[CRITIQUE] : Jouer avec le feu
Réalisatrices : Delphine et Muriel Coulin
Acteurs : Vincent Lindon, Benjamin Voisin, Stefan Crepon, Maëlle Poesy, Sophie Guillemin,...
Budget : -
Distributeur : Ad Vitam
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h58min
Synopsis :
Pierre élève seul ses deux fils. Louis, le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus, l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède place à l’incompréhension…
Critique :
S'il distillait l'idée d'une auscultation intime du processus de radicalisation de la jeunesse à travers l'explosion d'une dynamique familiale fragile, #JouerAvecLeFeu pèche in fine autant par son écriture schématique et confuse, que par son prisme maladroit et trop à contrechamp pic.twitter.com/Vv7mWG9qsB
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 22, 2025
La (magnifique) trilogie sur le monde du travail de Stéphane Brizé a intimement imposé Vincent Lindon, non sans quelques écarts plus où moins défendables, comme une sorte de symbole du patriarche prolétaire et honnête bien de chez nous, pas exempt de fêlures certes (instant Volvic, honte à toi si tu n'as pas la référence), mais dont la résilience et la vulnérabilité comme les valeurs fièrement ancrées aux chevilles, que ce soit dans son univers professionnel où son propre cercle familial, en font - presque - un véritable exemple.
Quelques semaines après le pas fameux Le Choix de Gilles Bourdos, remake inutile/opportuniste du brillant Locke de Steven Knight où il avait partiellement porté ce costume, il l'arbore définitivement plus fièrement devant la caméra de Jouer avec le feu, quatrième long-métrage des sœurs Delphine et Muriel Coulin (l'excellent 17 filles), adaptation du roman Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin qui se revendique comme un sombre et fataliste drame familial qui confronte un père de famille veuf, Pierre, élevant seul ses deux fils, à la lente dégringolade du côté obscur de son ainé, séduit par les sirènes réactionnaires et xénophobes de l'extrême-droite.
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Patriarche courage et fier cheminot, il a su instaurer un lien fort, une complicité sincère (quoique un poil autoritaire, aussi) entre lui et sa progéniture quil sur-protège, comme pour mieux masquer la disparition de la figure maternelle (à peine esquissée au cœur de l'intrigue), même si la dynamique qui le lie à chacun d'eux est marquée de différences qui vont vite devenir des fossés insurmontables.
D'un côté, Louis, le plus jeune, sur qui il projete tous ses idéaux sans qu'ils ne lui soient renvoyés en pleine figure.
C'est le plus studieux des deux, celui qui par ses études est en passe de s'émanciper du foyer familial et de tutoyer du bout des doigts, la promesse d'une existence aisée que son père n'a jamais pu connaître.
De l'autre, Fus, le rebelle un brin laissé de côté parce qu'il ne répond pas, justement, aux attentes projetés sur lui, môme destiné à ne jamais vraiment quitter le patelin natal et qui trouve dans l'expression de la camaraderie sportive et du support de son club fétiche, le FC Metz, un véritable exutoire à sa solitude profonde.
Si Pierre pense avoir trouvé un équilibre familial sain, tout bascule donc lorsque Fus côtoie régulièrement un petit groupe prônant des valeurs aux antipodes de celles qu'il a inculqué à ses enfants.
Et peu à peu, la relation de confiance entre lui et son fils, à la différence de celles entre les deux frangins - même marquées par une jalousie instaurée par le comportement dissemblable du père - commence à se briser jusqu'au point de non-retour...
Intriguant sur le papier, tant le film distillait l'idée de pousser une auscultation intime du processus de radicalisation de la jeunesse et du basculement vers une adoption de la culture néofasciste, à travers l'explosion d'une dynamique familiale aux pieds d'argile; la narration, in fine, ne répond jamais totalement à cette belle promesse, la faute à une écriture elliptique et au schématisme exacerbé, totalement vissée sur le point de vue à contrechamp d'un père - logiquement - dépassé et impuissant, et non sur le dit jeune embrigadé (son frère est même encore plus mis en avant).
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Une distanciation presque désintéressée voire paradoxalement résignée (comme si le fait d'aborder frontalement leur sujet dérange les cinéastes), qui culmine dans une prise de conscience paternelle évidemment tardive - en plein tribunal -, qui a plus des allures de tribune déconnectée de la réalité et saupoudrée de victimisation, que de discours contre les extrêmes mais aussi et surtout de réelle acceptation de ses propres responsabilités - c'est dans la négation que le radicalisme se développe et prospère.
Un sacré écueil scolaire et confus, qui ne vient jamais vraiment rendre justice à la prestation investie de son trio d'acteurs, proprement épatant.
Une vraie déception donc.
Jonathan Chevrier