[CRITIQUE/RESSORTIE] : Porcherie
Réalisateur : Pier Paolo Pasolini
Acteurs : Jean-Pierre Léaud, Anne Wiazemsky, Pierre Clémenti, Ugo Tognazzi,...
Distributeur : Malavida Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Italien, Français.
Durée : 1h38min.
Date de sortie : 10 octobre 1969
Date de ressortie : 05 mars 2025
Synopsis :
Deux histoires parallèles, au Moyen Âge et dans l'Allemagne d'après-guerre. Dans la première, un jeune homme affamé au milieu d'une lande volcanique désolée. Il survit, en lutte perpétuelle avec les êtres qu'il croise, mangeant tout ce qu'il trouve : un papillon, un serpent, et plus encore... Dans la seconde, une famille allemande bourgeoise, dont le père est un nazi, et le fils aimé d'une jeune fille qu'il n'aime pas. Sa passion à lui, est secrète et monstrueuse : il aime les porcs...
Critique :
Du primitif au moderne comme du fascisme au capitalisme qui se pense - où l'affirme comme tel - purifié des horreurs commises, il n'y a qu'un pas volontairement franchit par l'homme pour Pasolini dans #Porcherie, fable provocatrice aussi pessimiste et organique que captivante. pic.twitter.com/sX64Xel0B0
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 8, 2025
Quasiment trois ans après la belle rétrospective made in Carlotta Films, le cinéma de Pier Paolo Pasolini continue encore et toujours à atteindre nos salles obscures (tant mieux) à coups de ressorties certes sporadiques mais essentielles, à l'image de la ressortie toute pimpante - en version restaurée - de son Porcine, fable percutante et provocatrice dégainée dans la foulée de son déjà corsé Théorème, où il se servait à nouveau du l'art comme d'un espace politique pour mieux sonder l'humanité et ses déviances qui annonçait, en filigrane, les " joies " futures encore plus infernales de son Salò.
Le cinéaste bolonais, qui s'appuie à nouveau sur une pièce de son propre cru, radicalise encore un peu plus sa vision (" pas si mais quand-même ") exagérée de la société contemporaine à travers une narration structurée comme un diptyque résolument simple (jusque dans son épuré de dialogues) mais féroce aux histoires qui se superposent et se répondent, même avec un millénaire d'écart.
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© Malavida |
Aussi impénétrable qu'organique, Porcherie est noué autour d'une métaphore maximaliste et cynique : la dite porcherie du titre n'est que l'expression d'une société qui de fasciste devient la bourgeoisie d'après-guerre, un capitalisme dévorant - dans tous les sens du terme - tout aussi totalitaire et annihilant dans son consumérisme fétichiste, qu'il renvoie à une époque encore plus archaïque et primitive - le Moyen-âge - où la transgression, le refus de la conformité face à la Raison (religieuse avant tout) était brutalement condamné à la mort.
Du primitif au moderne comme du fascisme au capitalisme qui se pense - où l'affirme comme tel, tout du moins - purifié des horreurs commises (avant d'être totalement décomplexé à l'idée d'en commettre d'autres), il n'y a qu'un pas volontairement franchit par l'homme pour Pasolini et ses deux antihéros aux rébellions disparates (mais unies dans une affirmation de leurs désirs certes scandaleux, mais dénués d'hypocrisie), auront des issues similaires : la désobéissance et le refus du conformisme mène à un exercice brutal et meurtrier du pouvoir des dominants.
Affreusement pessimiste donc mais passionnant à décortiquer pour quiconque voit, au-delà, des exagérations merveilleusement Pasolinienne.
Jonathan Chevrier