[CRITIQUE] : The Insider

Réalisateur : Steven Soderbergh
Acteurs : Michael Fassbender, Cate Blanchett, Regé-Jean Page, Marisa Abela, Naomie Harris, Tom Burke, Pierce Brosnan,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Espionnage, Thriller.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h33min.

Synopsis :
The Insider est un film d'espionnage haletant qui raconte l'histoire d’un couple d’agents secrets, George Woodhouse et sa femme Kathryn. Lorsque Kathryn est soupçonnée de trahison envers la nation, George doit faire face à un dilemme déchirant : protéger son mariage ou défendre son pays.

Quand bien même Presence nous a laissé un brin de marbre, il y a une vérité frappante qui se dégage de la " seconde " carrière (comprendre : toutes ses oeuvres cornaquées depuis son retour de sa fausse retraite) de Steven Soderbergh, à savoir sa propension malicieuse à constamment couper l'herbe sous le pied de son auditoire, même dans ses efforts moins inspirées.

Et Black Bag aka The Insider (qui concourt déjà au prix du pire titre VF de l'année), toujours secondé par David Koepp au scénario, ne déroge absolument pas à cette règle, thriller d'espionnage qui se revendique presque comme la rencontre improbable entre John Le Carré (pensez au chef-d'œuvre La Taupe), Agatha Christie et Mr. And Mrs. Smith; une séance à la fois tranchante dans ses machinations tortueuses et merveilleusement volubile, taillée dans une soie glamour - voire même un poil sexy - et élégante purement Hollywoodienne.
Du Soderbergh méthodique et confiant de ses effets, en total possession de ses moyens.

De méthode et de confiance, l'agent George Woodhouse (un Michael Fassbender en proto-nerd monomaniaque à la détermination glaciale) n'en manque pas, agent de renseignement britannique qui apprend par l'un de ses contacts qu'un programme à la fois important et méchamment dangereux, Severus (qui peut décimer plusieurs milliers de personnes, dont Koepp se sert comme un véritable MacGuffin au cœur de sa narration), a été volé à son agence et que, pas de bol, sa femme bien-aimée et collègue, Kathryn (une Cate Blanchett savoureusement ambigüe), dont il ne doute absolument pas de la loyauté, fait partie de la shortlist des suspects potentiels ayant la capacité comme l'autorisation de s'accaparer le bébé.
Le bonhomme, au moins aussi doué dans son exercice qu'il est dévoué à la vérité, a alors une semaine pour découvrir la taupe au cœur de l'agence, avant que l'enfer ne se déchaîne autour de lui et de son mariage.

Simple, efficace et sans bout de gras (à peine une heure et demie, montre en main), l'écriture est à l'image même de la mise en scène concise et aérienne de Soderbergh (qui s'amuse aussi à la photo, avec son jeu renversant sur les ombres et la lumière), qui glisse, s'engouffre soigneusement dans les pas de chacun de ses personnages sous les sonorités jazzy de David Holmes (on se croirait parfois devant, deux décennies auparavant, la coolitude vieil Hollywood de son Ocean's Eleven) : elle va strictement à l'essentielle, suscite l'empathie autant que le mystère, associe avec ludisme espionnage et mariage en triturant les notions d'honnêteté et de duplicité, de méfiance et de dévouement au cœur d'unions sentimentales dont l'équilibre est inéluctablement précaire tant chaque membre est censé être expert dans la manipulation de la vérité.

Tout en panache sournois et en insécurités piquantes, flirtant constamment avec la comédie de moeurs sensuelle et amère (jusque dans sa scène charnière - un dîner à trois couples sauce linges sales recraché sur la table -, dont la théâtralité affirmée rappelle instinctivement Sexe, Mensonges et Vidéo) et le roman policier pas aussi prévisible qu'il en à l'air; The Insider se fait une observation mature et incisive des faiblesses de la nature humaine et la complexité des rapports sentimentaux, où le tandem Soderbergh/Koepp arriverait presque à rendre romantique la trahison et le mensonge - plus où moins présents dans tous les mariages.

Une sacrée belle surprise.

Jonathan Chevrier