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[CRITIQUE] : Wolf Man


Réalisateur : Leigh Whannell
Acteurs : Christopher Abbott, Julia Garner, Matilda Firth, Sam Jaeger,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h42min.

Synopsis :
Et si l’être que vous aimez se transformait en une créature à peine reconnaissable ? Père de famille vivant à San Francisco, Blake hérite de sa maison d’enfance, une vieille ferme située au fin fond de l’Oregon, lorsque son père disparaît et qu’il est considéré comme mort par les autorités. Alors que son couple bat de l’aile, Blake convainc sa femme Charlotte de changer d’air et d’aller vivre dans sa maison de l’Oregon avec leur petite fille Ginger. Mais lorsque Blake, Charlotte et leur fille arrivent près de la ferme, ils sont attaqués, en pleine nuit, par un animal invisible : tentant de prendre la fuite, ils se barricadent à l’intérieur de la maison pour se protéger contre la bête qui rôde, aux aguets. Mais au fil de la nuit, Blake commence à se métamorphoser en une créature méconnaissable…



Critique :



C'est l'histoire d'une attente si grande qu'elle ne pouvait qu'être frappée par le sceau de la déception, née dans les cendres d'un Dark Universe avorté dont on se moque encore des dérives, pensé à une époque où Universal Pictures espérait encore naïvement que son catalogue des grandes figures traditionnelles du cinéma fantastique, pouvait contenir sur sa trogne le calque superficiel de la « méthode Marvel », dont l'efficacité s'est vite délitée avec le temps.

Monumentale erreur, évidemment, cela dit assez vite enterrée par une major désormais plus prudente - et plus pingre, dans le même mouvement -, associée à un Jason Blum toujours derrière les mauvais coups.

Copyright 2024 Universal Studios. All Rights Reserved.

Si le voyeurisme exacerbé et la malice sournoise de The Invisible Man, qui réussissait là où le Hollow Man de Paul Verhoeven se vautrait un brin dans la gaudriole vulgaire (l'idée de faire de l'homme invisible une menace tout en perversité et en abus physico-psychologiques, au cœur d'un thriller âpre et tendu sous fond de violence domestique), laissait à penser que Leigh Whannell serait l'homme de la situation pour chapeauté un Wolf Man passé entre les mains du tandem Derek Cianfrance/Ryan Gosling (à l'origine même du projet), le résultat laisse planer une vérité implacable : le papa de l'excellent Upgrade n'était peut-être pas fait pour un territoire aussi fourré et denté, que celui du mythe lycanthrope - il est vrai bien plus difficile à réinventer que le « monstre » de H.G. Wells.

Tout démarrait, pourtant, sous les meilleurs auspices avec une volonté de trancher drastiquement avec la lentille gothique qui embaumait les précédentes itérations (d'autant que le cadre ici, les imposantes forêts de l'Oregon, convoque une épouvante bien plus américaine que britannique), pour mieux privilégier un prisme contemporain et épouser une visceralité du body horror Cronenbergien - effets pratiques à la clé - à la lisière du home invasion (même si la menace était déjà, symboliquement, déjà dans la famille depuis toujours).
Le tout resserré sur une seule et même nuit, avec une malédiction à la transmission aussi simple (une simple griffure) que sa mutation/transformation est progressive et réaliste - quitte à méchamment décontenancé.

Copyright 2024 Universal Studios. All Rights Reserved.

Un sacré programme donc, où Whannell désirait nouer une nouvelle fois la monstruosité physique, fantastique, avec une masculinité toxique bien réelle et presque héréditaire, nourrit par un héritage paternel angoissé et violent, mais également par la déconstruction du rapport de force homme/femme au sein d'un couple en difficulté (le père est un homme au foyer, la mère est une journaliste qui privilégie sa carrière à son foyer, même si elle semble le regretter).

Mais les bonnes intentions ne font pas fondamentalement un bon film - et inversement -, et quand bien même les pistes de réflexion qu'il esquisse ne sont pas si éloignées de son précédent effort (faire du mythe lycanthrope une maladie, une allégorie des « monstres cachés » d'une société contemporaine elle-même intrinsèquement malade, une matérialisation bestiale de tensions sous-jacentes liées à une idée perverse de la masculinité qui se sent attaquée par les évolutions du monde moderne), tout comme la volonté de jouer sur le basculement tragique du côté obscur d'un père incarnant dans la violence, tout ce qu'il ne voulait pas devenir (un homme aussi brutal que son propre géniteur, une violence transmissible et impossible à contrer), Wolf Man pèche véritablement là où Invisible Man tirait sa force : la finesse et la justesse d'une écriture qui ne se laissait pas aller à la caricature, qui abordait frontalement ses thématiques sans pour autant abandonner ses oripeaux de bisserie certes fauchée mais tendue comme la ficelle d'un string sur toute sa - maigre - durée.

Copyright 2024 Universal Studios. All Rights Reserved.

À force de ne jamais savoir sur quelle patte danser (une ambiguïté qui se ressent autant dans le traitement de sa figure centrale, que dans sa mutation en dents de scie et même dans son exploration frontale de la violence des hommes), Whannell trébuche aussi bien à l'écriture qu'à la réalisation (cette photographie incroyablement sombre, digne de la pire série télévisée fantastique shootée par un proto-fan de Shyamalan), n'use jamais assez des balles d'argent dans le barillet de sa caméra (ses thématiques, son versant émotionnel, un Christopher Abbott psychologiquement investi), et semble cannibaliser sa propre colère intérieure, là où elle explosait formidablement dans sa compatibilité avec le mouvement #MeToo dans Invisible Man.

Même si la révérence à l'œuvre originale est affirmée (comme le film de 1941, il capture l'agonie d'un homme maudit malgré lui), et que quelques frissons tordus font gentiment leur office, Wolf Man est une déception au moins à la hauteur des attentes qu'il avait susciter, moins un cauchemar fantastique qu'une tragédie sauvagement tiède sur les craintes parentales et l'héritage d'une violence intergénérationnelle.
Damn...


Jonathan Chevrier