[CRITIQUE] : Le Dossier Maldoror
Acteurs : Anthony Bajon, Alba Gaia Bellugi, Alexis Manenti, Sergi López, Laurent Lucas, Guillaume Duhesme, Béatrice Dalle, Mélanie Doutey, Jackie Berroyer, Félix Maritaud, Lubna Azabal,...
Distributeur : The Jokers Films
Budget : -
Genre : Policier, Drame, Thriller.
Nationalité : Belge, Français.
Durée : 2h35min.
Synopsis :
Belgique, 1995. La disparition inquiétante de deux jeunes filles bouleverse la population et déclenche une frénésie médiatique sans précédent. Paul Chartier, jeune gendarme idéaliste, rejoint l'opération secrète « Maldoror » dédiée à la surveillance d'un suspect récidiviste. Confronté aux dysfonctionnements du système policier, il se lance seul dans une chasse à l’homme qui le fera sombrer dans l’obsession.
Critique :
#LeDossierMaldoror prend aux tripes dès le début, avec un choix de point de vue très intéressant. Mais, sa deuxième partie très classique, et ses conclusions moralement discutables laissent un goût amer après le visionnage. (@Livio_Lonardi) pic.twitter.com/rmHseN5L2s
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 14, 2025
D'une certaine manière, si l'on excepte sa récente escapade du côté du documentaire avec La Passion de Béatrice (une odyssée triviale - toujours en salles - entre l'ego trip limité et l'acte de foi cinématographique fort, porté par la confession authentique d'une Béatrice Dalle désireuse de marcher sur les traces de ce qu'elle considère comme l'homme de sa vie, le maestro italien Pier Paolo Pasolini), le cinéma particulièrement captivant du cinéaste belge Fabrice Du Welz, nous a toujours placé plus où moins frontalement face au Mal majuscule, à la part sombre et désespérée du monde contemporain comme d'une humanité dont les blessures semblent, inexorablement, condamnées à n'être que des plaies ouvertes qui ne guérissent jamais véritablement, pas même dans des quêtes obsessionnelles de vérité où de rédemption.
Qu'il s'attache alors à arpenter pour de bon le terrain sinueux du polar noir avec sa sensibilité horrifique avait quelque chose de naturel, voire même de particulièrement captivant sur le papier, d'autant qu'il ne prenait pas de gants en jouant la carte du True Crime, en s'inspirant directement (mais pas toujours fidèlement, avant tout et surtout dans son dernier tiers) de l'affaire du Monstre de Marcinelle - Marc Dutroux.
Mettre les petits plats sales et maléfiques dans les grands donc, dirons-nous un poil vulgairement, dans une œuvre où Le Plat Pays était appelé à ne pas en sortir grandit.
Un temps sobrement intitulé Maldoror, Le Dossier Maldoror peut intimement se voir comme un cousin belge - toute propension gardée - et profondément morbide de Zodiac (avec qui il partage la même crudité Lombrosienne), une quête irrépressible de vérité et de justice au cœur d'une terre glaciale, tout en mensonges, en silences et en dissimulations consenties, clouée aux basques fragiles mais déterminées d'un jeune gendarme idéaliste (un Anthony Bajon supplément moustache plus où moins inspiré), lancé dans une chasse ultime, décidé coûte que coûte a faire tomber un réseau pédophile invisible, mortel et incroyablement impitoyable.
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Une plongée viscérale dans les méandres boueuses et putrides d'une affaire aussi tragique que répugnante, que le cinéaste empoigne avec un regard amèrement réaliste (il ne masque jamais l'incompétence scandaleuse de toutes les forces derrière l'enquête), entre le reportage d'époque minutieux et la caractérisation profondément accrue de toute une communauté, de toute une terre souillée par le mal le plus pervers et absolu.
Jamais aussi à l'aise que dans les faiblesses, les fêlures de l'homme comme de nos sociétés contemporaines, Du Welz repeint le ciel belge des 90s d'un rouge sang obsédant, se niche dans les failles d'une enquête labyrinthique et chaotique pour mieux fustiger les institutions locales comme faire glisser son malheureux gendarme, une Alice au masculin, dans le terrier de la frontière entre réalité brutale et hallucination où, à mesure de respirer le mal et la douleur, il se perdra lentement mais sûrement dans un enchaînement d'erreurs et de pièges violents.
Dommage que son rythme sensiblement décousu (les 2h30 de bobines se font bien sentir), à peine relevé par une mise en scène résolument conventionnelle, ne lui permet pas totalement de quitter la route balisée de la chronique criminelle un brin schématique (voire même dérangeante dans sa morale), tant sa tension malade et claustrophobe, fait de son dernier effort un vrai cauchemar saisissant à qui il ne manquait pas grand chose pour être incontournable.
Jonathan Chevrier
Le thriller est un genre particulièrement présent au cinéma. On ne compte même plus le nombre de films policiers sortant chaque année. Et à chaque nouvelle sortie, on se demande toujours s’il apportera quelque chose en plus ou bien si cela ne sera qu’une énième œuvre mineure, reprenant les codes. Ainsi se présente en ce début d’année Le Dossier Maldoror de Fabrice Du Welz. Un film qui s’inspire librement de l’affaire Dutroux qui a défrayé la chronique dans les années 90. Dans ce long-métrage, nous allons suivre Paul Chartier qui va enquêter sur la disparition de deux jeunes filles. Pour ce faire, son supérieur monte une opération secrète de surveillance sur un suspect connu des services de police pour des actes de pédocriminalité. Mais, le jeune officier va très vite se confronter aux dysfonctionnements du système policier. Alors, est-ce que Le Dossier Maldoror arrive à se démarquer du reste des thrillers ?
Le film démarre directement lors d’une intervention de deux gendarmes, Paul Chartier (Anthony Bajon) et Luis Catano (Alexis Manenti). La scène nous présente une famille dysfonctionnelle avec des parents violents, et un enfant délinquant. C’est là que le premier gendarme va intervenir très vite et de manière violente pour défendre le jeune. Ainsi est posé le ton du long-métrage et de l’intrigue. Nous allons suivre ce personnage déterminé, impulsif, rempli d’un désir de justice important. C’est d’ailleurs ce qui nous guidera tout du long, la question judiciaire et cette envie de faire ce qui est juste. Un conflit perpétuel entre le bien, le mal, et un entre-deux gris qui va questionner et hanter notre protagoniste.
Peu après, on nous présente le contexte de l’enlèvement de ces fillettes, un événement qui touche toute la Belgique. Mais, Fabrice Du Welz semble laisser peu de doute sur l’identité des responsables, et très vite nous présente les suspects principaux (plusieurs scènes nous font clairement comprendre leur implication dans l’affaire). Un choix qu’il faut avouer déroutant de prime abord. Cela peut être contre-intuitif dans un film d’enquête de laisser autant d'indices et de ne pas donner la chance au spectateur de mener sa propre enquête. Cependant, cela s’explique par le point de vue choisi par l'œuvre. En effet, nous allons suivre cette enquête par le regard de Paul Chartier qui est convaincu de la culpabilité des individus surveillés, mais qui est incapable de le prouver par manque de liberté de mouvement et des contraintes de ses supérieurs (et de la loi). Ainsi, nous allons vivre en même temps que le personnage la frustration de connaître la vérité, sans pouvoir la faire éclater au grand jour. Toute la première partie nous tient en haleine. Quand bien même il y a des scènes de vie quotidienne, servant de caractérisation du personnage, qui paraissent trop longues ou peu nécessaires, elles servent tout de même d’instants de pause salvatrice dans cette ambiance anxiogène.
Copyright Sofie Gheysens |
À cela s’ajoute un conflit entre le jeune gendarme et le système policier. De par ses certitudes, il est prêt à tout pour résoudre cette enquête, mais est constamment bloqué par sa hiérarchie, et rattrapé par son passé. Son père, avec qui il n’a plus de contact, est victime d’une bavure policière. C’est à la suite de cela qu’il a décidé de devenir gendarme, pour changer les choses de l’intérieur. Ainsi, Fabrice Du Welz va interroger le public et son rapport aux autorités, pointant du doigt l’aspect corrompu et dysfonctionnel du système.
Malheureusement, Le Dossier Maldoror s’essouffle peu à peu dans sa seconde partie, reprenant les tropes très classiques des thrillers policiers. La faute justement à ces dernières thématiques. Premièrement, le film va tendre vers un discours de déterminisme génétique, expliquant l’impulsivité de notre personnage, et les erreurs qu’il commet par les activités illégales commises par son père. Ensuite, à plusieurs reprises, il nous présente des citoyens réagissant au déroulement des affaires avec un désir de vengeance direct à la méthode “œil pour œil”. Cependant, à aucun instant il ne va questionner l’aspect moral de ces réactions, les présentant presque comme justes. Et pour nous offrir un final qui tord tout le développement de Paul. Le tout accompagné de décisions prises par notre protagoniste qui semblent étranges (notamment la toute dernière scène).
Le Dossier Maldoror prend aux tripes dès le début, avec un choix de point de vue très intéressant. Mais, cette deuxième partie très classique, et ses conclusions moralement discutables laissent un goût amer après le visionnage. Le film reste une œuvre intéressante pour s’interroger sur notre propre vision de la justice.
Livio Lonardi