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[CRITIQUE] : Tu ne mentiras point


Réalisateur : Tim Mielants
Acteurs : Cillian Murphy, Emily Watson, Eileen WalshMichelle Fairley,...
Budget : -
Distributeur : Condor Distribution
Genre : Drame.
Nationalité : Irlandais.
Durée : 1h38min

Synopsis :
Irlande, 1985. Modeste entrepreneur dans la vente de charbon, Bill Furlong tache de maintenir à flot son entreprise, et de subvenir aux besoins de sa famille. Un jour, lors d'une livraison au couvent de la ville, il fait une découverte qui le bouleverse. Ce secret longtemps dissimulé va le confronter à son passé et au silence complice d'une communauté vivant dans la peur.




Le premier long-métrage post-statuette dorée/triomphe critique et public - mérité - de Oppenheimer pour Cillian Murphy, en attendant l'extension cinématographique de la série Peaky Blinders, aura donc été un film qui lui ressemble : fausse fable Dickensienne de Noël (malgré un héros qui est lui, purement Dickensien) mais beau et douloureux drame irlandais, Tu ne mentiras point aka Little Things Like These de Tim Mielants, adaptation du roman éponyme de l'écrivaine Claire Keegan, flanquée dans une Irlande des 80s où les " couvents de la Madeleine " avaient encore leurs portes grandes ouvertes, tandis que la population fermait consciemment les yeux sur leur fonctionnement inhumain.

Copyright 2025 Condor Distribution

Pour la faire courte (pour les trois du fond qui n'ont pas forcément connaissance de ce scandale), ses institutions religieuses loin d'être charitables, accueillaient de jeunes adolescentes dites perdues, souvent enceintes et/où sans famille pour les « réhabiliter », comprendre : les faire travailler dur dans la violence et l'oppression constante, tout en leur enlevant, pour celles qui avaient le malheur d'attendre un heureux evenement, leurs nouveau-nés en les donnant à l'adoption.
On dénombre, au moins, 30 000 jeunes filles et femmes qui ont été maltraitées et abusées, et aucune condamnation n'a été prononcée.

Moins The Magdalene Sisters de Peter Mullan que Philomena de Stephen Frears, le film de Mielants ne s'attarde pas tant sur les nombreux abus subit par les jeunes femmes que leur dommages collatéraux au travers de la psyché d'un modeste marchand de charbon quadragénaire et père aimant de cinq filles, Bill Furlong, une figure sincère et réservée qui est tourmentée par les traumatismes du passé (une mère fauchée durant son enfance, alors qu'elle n'avait à peine que vingt-cinq ans) comme l'impuissance de ne pas pouvoir agir pour changer les choses, alors que ces jeunes filles sont enfermées de force dans un couvent mené d'une main de maître par la cruelle Sœur Mary (une incroyable - comme toujours - Emily Watson) à quelques mètres de son lieu de travail - une injustice à laquelle lui comme sa mère, ont échappés grâce à la bonté d'une dame qui l'a élevé par la suite.

Copyright 2025 Condor Distribution

C'est son désir de rédemption (dans une lutte avec les fantômes de son propre passé mais aussi ses craintes du présent, lui qui veut faire un geste concret pour les femmes de sa vie et, évidemment, la mémoire de sa mère) comme sa rébellion (une transgression de l'ordre établi, par souci de justice et d'humanité, face à une menace qui n'accepte pas que l'on respecte pas sa domination), toute aussi lente que croissante, qui servent de noyaux durs à ce drame tranquille et tout en intériorité (à l'image du plus bouleversant The Quiet Girl de Colm Bairéad), au symbolisme certes loin d'être subtil (des fêtes de Noël - période ultime de compassion et de charité - à ses références bibliques, en passant par ses fenêtres que l'on a de cesse de scruter, cet œil ouvert vers l'extérieur qui peut tout autant être vu comme une obstruction physique à l’interaction avec l'autre) à l'image même de ses flashbacks insérés au chausse-pieds (et à l'impact émotionnel relatif), mais qui a le mérite de conserver tout du long sa retenue comme son économie, dans son exploration de l'éveil d'une conscience face à l'hypocrisie et l'aveuglement général.

Pas subtil pour un sou donc, mais une belle et mélancolique étude de personnage, tout autant qu'une nouvelle pièce cinématographique pointant les horreurs d'une histoire humaine pas si lointaine.


Jonathan Chevrier