[CRITIQUE] : 28 ans plus tard
Réalisateur : Danny Boyle
Avec : Aaron Taylor-Johnson, Jodie Comer, Alfie Williams, Ralph Fiennes,...
Distributeur : Sony Pictures Releasing France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h55min
Synopsis :
Cela fait près de trente ans que le Virus de la Fureur s’est échappé d’un laboratoire d’armement biologique. Alors qu’un confinement très strict a été mis en place, certains ont trouvé le moyen de survivre parmi les personnes infectées. C’est ainsi qu’une communauté de rescapés s’est réfugiée sur une petite île seulement reliée au continent par une route, placée sous haute protection. Lorsque l’un des habitants de l’île est envoyé en mission sur le continent, il découvre que non seulement les infectés ont muté, mais que d’autres survivants aussi, dans un contexte à la fois mystérieux et terrifiant...
Qu'on se le dise, personne n'était véritablement préparé à la déflagration 28 Jours plus tard d'un tandem Danny Boyle/Alex Garland dont on aurait jamais cru que le cinéma de genre leur correspondrait si bien.
Un choc cinématographique qui venait rabattre les cartes tout en décomposition (logique tu me diras) du film de zombies initiées par feu George A. Romero, où la célèbre figure du mort-vivant aujourd'hui gangbangisé à toutes les sauces (merci - où pas - le succès monstre de The Walking Dead), n'était plus une figure décharnée déambulant à deux à l'heure pour bouffer tant bien que mal son prochain, mais bien une figure rapide et furieuse (mais plus expressive que Vin " Baboulinet " Diesel, évidemment), transformée en prédateur vorace à qui il était presque impossible d'échapper - sauf avec un peu de malice et un excellent cardio -, et face à qui la transformation était immédiate (une poignée de secondes, à peine le temps de dire ouf).
Un put*** de film précurseur et brutal, expurgé de tout cynisme putassier et au pessimisme abyssale (incarnant in fine tout autant un terrifiant film d'horreur qu'un vrai drame post-apocalyptique), véritable fer de lance d'une nouvelle vague zombifiée dont il était le représentant le plus fièrement punk, à l'image d'une introduction hallucinée et hallucinante où Boyle catapultait un Cillian Murphy titubant dans un Londres totalement désert, où comment mettre en images la plus terrifiante des apocalypses qui soit, sans prononcer le moindre bruit.
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Quoique l'on puisse penser de sa suite signée par le talentueux Juan Carlos Fresnadillo, qui avait totalement oublié l'urgence de son aîné (comme ses personnages attachants, ici réduits à une galerie interchangeable à l'exception d'un Robert Carlyle absolument fabuleux), la faute à des moyens plus conséquents qui ont sensiblement sapés toute notion de tension comme de radicalité, il y avait de quoi attendre avec une méchante impatience 28 ans plus tard, troisième opus tardif et potentiellement chargé comme une mule (il est la rampe de lancement de ce qui est pensé comme une trilogie), mais pensé et exécuté par un duo Boyle/Garland sur le retour et, on l'espérait, pas pour nous jouer un mauvais tour.
Bonne pioche, les deux lascars ont toujours le virus en eux puisqu'ils renouent avec une aisance troublante avec la rage purement britannique de l'original (et peut-être plus encore avec son esprit punk, gravité de l'époque contemporaine oblige, tant ils s'autorisent tout, même le pire), en renvoyant leur nation face à sa propre brutalité et ses propres actions, au cœur d'une narration scindée en deux parties bien distinctes (comme leurs tons, même s'il garde la même optique que le premier opus : incarner un solide morceau de flippe mais également un puissant drame post-apo, ici saupoudré d'un récit initiatique tortueux et captivant) totalement tournée autour de la notion d'évolution, humaine comme non-humaine/infectée, dans un cadre malade aussi ravagée que le cœur et l'esprit des hommes.
Au plus près d'une famille dysfonctionnelle (un père rustre, une mère malade et en perdition mais aussi un gosse élevé à la dure et en conflit avec le premier) issue d'une communauté de survivants isolés sur une petite île au large l'Angleterre, qui tente de relier un continent qui catalyse aussi bien l'espoir d'un lendemain meilleur (et d'un remède pour la figure maternelle du trio) qu'un danger absolu et hors-normes; le film s'attache à pointer les ravages d'une nation coupée du monde (au-delà de la pandémie du Covid-19, il y a un écho naturel et évident au Brexit qui a incarné une coupure nette à la fois politique, économique et sociale avec le Vieux continent et même le monde entier) qui a totalement apprise à (sur)vivre en étant repliée sur elle-même, dans une sorte de rétropédalage social (plus d'électricité, plus de technologie,...) qui va à rebours avec une menace infectée qui elle a " intelligemment " évoluée, mutée pour survivre, quitte à paraître presque grotesque dans sa toute sur-puissance sur les vivants.
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Capable des pires folies dans un cocktail accrocheur et tapageur qui n'a jamais peur du grotesque pour tutoyer le sublime, à l'image d'une mise en scène hyperactive à l'Iphone 15, aussi immersive que méchamment expérimentale (donc à la fois fantastique - notamment dans les exécutions - et bordélique - certaines séquences étrangement floues -, tout en restant particulièrement soignée dans sa gestion des espaces, vastes comme cloisonnés), 28 ans plus tard est un film chaos dans la plus stricte définition du terme, cynique et totalement décomplexé, porté par l'envie de dynamiser le genre (sans jamais en révolutionner les codes familiers) à coup de taser entre les gibolles, quitte à chier partout même sur ses propres godasses.
Une noirceur absolue assumée du premier au dernier plan, un " No future " craché sur la pellicule avec autant d'amour que de déraison, à la violence gratuite, graphique et percutante.
On ne pensait pas le duo capable de nous offrir une telle proposition, et on doute sincèrement que Nia DaCosta puisse s'aligner sur un tel délire avec son déjà annoncé 28 ans plus tard : The Bone Temple.
Wait and see donc, mais on ne demande qu'à être agréablement surpris... comme ici.
Jonathan Chevrier