[CRITIQUE] : Les enfants rouges

Réalisateur : Lotfi Achour
Acteurs : Ali Helali, Yassine Samouni, Wided Dadebi, Younes Naouar,...
Budget : -
Distributeur : Nour Films
Genre : Drame.
Nationalité : Tunisien, Français, Belge, Polonais, Saoudien, Qatari.
Durée : 1h40min
Synopsis :
Alors qu’ils font paître leur troupeau dans la montagne, deux adolescents sont attaqués. Nizar, 16 ans, est tué tandis qu’Achraf, 14 ans, doit rapporter un message à sa famille.
D'après une histoire vraie.
Si l'on a beau targuer, à tort ou à raison selon les points de vues, que le coming of age movie n'a plus grand chose à prouver, une pluie de jeunes cinéastes ambitieux viennent gentiment, depuis ce riche début d'année ciné 2025, nous faire mentir au gré de propositions de plus en plus impactantes voire même, tout simplement, importantes.
Estampillé second effort d'un Lotfi Achour dont on a, malheureusement, toujours pas vu le premier (l'inédit Demain Dès l’Aube), Les enfants rouges est clairement de cette pellicule-là, véritable coup de tatane dans les tripes où l'innocence de deux gamins, liés par le sang et encore portés par leur naïveté et leurs rêves, va se voir brutalement frappée par la violence sourde de l'homme et une horreur douloureusement réelle, dans les montagnes arides et faussement idylliques d'un sud tunisien qui ne sera plus jamais le même.
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Copyright Nour films |
Inspiré de faits réels, le long-métrage s'attache au plus près au calvaire d'Achraf, treize ans au compteur et jeune berger, qui lors d'un après-midi ensoleillée alors qu'il s'amusait avec son cousin, Nizar, dans un point d'eau interdit où s'abreuvait leurs chèvres, va voir plusieurs hommes les attaquer et tuer son aîné.
Seul à rester en vie, et contraint de porter tout autant le poids du deuil et d'une culpabilité presque absurde face à la tragédie implacable qui l'a frappé, que celui de son impuissance face à sa nécessité de porter le message funeste et cruel de la mort de son cousin à sa famille (qu'il porte, physiquement, avec une partie de la dépouille du défunt, décapité); il entreprend un voyage de retour emprunt de désespoir et de résilience, désormais incroyablement sensible aux duretés du monde qui l'entoure.
Il n'est plus un enfant désormais, et ses journées ne seront plus remplis par la simplicité et les joies naïves de l'enfance, sa carcasse n'étant plus qu'un véhicule hantée par l'angoisse, le chagrin et la cruauté d'une nouvelle vie dont il ne voulait pas encore.
Une transformation radicale et sans rire, accompagné qu'il est par les souvenirs faussement réconfortants et le fantôme de son cousin, qui l'aide en partie à surmonter son traumatisme, tout comme sa mère endeuillée ou même Rahma, celle qui faisait battre le cœur de Nizar...
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Copyright Nour films |
Douloureux et oppressant récit de passage (très) difficile à l'âge adulte, tout en nuances et psychologiquement à hauteur d'enfant (dans un cocktail entre gros plans au plus près des corps et des visages, et des séquences filmé à la première personne), où le filtre fantastique/onirique vient " adoucir " l'horreur sans jamais en banaliser sa violence ni sa gravité (même si on peut lui reprocher la présence du contexte socio-politique tunisien, uniquement comme toile de fond); Les enfants rouges se fait une tragédie authentique et philosophique aux émotions et à la poésie brutes, où la dualité du monde vient frapper et briser, sans prévenir, un gamin empathique.
Le genre de séances que l'on oublie pas de sitôt.
Jonathan Chevrier