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[CRITIQUE] : Conclave


Réalisateur : Edward Berger
Acteurs : Ralph Fiennes, John Lithgow, Stanley Tucci, Isabella Rossellini,...
Distributeur : SND
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Britannique.
Durée : 2h00min.

Synopsis :
Quand le pape décède de façon inattendue et mystérieuse, le cardinal Lawrence se retrouve en charge d’organiser la sélection de son successeur. Alors que les machinations politiques au sein du Vatican s'intensifient, il se rend compte que le défunt leur avait caché un secret qu'il doit découvrir avant qu'un nouveau Pape ne soit choisi. Ce qui va se passer derrière ces murs changera la face du monde.




Critique :



C'est presque une fuite en avant, celle d'un homme de foi, un cardinal, Thomas Lawrence, dont les gestes nerveux ne font que trahir une angoisse prenant une place de plus en plus pesante sur sa conscience.
Il le sait, les coutumes et les symboles qui l'ont défini aux yeux du monde et des siens n'ont plus la même force, n'ont plus la même importance pour lui : sa rupture avec l'institution qu'il sert pieusement, ne semble être qu'une question de temps.

Mais sa course se clôt sur une vérité implacable et dévastatrice : le pape vient de mourir, et le chaos silencieux et désagréable qui entoure l'événement n'est que trop révélateur de l'avenir sombre qui attend Lawrence.
Le souverain pontife est mort, et ce qui importe n'est pas tant la disparition de celui-ci en tant qu'individu - c'est presque un détail - mais bien qui incarnera la nouvelle figure la plus élevée de l'Église catholique.

Copyright Focus Features

C'est tout l'intérêt de Conclave (littéralement l'assemblée des cardinaux réunis pour élire un nouveau pape), nouveau long-métrage d'un Edward Berger méchamment prolifique - et adapté du roman éponyme de Robert Harris -, qui plonge un poil sagement dans les arcanes hermétique du Vatican, en usant des codes du thriller paranoïaque pour mieux pointer les zones d'ombres derrière un mystère qui n'est que pure projection pour le commun des mortels : la confrontation dialectique et idéologique derrière l'élection d'un pape, où les faux rouages démocratiques peinent à tromper les mécanismes archaïques qui font fonctionner la direction du christianisme depuis des siècles.

Où comment chaque cardinaux doit voter quotidiennement jusqu'à ce qu'un des candidats obtienne une majorité de soutien, sans qu'il n'y est pour autant de débats/dialogues où chaque candidat/groupe présente ou ne défend ses propositions et ses positions; ce qui corrompt de facto toute idée de choix sain non nourrit par le chantage, la corruption où les divers traquenards.

Copyright Focus Features

Un petit théâtre des tromperies à l'écriture ciselée (et pas dénué de quelques touches d'humour salvatrices) au sein duquel le cardinal Lawrence, censé être la figure d'autorité ultime - mais surtout la seule voie de la raison - de cette élection (il est le Doyen du collège), tente vainement de garder un semblant de diplomatie/respect des règles et d'aplanir les multiples illégalités qu'il estime tangentielles (avec des méthodes, là aussi, peu orthodoxes), alors qu'il se perd lentement mais sûrement dans la toile d'araignée des manigances de chacun de ses compagnons, qui lui feront découvrir la douloureuse vérité : la corruption n'est pas accessoire mais bien structurelle, tout comme l’est l’oppression que l’institution elle-même exerce sur lui, à travers cette élection comme son propre quotidien au cœur du Vatican (le Saint-Père lui a refusé, par le passé, de quitter les cercles du pouvoir à Rome pour mener une vie plus tranquille, ce qui a d'autant plus accentué sa crise existentielle et la fragilisation de ses propres croyances).

Sans surprise, dans un univers aussi hermétique, l'identité et les décisions existentielles de chaque individu sont inéluctablement subordonnées aux intérêts d'une Église qui se réfère à la tradition et à la foi divine, pour maintenir ses privilèges autant que son oppression...

Copyright Focus Features

Culotté et franchement captivant, ce thriller papal à la tension grimpant crescendo, s'inscrit instinctivement dans la droite lignée du Nom de la Rose d'Annaud, dans sa manière de pointer l'Église comme un pouvoir empoisonné depuis ses racines, quand bien même il se laisse aller à un dernier tiers un poil trop surchargé en dialogues sur-explicatifs.
Un quasi-sans faute, même s'il est dommage que la puissance Pakula-esque de sa mise en scène, à la fois sobre et enlevée dans son désir de graduellement bousculer son auditoire comme son protagoniste titre, ne soit trop souvent saccagé par une musique sur-présente et ouvertement théâtrale, qui souligne avec un manque de subtilité criant ce que la réalisation caresse avec justesse.

Du beau et prenant cinéma cloîtré et lettré, qui porte ses apparats de thriller politico-paranoïaque sous les soutanes bouffantes du traditionalisme catholique, et où Ralph Fiennes, absolument époustouflant, dégaine sans aucun doute l'une de ses plus belles performances à ce jour.


Jonathan Chevrier


Copyright FilmNation Entertainment

Edward Berger avait fait sensation en 2022 avec son film À l’ouest rien de nouveau, adaptation du roman éponyme d’Erich Maria Remarque. Une production à destination de Netflix mais qui avait réussi à faire ses marques au sein des passionnés de cinéma, ainsi que des cérémonies de récompenses. Deux ans plus tard, le réalisateur allemand revient avec Conclave, une œuvre traitant de l’élection d’un nouveau pape, après que le précédent soit décédé d’une mort qui semblerait naturelle. Mais, est-ce vraiment le cas ? Le film suit donc le cardinal Thomas Lawrence, qui est aussi le doyen chargé du bon déroulé de ce conclave.

Un programme alléchant car pouvoir suivre ce processus d’élection d’un nouveau dirigeant de l’Église n’est pas une occasion donnée à tout le monde. Un événement long, fastidieux, et éminemment important pour tout catholique. À cela s’ajoute donc une énigme : la mort du précédent pape. Cette dernière, particulièrement soudaine, soulève aussi beaucoup de mystères chez les différents cardinaux. Une autre question surgit : qui pourra être élu à la position de souverain pontifical ?

Copyright Diamond Films / Focus Features

C’est en tout cas le programme annoncé dès le début par ce long-métrage. Mais, au fur et à mesure du film, d'autres sous-couches de sujets et d’intrigues s'entassent. C’est ainsi que d’un thriller clérical, on se trouve pris dans une guerre politique/religieuse, questionnant en même temps les fondements de la foi, l’impartialité des cardinaux, ou encore la nécessité de ces derniers d’être sans faille. Cependant, c’est là que le film s’embourbe. À trop vouloir complexifier son histoire, il en devient épuisant à suivre, brouillon, ne sachant plus trop de quoi il veut traiter. Est-ce un thriller, un drame, un film théorique sur la foi et la place de l’Église ? Ou bien est-ce tout cela en même temps ?

Finalement, il n’est rien de tout cela. Il traite en surface tous ces sujets, tirant ses inspirations évidemment du film Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud dans ses thématiques, mais n’allant jamais aussi loin. Il ne fait que servir des banalités sans grand intérêt. De plus, en passant d’intrigue en conspiration aussi rapidement, cela rend les précédentes obsolètes et oubliables. Le spectateur a à peine le temps de comprendre ce qu’il se passe, que le film est déjà sur une autre intrigue. Le tout avance avec une lenteur assommante, et se répète sans cesse. À chaque fois que l’on espère enfin arriver au bout du tunnel, un nouveau rebondissement arrive, prolongeant encore et toujours l’expérience. Un effet qui, en soi, représente bien l’ambiance d’un conclave : une longue période où les cardinaux doivent voter plusieurs fois jusqu’à ce que la majorité se mette d’accord, et ce pendant plusieurs jours.

Mais en fin de compte, ce thriller, où en est-il ? Où en sont les questions autour de la mort de ce pape ? Nulle part. Le film semble totalement oublier son point de départ, et nous sert une fin prévisible dès les 20 premières minutes. Alors que le scénario de Conclave se présente en début comme une enquête provoquant une introspection de l’Église, il semble que finalement, le plus intéressant pour lui, est qui sera le prochain pape. Une conclusion tentant de surprendre le plus possible le spectateur, tombant dans le ridicule.

Copyright Diamond Films / Focus Features

Une sensation qui n’est pas aidée par la performance des acteurs, avec notamment un Ralph Fiennes qui veut vraiment son Oscar, et ça se sent. Le tout servi par une réalisation qui est au mieux oubliable, au pire inexistante. La forme du huis-clos n’est même pas particulièrement utilisée (mis à part pour une scène qui n’aura finalement aucun impact). Le point le plus insupportable étant atteint avec sa musique poussive, cherchant désespérément à nous faire ressentir un semblant de tension dans des scénettes mollassonnes.

Conclave a le crédit de nous montrer que, même chez les cardinaux, les batailles politiques existent. Il se veut thriller, drame, fresque théâtrale, film théorique sur la foi, mais n’est finalement aucun de tout cela. Il rate tous ses effets, et devient finalement un objet ridicule, prévisible, et peu passionnant. Si vous voulez voir un huis-clos explorant de grandes questions sur la religion et la nature, allez plutôt voir La Controverse de Valladolid de Jean-Daniel Verhaeghe. Non seulement c’est plus court, mais en plus c’est beaucoup plus intéressant.


Livio Lonardi