[CRITIQUE] : Une Jeunesse Française

Réalisateur : Jérémie Battaglia
Acteurs : -
Budget : -
Distributeur : Vues du Québec distribution
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h24min

Synopsis :
Dans le sud de la France, au coeur de la Camargue, une tradition ancestrale et méconnue a lieu. Dans les arènes de la région, de jeunes hommes vêtus de blancs affrontent des taureaux dans un face à face dangereux et impressionnant. Bien plus qu’un sport traditionnel, ce combat sans mise à mort du taureau, offre à de nombreux jeunes issus de l’immigration maghrébine la chance de prendre leur place dans l’arène comme dans la société française. Parmi eux, Jawad et Belka, deux raseteurs à la croisée des chemins. Jawad, suite à une blessure majeure, se questionne sur son avenir dans ce sport. Belka lui, suit les pas de son père. Il voit en sa passion une opportunité pour se sortir d’un avenir incertain et réaliser son rêve de devenir champion de France. Le film offre une plongée dans l’intimité des personnages. Par leurs mots, pudiques, ils racontent leur réalité en tant que jeunes français d’origine maghrébine. En dehors des arènes, c’est un combat contre le racisme qu’ils doivent mener.

Que les points sur les i soient placés au plus vite : la course camarguaise n'a strictement rien à voir avec la tauromachie, pratique controversée toutnant autour du massacre pur et simple et ritualisé d’un taureau (torturé et mise à mort aux yeux de tous) à des fins divertissantes, ne peut que provoquer la colère et l'indignation du monde, excepté pour un public plus nationaliste dont les arguments de défense ne pèsent pas vraiment lourd face aux atrocités commises.

Rien de tout cela, aucune mise à mort ni de violence, un sport physique mais néanmoins dangereux où ses pratiquants, des " raseteurs ", tentent retirer à l'aide d'un crochet les attributs primés qui décorent les cornes et le frontal d'un taureau castré - un " cocardier " -, pour obtenir des primes et des points.

En ce sens, Une Jeunesse Française de Jérémie Battaglia se rapproche moins du dur et cru(el) Tardes de Soledad d'Albert Serra, que du très beau Animale d'Emma Benestan, lui qui privilégie le prisme du documentaire et du portrait croisé de deux jeunes figures de cette tradition ancestrale, Jawad et Belka, deux jeunes raseteurs à la croisée des chemins et aux corps déjà suppliciés par leur passion commune, qui tentent de se faire accepter dans un milieu très fermé (comme dans notre société contemporaine) où, que ce soit au cœur de l'arène où à l'extérieur, le racisme ambiant et puant (comme une discrimination qui leur laisse peu de perspectives d'avenir) les renvoie continuellement à leur condition maghrébine.

Entre l'exploration résolument intime de leur quotidien comme de leurs rapports familiaux, et une immersion enlevée, presque poétique (la beauté naturelle de la Camargue est sensiblement sublimée à l'écran, même si le tout reste plombé par quelques ralentis dispensables), dans les rouages d'une culture régionale dont on ne masque jamais les risques (du présent comme des ravages que cette pratique impose au fil du temps), le documentaire se fait un empathique et plaisant effort, comme une petite fenêtre ouverte sur une pratique méconnue.

Jonathan Chevrier