[CRITIQUE] : Hiver à Sokcho
Réalisateur : Koya Kamura
Acteurs : Bella Kim, Roschdy Zem, Park Mi-hyeon, Ryu Tae-ho,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Sud-Coréen.
Durée : 1h46min.
Synopsis :
A Sokcho, petite ville balnéaire de Corée du Sud, Soo-Ha, 23 ans, mène une vie routinière, entre ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami, Jun-oh. L’arrivée d’un Français, Yan Kerrand, dans la petite pension dans laquelle Soo-Ha travaille, réveille en elle des questions sur sa propre identité et sur son père français dont elle ne sait presque rien. Tandis que l’hiver engourdit la ville, Soo-Ha et Yan Kerrand vont s’observer, se jauger, tenter de communiquer avec leurs propres moyens et tisser un lien fragile.
Critique :
Acteurs : Bella Kim, Roschdy Zem, Park Mi-hyeon, Ryu Tae-ho,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Sud-Coréen.
Durée : 1h46min.
Synopsis :
A Sokcho, petite ville balnéaire de Corée du Sud, Soo-Ha, 23 ans, mène une vie routinière, entre ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami, Jun-oh. L’arrivée d’un Français, Yan Kerrand, dans la petite pension dans laquelle Soo-Ha travaille, réveille en elle des questions sur sa propre identité et sur son père français dont elle ne sait presque rien. Tandis que l’hiver engourdit la ville, Soo-Ha et Yan Kerrand vont s’observer, se jauger, tenter de communiquer avec leurs propres moyens et tisser un lien fragile.
Critique :
Joli drame que #HiverASokcho, récit initiatique enchanteur sous fond de portrait à la fois intime et poétique, des angoisses et des introspections d'une jeune femme isolée, qui cherche à s'émanciper d'un quotidien morne autant que de se connecter aux autres. Superbe duo Kim/Zem. pic.twitter.com/UpO5wD5BkN
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 9, 2025
Tout part d'un roman, à la fois court mais prenant, Hiver à Sokcho de l'auteure franco-coréenne Elisa Shua Dusapin, où elle explorant avec délicatesse les notions d'isolement profond (quasiment auto-imposé), de désir d'émancipation/indépendance et même de connexion aux autres, à travers les atermoiements d'une jeune coréenne vivant dans la magnifique petite ville touristique de la Corée du Sud, Sokcho, à la fois pittoresque et austère - et d'autant plus au cœur de l'hiver.
Quelques années plus tard, place à son adaptation sur grand écran par le wannabe cinéaste franco-japonais Koya Kamura - qui en fait littéralement son premier long-métrage -, sensiblement fidèle au matériau d'origine quand bien même elle s'offre quelques écarts en croquant le portrait nuancé de Soo-ha (une poignante Bella Kim), lentement mais sûrement étouffée par la monotonie routinière de son quotidien, qu'elle partage entre un travail pas forcément emballant (sorte de femme à tout faire dans une pension/maison d'hôtes), une relation plate avec son petit ami qui aspire à devenir mannequin, et ses visites régulières à sa mère, marchande de poissons.
Elle se sent totalement piégée par ce lieu dont elle connaît tous les secrets, tous les paysages, un peu à l'image de ce passé familial qui la hante mais dont elle ne sait rien, elle qui est une métisse - franco-coréenne - dont la mère lui fait clairement comprendre qu'elle devrait oublier cette part d'elle-même, cet héritage qui ne lui appartient pas réellement.
Son existence à la fois morne mais paisible, sans vague, va être cela dit gentiment bousculé par l'arrivée d'un célèbre artiste français, Yan Kerrand (un formidable Roschdy Zem), qui s'installe dans la maison d'hôtes où elle travaille, lui qui cherche à retrouver l'inspiration dans la froideur désolée de Sokcho, une cité qui incarne le détachement émotionnelle qui pourrait nourrir sa prochaine œuvre.
Une arrivée qui va tout changer en Soo-ha, qui va la pousser à questionner sa propre identité métisse comme celle d'un paternel qu'elle n'a jamais connu, dans un véritable conflit intérieur qui n'aura d'égale que la curiosité qu'elle porte pour cet étranger d'âge mur, comme pour son travail.
Un homme avec qui elle va nouer une relation tendue, lui qui désire découvrir un visage authentique de la Corée du Sud sans forcément s'impliquer plus que de raison dans son voyage, sans jamais se livrer au monde comme à Soo-ha, lui qui n'a de cesse de se revendiquer comme un touriste, un étranger de passage.
Il veut capturer ce qui l'entoure avec détachement, elle ne demande qu'à tout partager sans réserve avec quelqu'un.
Et alors que l'hiver dépose son epais manteau sur Sokcho, ses deux âmes contraires mais complémentaires (l'une désirant forger une véritable connexion avec un autre être isolé et solitaire comme elle, l'autre étant résolu à garder tout le monde à distance, et à garder son intimité coûte que coûte), n'auront de cesse que de s'observer, que de s'évaluer l'une et l'autre, jusqu'à ce que les vérités de cette saison sans nulle pareille, comme celles de leur relation, ne les dépassent totalement...
Fascinant, Hiver à Sokcho ne l'est pas tant dans cette relation à la dynamique complexe que dans celle qu'entretient Soo-ha aussi bien avec sa propre existence qu'avec Sokcho, cité dont elle cherche à s'émanciper tout en entretenant avec elle une intimité délicate, presque physique, notamment à travers son rapport à la nourriture qui cristallise aussi bien le confort - comme sa relation avec sa propre mère - que l'inconfort que peut susciter cette citée au plus profond d'elle-même.
Véritable récit initiatique lancinant et enchanteur, c'est dans son portrait à la fois intime et lyrique des angoisses et des introspections de sa jeune héroïne (notamment à travers une formidable animation abstraite, qui retranscrit à merveille les sentiments douloureux et l'atrophie émotionnelle de Soo-ha), dans la lente acceptation de son corps et d'elle-même (chemin semé d'embûches, en grande partie par les mots déconnectés et durs de ses proches), que le premier long-métrage de Koya Kamura tutoie une grâce insoupçonnée, peut-être toute aussi belle qu'une Sockho qui épouse la froideur de l'hiver.
Jonathan Chevrier
Quelques années plus tard, place à son adaptation sur grand écran par le wannabe cinéaste franco-japonais Koya Kamura - qui en fait littéralement son premier long-métrage -, sensiblement fidèle au matériau d'origine quand bien même elle s'offre quelques écarts en croquant le portrait nuancé de Soo-ha (une poignante Bella Kim), lentement mais sûrement étouffée par la monotonie routinière de son quotidien, qu'elle partage entre un travail pas forcément emballant (sorte de femme à tout faire dans une pension/maison d'hôtes), une relation plate avec son petit ami qui aspire à devenir mannequin, et ses visites régulières à sa mère, marchande de poissons.
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Elle se sent totalement piégée par ce lieu dont elle connaît tous les secrets, tous les paysages, un peu à l'image de ce passé familial qui la hante mais dont elle ne sait rien, elle qui est une métisse - franco-coréenne - dont la mère lui fait clairement comprendre qu'elle devrait oublier cette part d'elle-même, cet héritage qui ne lui appartient pas réellement.
Son existence à la fois morne mais paisible, sans vague, va être cela dit gentiment bousculé par l'arrivée d'un célèbre artiste français, Yan Kerrand (un formidable Roschdy Zem), qui s'installe dans la maison d'hôtes où elle travaille, lui qui cherche à retrouver l'inspiration dans la froideur désolée de Sokcho, une cité qui incarne le détachement émotionnelle qui pourrait nourrir sa prochaine œuvre.
Une arrivée qui va tout changer en Soo-ha, qui va la pousser à questionner sa propre identité métisse comme celle d'un paternel qu'elle n'a jamais connu, dans un véritable conflit intérieur qui n'aura d'égale que la curiosité qu'elle porte pour cet étranger d'âge mur, comme pour son travail.
Un homme avec qui elle va nouer une relation tendue, lui qui désire découvrir un visage authentique de la Corée du Sud sans forcément s'impliquer plus que de raison dans son voyage, sans jamais se livrer au monde comme à Soo-ha, lui qui n'a de cesse de se revendiquer comme un touriste, un étranger de passage.
Il veut capturer ce qui l'entoure avec détachement, elle ne demande qu'à tout partager sans réserve avec quelqu'un.
Et alors que l'hiver dépose son epais manteau sur Sokcho, ses deux âmes contraires mais complémentaires (l'une désirant forger une véritable connexion avec un autre être isolé et solitaire comme elle, l'autre étant résolu à garder tout le monde à distance, et à garder son intimité coûte que coûte), n'auront de cesse que de s'observer, que de s'évaluer l'une et l'autre, jusqu'à ce que les vérités de cette saison sans nulle pareille, comme celles de leur relation, ne les dépassent totalement...
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Fascinant, Hiver à Sokcho ne l'est pas tant dans cette relation à la dynamique complexe que dans celle qu'entretient Soo-ha aussi bien avec sa propre existence qu'avec Sokcho, cité dont elle cherche à s'émanciper tout en entretenant avec elle une intimité délicate, presque physique, notamment à travers son rapport à la nourriture qui cristallise aussi bien le confort - comme sa relation avec sa propre mère - que l'inconfort que peut susciter cette citée au plus profond d'elle-même.
Véritable récit initiatique lancinant et enchanteur, c'est dans son portrait à la fois intime et lyrique des angoisses et des introspections de sa jeune héroïne (notamment à travers une formidable animation abstraite, qui retranscrit à merveille les sentiments douloureux et l'atrophie émotionnelle de Soo-ha), dans la lente acceptation de son corps et d'elle-même (chemin semé d'embûches, en grande partie par les mots déconnectés et durs de ses proches), que le premier long-métrage de Koya Kamura tutoie une grâce insoupçonnée, peut-être toute aussi belle qu'une Sockho qui épouse la froideur de l'hiver.
Jonathan Chevrier