cédric Klapisch, La Petite Bande de Pierre Salvadori, A toute allure de Lucas BernardYannick et Daaaaaalí ! de Quentin Dupieux...

Copyright Emmanuelle Jacobson-Roques - Srab Films - Easy Tiger

Bref t'as compris, le Pio, c'est un gars sûr.
Le Roi Soleil, estampillé second long-métrage de Vincent Maël Cardona, dont on avait adoré le premier passage derrière la caméra, le brillant Les Magnétiques (une expérience sensorielle électrisante, un beau et douloureusement authentique portrait adolescent façon lettre d'amour à une époque révolue, qui bousculait mignon les conventions du coming of age movie dans un enthousiaste mélange des genres), ne contredit absolument pas cette vérité, solide polar sauce huis clos qui vient tromper ses - légers - contours familiers par une structure sensiblement charpentée que la moyenne, aux séquences imbriquées chronologiquement et alternant savamment les perspectives d'une seule et même sale histoire qu'elle rejoue avec un sadisme accrocheur : un bar délabré au coeur de Paris qui se transforme très vite en arrière-salle de l'enfer, des âmes cupides en mal de pognon, un jackpot à s'accaparer et un meurtre qui doit être dissimulé le plus rapidement possible.

Soit le pauvre Monsieur Kantz, qui a pour habitude depuis des années maintenant, de comparer ses numéros de loterie avec ceux du dernier tirage.
Jour de chance - ironie -, aux premières lueurs d'une matinée au départ comme les autres, le pactole de plus de 200 millions d'euros, bien qu'il n'y croit pas, est cette fois pour lui; une joie de courte durée tant cet heureux événement ne passe absolument pas inaperçu au sein du bar " Le Roi Soleil ".
Très vite, la situation dégénère et le retraité doit désormais réclamer ses gains au paradis, laissant toute la petite tribu de clients hétéroclites présents sur place (deux flics, le gérant et sa barmaid, un courtier etc...), fomenter un plan supposément béton - un mensonge collectif tout en paranoïa et en cupidité - pour repartir avec sa part du gâteau mais surtout un semblant d'avenir, en admettant que certains ne soient pas plus gourmand que d'autres...

Copyright Emmanuelle Jacobson-Roques - Srab Films - Easy Tiger

Tout est là, dans ce pitch à la fois ramassé mais d'une efficacité redoutable, à l'image d'une exécution savamment fragmentée et répétitive qui alterne entre chaque figure désespérées et damnées (d'autant que le montage s'avère peut-être encore plus inspirée que sa mise en scène, continuellement dynamique malgré la contrainte évidente de son cadre oppressant), coincées entre les quatre murs d'un bar/purgatoire qui n'a rien d'ensoleillé (qui incarne un vrai personnage à part entière de l’histoire), théâtre d'une humanité qui s'effiloche au fil des minutes et dont il semble impossible d'échapper, moralement comme physiquement; Le Roi Soleil est de ces séances savoureusement captivantes qui construit/reconstruit son histoire en temps réel en l'alimentant d'une tension joliment palpable, pour mieux scruter avec cynisme les rouages du mensonge, de la culpabilité et de la lutte entre soi et sa propre conscience.

Étude brutale et fataliste sur la faillibilité humaine certes un poil fragilisée par son extravagante interlude historique (qui, si elle justifie son titre, vient alourdir son propos social pourtant limpide), ce second effort se fait une proposition à la fois sophistiquée et nerveuse, nouvelle pierre à l'édifice d'une filmographie qui, gentiment mais sûrement, est en passe de se montrer incontournable.
Vivement la passe de trois donc, et le mot est faible.


Jonathan Chevrier