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[CRITIQUE] : Better Man


Réalisateur : Michael Gracey
Acteurs : Robbie Williams, Jonno Davies, Steve Pemberton, Damon Herriman,....
Budget : -
Distributeur : Paramount Pictures France
Genre : Biopic, Musical.
Nationalité : Britannique.
Durée : 2h16min

Synopsis :
L'ascension du célèbre chanteur/compositeur britannique Robbie Williams. Devenu une star avec le Boy Band, Take That, dans les années 1990, ce dernier a peu à peu plongé dans les paradis artificiels avant de retrouver le succès en solo en 1997 avec la chanson "Angels".



Critique :



Tout biopic musical, genre de plus en plus sclérosé et sans âme, est déjà difficilement à vendre mais Michael Gracey, comme le poisson Maurice (payes tes références de boomer), pousse le bouchon encore plus loin avec sa mise en images de la vie rocambolesque de Robbie Williams, Better Man : un biopic pas totalement hagiographique (mais pas mal quand-même) construit autour des moments clés de l'existence de la superstar internationale (jusqu'ici tout va bien), pour lequel le personnage principal est remplacé par un chimpanzé en images de synthèse sauce La Planète des Singes (avec même Wētā FX à la baguette).

Le tout avec un budget maousse costaud (110M$, hors campagne promotionnelle), dans le but de tutoyer les cimes de hits tels que Bohemian Rhapsody et Rocketman, tout en ayant pleinement conscience que son sujet n'a ni la carrière et encore moins l'aura, des monuments que sont Freddie Mercury et Elton John - et encore plus un public américain, principalement visé, chez qui il n'a jamais totalement percé.

Copyright TOBIS Film GmbH

Une entreprise casse-gueule donc, voire même méchamment suicidaire - et le mot est faible -, mais qui prend une tournure étonnamment fascinante si, paradoxalement, on ne la considère pas totalement pour ce qu'elle est - un biopic musical pur et dur -, mais bien comme une fable fantastique et grandiloquente, une fictionnalisation excentrique et entraînante de la vie de Williams à travers un prisme et un artifice qui accentuent sa singularité, qui rendent encore plus expressive l'émotion sincère qui jaillit de l'exploration de la vie d'un homme qui a toujours voulu, coûte que coûte, attirer l'attention des autres.

Partant donc d'un parcours pas banale mais pas non plus dénué de familiarités (le chanteur de " Millenium " n'est pas la seule superstar à avoir connu une enfance difficile, ni à avoir brûler par les deux bouts ses premiers quart d'heures de gloire), dont Gracey ne perd pas une miette des coulisses (que ce soit son succès fulgurant, très jeune, dans le boys band Take That à ses expériences chaotiques, de la dépression à la toxicomanie, en passant par sa lente guérison et sa belle rédemption), c'est bien dans la manière, un poil exagérée mais définitivement ambitieuse, que ses passages obligés sont mis en scènes que le film tire toute son originalité, toujours avec une optique émotionnelle damnant le pion à une reconstitution chronologique stricto sensu; l'audace allant même jusqu'à utiliser le propre catalogue musical de l'artiste, dans ce même mouvement anti-chronologique.

En ce sens, impossible de ne pas considérer Better Man comme la pure définition d'un divertissement intelligemment barré, tant la moindre excentricité y est totalement assumé, calculée, lui qui annonce la couleur avant même que le spectateur n'entre dans la salle : comment fustiger le manque de précision factuelle et la folie déglinguée d'un projet, qui dès le départ annonce avoir pour un héros un singe évoluant naturellement dans notre propre monde ?

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Un artifice qui peut apparaître gadget de prime abord, voire superficiellement symbolique (parce que oui, Robbie Williams s'est toujours senti différent des autres...) mais qui, in fine, ne fait que renforcer la volonté de Gracey de détacher son récit du tout commun du biopic contemporain en épousant à la fois l'exercice constant d'un homme qui a toujours voulu se démarquer des autres -  tout en attirant leur attention -, que la bestialité, sauvage mais maladroite, qu'il a pu laisser s'exprimer dans sa longue période d'auto-destruction.

Curieux objet et objet curieux dont les séquences musicales n'ont rien à envier aux envolées baroques de Baz Luhrmann (dont il semble rendre hommage, tout comme au faste des spectacles made in Bollywood, dont les chansons servent elles aussi de véhicules essentielles aux émotions), Better Man est tout autant un biopic musical qu'un trip expérimental déglingué et dynamique, qui vient exploser les frontières limitées et limitantes d'un sous-genre qui en avait cruellement besoin.
À nos yeux, ça vaut tous les pesants de pop-corn du monde.


Jonathan Chevrier