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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Les Chevaux de feu


Réalisateur : Sergueï Paradjanov
Actrice : Ivan Mikolaitchouck, Larisa Kadochnikova, Tatiana Bestaeva, Spartak Bagachvili,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Soviétique (URSS), Ukrainien.
Durée : 1h37min

Date de sortie : 25 mars 1966
Date de ressortie : 18 juin 2025

Synopsis :
Dans un village houtsoule situé au cœur des Carpates ukrainiennes, les jeunes Ivan et Marichka s’aiment passionnément malgré la rivalité et la haine qui opposent leurs deux familles. Devenu adulte, Ivan décide de partir dans les alpages pour gagner sa vie, promettant à Marichka de revenir l’année suivante pour l’épouser. Victime d’un terrible accident, cette dernière se noie en voulant rejoindre son amoureux dans les montagnes. Ivan va alors sombrer dans le désespoir le plus total, obsédé par le souvenir de sa promise...




Cinéaste protéiforme et influent à la carrière contrariée, Sergueï Paradjanov a sensiblement souffert pour son art, aussi bien devant que derrière une caméra, lui dont la vie a été marquée par les tragédies comme par de nombreux conflits avec le régime soviétique, lui qui a toujours vogué à contre-courant du cinéma local quitte à s'en brûler les ailes.

Premier effort du cinéaste à avoir atteint les salles occidentales, Les Chevaux de feu, simili-film de commande adapté d'une nouvelle (Les ombres des ancêtres oubliés) de l'écrivain ukrainien Mykhaïlo Kotsioubynsky - qui s'inspirait des légendes anciennes des Carpates -, se fait le symbole sur pellicule de la fascination du cinéaste pour la culture ukrainienne (qu'il avait déjà abordé par trois fois, avec les documentaires Les Mains d'or et Dumka, et le long-métrage fictionnel Rhapsodie ukrainienne), mais aussi et surtout de la maestria d'un faiseur de rêves en avance sur son temps, un créateur d'images (où plutôt ici, de fantastiques tableaux) qui pensait son cinéma comme une expérience tout aussi vivante que vibrante.

Copyright Carlotta Films

Au travers d'un récit chapitré (douze chapitres comme autant de mois d'une année) et profondément tragique, flanqué au plus près de la communauté des Goutzouls/Houtsouls, qui trouve en son cœur une histoire d'amour empêchée et frappée par le sceau de la mort (deux amoureux d'enfance à la Roméo et Juliette issus de deux clans rivaux, Ivan et Marichka, que la vie va séparer de la plus dure des manières, laissant le premier hanté par la mort de la seconde dans un cycle profondément autodestructeur, incapable qu'il est de passer à autre chose même après avoir en épousé une autre), Paradjanov laisse exploser toute son exaltation et son énergie, emprunt qu'il est d'une liberté créative dont il n'a nullement l'intention de taire les élans dans une sorte de fusion entre une communion dyonisiaque, presque Herzogienne avec la nature, et l'expression d'un symbolisme tout aussi puissant que terre-à-terre.

Conte baroque (extrêmement) coloré et hallucinatoire au réalisme saisissant et à la caméra virtuose (travellings renversants, plongée/contre-plongée, décadrages,...), qui s'approprie le temps comme les espaces dans un ballet des sens foudroyant, Les Chevaux de feu est une œuvre à part, déchirante et formellement grandiose, embaumé dans une musique folklorique incroyablement enivrante.
Une (re)découverte essentielle.


Jonathan Chevrier