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[CRITIQUE] : Leila et les loups


Réalisatrice : Heiny Srour
Acteurs : Nabila ZitouniRafic Ali Ahmad,...
Budget : -
Distributeur : DHR distribution / A Vif Cinemas
Genre : Drame.
Nationalité : Libanais, Français, Britannique, Belge, Hollandais, Suédois.
Durée : 1h30min

Synopsis :
Leila, étudiante libanaise, voyage à travers le temps et l’espace pour réfuter la version coloniale et masculine de l’Histoire présentée par son amoureux Rafic. Son périple commence sous le Mandat Britannique des années vingt et finit dans la Guerre Civile libanaise. Survolant 80 ans d’Histoire, elle procède à l’excavation archéologique de la mémoire collective des femmes palestiniennes et libanaises et révèle leur rôle occulté. Au bout de son voyage elle réalise que le Patriarcat opprime également les hommes.




Quarante ans, c'est le temps qu'il aura fallu pour que le film merveilleusement engagé qu'est Leila et les loups, second long-métrage de la cinéaste et auteure libanaise Heiny Srour, pionnière du cinéma féministe dont le nom est liée au septième art de manière indélébile (elle sera, à jamais, la première réalisatrice à avoir présenté un documentaire au festival de Cannes, L'Heure de la Libération est arrivée), ne trouve son chemin dans nos salles obscures, une éternité que le CNC, qui a restauré numériquement le bébé, a permis de rompre, clairement le genre de beau, magnifique cadeau, que les cinéphiles ne doivent pas manquer.

Copyright DHR - A Vif Cinémas

Profondément expérimental (une facture documentaire bardé d'images d'archives mais qui flirte aussi, assez souvent, avec les bordures de la fiction allégorique dans sa reconstitution d'époque) et vibrant dans sa manière de plonger son auditoire au coeur des histoires poignantes de femmes palestiniennes et libanaises qui se sont battues (et qui continuent de se battre encore aujourd'hui, dans l'indifférence et le mépris générale) pour la liberté, le film se fixe au voyage imaginaire et spatio-temporel d'une étudiante, Leila (véritable alter ego de la cinéaste), qui, après avoir assistée à une exposition de photographies des périodes révolutionnaires de l'histoire palestinienne et libanaise, où ne figuraient aucune femme, part d'une manière fantastique la découverte des contributions oubliées des femmes avant (face à la puissance mandataire britannique) et après la création violente de l'État d'Israël, pour mieux révéler les rôles politique et résistant des femmes au Moyen-Orient face aux « loups » colonialistes, sensiblement occultés dans les récits masculins.

Dans un audacieux jeu de va-et-vient entre un présent désespérant (au cœur des 80s, qui pointe encore plus les ravages d'un patriarcat qui n'a pas faiblit d'un iota au fil des décennies) et un passé au cœur de conflits dévastateurs (quatre-vingt ans d’Histoire), Snour pose habilement sa caméra au plus près des horreurs étouffantes auxquelles ses héroïnes invisibles sont continuellement confrontées (brutalité d'une guerre - où plutôt, un nettoyage ethnique - qui tue et détruit tout, pauvreté extrême, violence conjugale, aliénation au quotidien et rabaissement à leur simple statut d'épouse et de mère,...), sans jamais tomber dans les bras du misérabilisme putassier.

Copyright DHR - A Vif Cinémas

Fable féminine et sincère, à la poésie singulière tout autant qu'elle est peuplée de fantômes, Leila et les Loups est avant tout et surtout une œuvre magistrale où Heiny Srour réimagine et recontextualise une histoire méconnue pour mieux nous la conter dans toute sa vérité brute et essentielle.
Une séance immanquable, et le mot est faible...


Jonathan Chevrier