[CRITIQUE] : Nightbitch
Réalisatrice : Marielle Heller
Acteurs : Amy Addams, Scoot McNairy, Arleigh Snowden, Emmett Snowden,...
Distributeur : Disney Plus France
Genre : Comédie, Épouvante-horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h39min
Synopsis :
Après la naissance de son fils, une ancienne artiste reste chez elle et commence à développer la peur de se transformer en chien.
Critique :
Le pouvoir de la fiction est de savoir évoluer avec le temps, résistant aux pressions sociales pour laisser peu à peu plus de place aux paroles variées (ce qui n’est pas une mince affaire, d’autant plus avec l’actualité récente). Ainsi, le sacro-saint schéma familial s’est vu de plus en plus interrogé, notamment sur les responsabilités endossées par les mères. Le trop discret « A mouthful of air » parvenait par exemple à raconter la dépression post-partum avec une empathie des plus marquées, mettant à l’écran un phénomène très peu abordé en ce qui concerne la parentalité.
Ici, Nightbitch joue des côtés les plus poisseux et solitaires de la maternité avec une approche particulière. Le côté « transformation en chien » vanté dans la promotion prend ainsi son temps mais s’avère plutôt cohérent quand il s’agit de suivre la métamorphose constante d’un corps post-grossesse par le biais d’une approche cherchant à redonner la parole à cette mère au bord de la crise de nerf. L’usage de la voix off et la relecture de séquences permet de mieux souligner cette envie de reprendre le contrôle sur un quotidien uniquement centré sur l’enfant, délaissant toute envie intime avec un ton qui devrait interroger de nombreuses personnes sur le soi-disant miracle de la natalité.
Amy Adams livre ici une prestation des plus intéressantes dans la façon d’assumer le grotesque de certains aspects tout en ne niant jamais la douleur et le cynisme qui l’envahissent peu à peu face à ce quotidien aliénant, comme appuyé par une répétition de gestes ouvrant quasiment le film. Il semble juste manquer encore un peu plus d’audace pour que les curseurs du long-métrage soient réellement au maximum, sans doute moins au niveau d’une mise en scène ne manquant pas de piquant que d’un réel appui de ses différentes tonalités (bien qu’on puisse éventuellement raccrocher cela au besoin de rester au plus près d’une apparente normalité).
En assumant une animalité humaine qui hurle à ce que ses besoins soient écoutés, Nightbitch intrigue et fonctionne assez bien dans son regard sur les points les moins glamour de la maternité. Amy Adams s’avère mieux en ton avec les variations narratives du film qu’une réalisation qui semble par moments trop se retenir, mais cela n’en reste pas moins intéressant de voir un pan souvent embelli de la parentalité se confronter à une fictionnalisation par moments salissante d’une réalité bien moins délicate qu’on nous la vend.
Liam Debruel
Il est assez cocasse de se dire, sous un certain prisme, que le nouveau long-métrage de Marielle Heller, cinéaste connu pour sa propension à s'attacher à l'universalité tapie derrière des figures complexes dont elle croque des portraits intimes avec délicatesse, aurait pu être un sacré film de loup-garou, voire même un cousin pas si lointain de The Substance, s'il assumait aussi bien son titre furieusement évocateur, que ses petites ouvertures pouvant le mener vers le body horror pur et dur.
Inspirée du roman à succès éponyme et satirique de Rachel Yoder, Nightbitch a malheureusement tout du film-essai qui ne va jamais véritablement au bout de son concept pourtant accrocheur, celui d'une femme sans nom et jadis artiste prometteuse qui, lentement mais sûrement, écrasée qu'elle est par des impératifs parentaux qu'elle ne supporte plus et des frustrations de plus en plus grandissantes (le tout renforcé par l'absence - et le manque cruel de soutien - d'un mari qui n'a pas eu à laisser sa vie professionnelle derrière lui, parce que son emploi est plus stable et mieux payé), se transforme... en chien.
Point de pamphlet grossier contre la maternité pourtant, la narration arrivant tout du long à swinguer sur le fil tenu de l'agacement face à la répétitivité harassante du quotidien, exposant les ironies douloureuses et la solitude d'être une femme ayant mis de côté ses rêves pour devenir mère, et dans le même mouvement, les dites joies de la maternité auprès d'un bambin absolument adorable, avec une Haller qui retranscrit joliment l'amour profond qui peut unir un parent et son enfant.
Mais entre l'émerveillement maternel évident et l'ennui existentiel, son héroïne est en train de mourir de l'intérieur jusqu'à ce qu'elle commence à se sentir chienne - elle le dit elle-même, pas de mauvais jeu de mots.
Une transformation qui agit plus comme une métaphore (malgré quelques séquences/errances nocturnes flirtant avec le body horror) que comme un twist narratif organique, car si elle incarne l'expression primaire et bestiale d'une maternité qui découle d'un acte violent - l'accouchement -, elle est étrangement tenue à distance comme quasiment toutes les bonnes idées du film, réduite à un symbole à peine plus développé que ses personnages, littéralement anecdotiques.
Plus méditatif qu'organique, Nightbitch semble tout du long retenir sa propre animalité comme sa propre originalité, voguant dans le petit bain tranquille de la structure comico-dramatique Hollywoodienne conventionnelle (leçons moralistes facilement comprises, conflits résolus sans encombres, récit restant à la surface des désirs refoulés et de la stagnation d'une mère, jouant de la gymnastique éculée entre projection et réalité,...) pour explorer le désordre de la maternité et les instincts primaires parfois contradictoires qui l’accompagnent, tout en cherchant à garder ambiguë la transformation de son héroïne (physiquement réelle, ou laissait-elle seulement s'exprimer ses pulsions primaires en réponse même, à ses trop nombreuses frustrations et à une maternité qui a bousculée/usée son corps et son âme ?).
Le plus gros écueil du film est sans doute là, dans cette volonté d'être trop chaste, d'être sur la retenue dans sa mise en images pourtant scrupuleuse et pointue des réalités de la maternité et de ses déséquilibres inévitables; cette volonté de regarder de (trop) loin les recoins sombres voire dégradants et sales de son sujet, sans jamais les matérialiser, même de manière grotesque - coucou The Substance.
Alors certes, le film vise, dès le départ, un objectif complètement différent que celui de jouer la carte du body horror délibérément pop et sanglant, mais le fait qu'il se réclame en grande partie comme une satire sauvage, avant de se perdre dans un virage mélodramatico-domestique convenu lors de sa dernière demi-heure, laisse un vrai goût d'inachevé.
Dommage tant la performance à la fois délirante et poignante d'une Amy Addams qui vit sa transformation avec une dévotion rare, constamment logée entre le doute et l'explosion, aurait mérité une œuvre qui, comme elle, ne retient pas ses crocs...
Jonathan Chevrier
Acteurs : Amy Addams, Scoot McNairy, Arleigh Snowden, Emmett Snowden,...
Distributeur : Disney Plus France
Genre : Comédie, Épouvante-horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h39min
Synopsis :
Après la naissance de son fils, une ancienne artiste reste chez elle et commence à développer la peur de se transformer en chien.
Critique :
En assumant une animalité humaine qui hurle à ce que ses besoins soient écoutés, #Nightbitch intrigue et fonctionne assez bien dans son regard et son approche assez particulière sur les points les moins glamour de la maternité. (@LiamDebruel) pic.twitter.com/ZBbByYFo20
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 24, 2025
Le pouvoir de la fiction est de savoir évoluer avec le temps, résistant aux pressions sociales pour laisser peu à peu plus de place aux paroles variées (ce qui n’est pas une mince affaire, d’autant plus avec l’actualité récente). Ainsi, le sacro-saint schéma familial s’est vu de plus en plus interrogé, notamment sur les responsabilités endossées par les mères. Le trop discret « A mouthful of air » parvenait par exemple à raconter la dépression post-partum avec une empathie des plus marquées, mettant à l’écran un phénomène très peu abordé en ce qui concerne la parentalité.
Ici, Nightbitch joue des côtés les plus poisseux et solitaires de la maternité avec une approche particulière. Le côté « transformation en chien » vanté dans la promotion prend ainsi son temps mais s’avère plutôt cohérent quand il s’agit de suivre la métamorphose constante d’un corps post-grossesse par le biais d’une approche cherchant à redonner la parole à cette mère au bord de la crise de nerf. L’usage de la voix off et la relecture de séquences permet de mieux souligner cette envie de reprendre le contrôle sur un quotidien uniquement centré sur l’enfant, délaissant toute envie intime avec un ton qui devrait interroger de nombreuses personnes sur le soi-disant miracle de la natalité.
Copyright Searchlight Pictures |
Amy Adams livre ici une prestation des plus intéressantes dans la façon d’assumer le grotesque de certains aspects tout en ne niant jamais la douleur et le cynisme qui l’envahissent peu à peu face à ce quotidien aliénant, comme appuyé par une répétition de gestes ouvrant quasiment le film. Il semble juste manquer encore un peu plus d’audace pour que les curseurs du long-métrage soient réellement au maximum, sans doute moins au niveau d’une mise en scène ne manquant pas de piquant que d’un réel appui de ses différentes tonalités (bien qu’on puisse éventuellement raccrocher cela au besoin de rester au plus près d’une apparente normalité).
En assumant une animalité humaine qui hurle à ce que ses besoins soient écoutés, Nightbitch intrigue et fonctionne assez bien dans son regard sur les points les moins glamour de la maternité. Amy Adams s’avère mieux en ton avec les variations narratives du film qu’une réalisation qui semble par moments trop se retenir, mais cela n’en reste pas moins intéressant de voir un pan souvent embelli de la parentalité se confronter à une fictionnalisation par moments salissante d’une réalité bien moins délicate qu’on nous la vend.
Liam Debruel
Copyright Searchlight Pictures |
Il est assez cocasse de se dire, sous un certain prisme, que le nouveau long-métrage de Marielle Heller, cinéaste connu pour sa propension à s'attacher à l'universalité tapie derrière des figures complexes dont elle croque des portraits intimes avec délicatesse, aurait pu être un sacré film de loup-garou, voire même un cousin pas si lointain de The Substance, s'il assumait aussi bien son titre furieusement évocateur, que ses petites ouvertures pouvant le mener vers le body horror pur et dur.
Inspirée du roman à succès éponyme et satirique de Rachel Yoder, Nightbitch a malheureusement tout du film-essai qui ne va jamais véritablement au bout de son concept pourtant accrocheur, celui d'une femme sans nom et jadis artiste prometteuse qui, lentement mais sûrement, écrasée qu'elle est par des impératifs parentaux qu'elle ne supporte plus et des frustrations de plus en plus grandissantes (le tout renforcé par l'absence - et le manque cruel de soutien - d'un mari qui n'a pas eu à laisser sa vie professionnelle derrière lui, parce que son emploi est plus stable et mieux payé), se transforme... en chien.
Copyright Searchlight Pictures |
Point de pamphlet grossier contre la maternité pourtant, la narration arrivant tout du long à swinguer sur le fil tenu de l'agacement face à la répétitivité harassante du quotidien, exposant les ironies douloureuses et la solitude d'être une femme ayant mis de côté ses rêves pour devenir mère, et dans le même mouvement, les dites joies de la maternité auprès d'un bambin absolument adorable, avec une Haller qui retranscrit joliment l'amour profond qui peut unir un parent et son enfant.
Mais entre l'émerveillement maternel évident et l'ennui existentiel, son héroïne est en train de mourir de l'intérieur jusqu'à ce qu'elle commence à se sentir chienne - elle le dit elle-même, pas de mauvais jeu de mots.
Une transformation qui agit plus comme une métaphore (malgré quelques séquences/errances nocturnes flirtant avec le body horror) que comme un twist narratif organique, car si elle incarne l'expression primaire et bestiale d'une maternité qui découle d'un acte violent - l'accouchement -, elle est étrangement tenue à distance comme quasiment toutes les bonnes idées du film, réduite à un symbole à peine plus développé que ses personnages, littéralement anecdotiques.
Plus méditatif qu'organique, Nightbitch semble tout du long retenir sa propre animalité comme sa propre originalité, voguant dans le petit bain tranquille de la structure comico-dramatique Hollywoodienne conventionnelle (leçons moralistes facilement comprises, conflits résolus sans encombres, récit restant à la surface des désirs refoulés et de la stagnation d'une mère, jouant de la gymnastique éculée entre projection et réalité,...) pour explorer le désordre de la maternité et les instincts primaires parfois contradictoires qui l’accompagnent, tout en cherchant à garder ambiguë la transformation de son héroïne (physiquement réelle, ou laissait-elle seulement s'exprimer ses pulsions primaires en réponse même, à ses trop nombreuses frustrations et à une maternité qui a bousculée/usée son corps et son âme ?).
Copyright Searchlight Pictures |
Le plus gros écueil du film est sans doute là, dans cette volonté d'être trop chaste, d'être sur la retenue dans sa mise en images pourtant scrupuleuse et pointue des réalités de la maternité et de ses déséquilibres inévitables; cette volonté de regarder de (trop) loin les recoins sombres voire dégradants et sales de son sujet, sans jamais les matérialiser, même de manière grotesque - coucou The Substance.
Alors certes, le film vise, dès le départ, un objectif complètement différent que celui de jouer la carte du body horror délibérément pop et sanglant, mais le fait qu'il se réclame en grande partie comme une satire sauvage, avant de se perdre dans un virage mélodramatico-domestique convenu lors de sa dernière demi-heure, laisse un vrai goût d'inachevé.
Dommage tant la performance à la fois délirante et poignante d'une Amy Addams qui vit sa transformation avec une dévotion rare, constamment logée entre le doute et l'explosion, aurait mérité une œuvre qui, comme elle, ne retient pas ses crocs...
Jonathan Chevrier