[CRITIQUE] : Les Tempêtes
Réalisatrice : Dania Reymond-Boughenou
Avec : Camélia Jordana, Khaled Benaissa, Shirine Boutella, Mehdi Ramdani,...
Distributeur : The Jokers Films
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique.
Nationalité : Français, Belge, Algérien.
Durée : 1h24min
Synopsis :
D’étranges tempêtes de poussière jaune s’abattent sur la ville. Nacer, journaliste, couvre le phénomène pour son journal. Alors que les évènements inexpliqués se multiplient, sa femme Fajar réapparaît. Face à des vents de plus en plus menaçants et tandis que la ville semble sombrer dans la folie, Nacer devra dénouer un passé qui le hante.
Critique :
Si on peut tiquer sur son lyrisme marqué, qui nourrit une intrigue de facto un poil trop versatile pour porter sans trébucher ses thématiques, #LesTempêtes se fait une méditation mélancolique et sensible sur une mémoire collective avec laquelle il faut se réconcilier pour avancer pic.twitter.com/TH0QEHJmhS
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 22, 2024
Si beaucoup ne se sont pas véritablement remis du supposé hold-up (rien que de l'écrire, c'est d'un ridicule sans nom, mais il y en a, aussi fou que cela puisse paraître), qui la vu récompenser du César du meilleur espoir féminin en 2018, pour sa performance dans Le Brio (c'est déjà stupide de donner une quelconque importance aux cérémonies de remises de prix, mais on confine souvent au génie selon les réactions exagérés de certains); Camélia Jordana elle, continue de faire fièrement son petit bout de chemin au sein du septième art hexagonal, et elle peut se targuer d'avoir une filmographie certes pas toujours marquée par des choix heureux, mais définitivement plus hétéroclite que la quasi-intégralité de ses camarades de jeu.
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Après le drame de guerre plus où moins habile (Sœurs d'armes), le drame historique (Curiosa), la balade atmosphérique dans un Paris by night sauce Wong Kar-wai (La nuit venue), la romance mélancolique chez le roi Mouret (Les Choses qu'on dit, les Choses qu'on fait), la douce comédie un chouia romantique (Parents d'élèves) où encore les tragédies familiales et engagées (Vous n'aurez pas ma haine et Avant que les flammes ne s'éteignent), voila qu'elle se laisse aller désormais à arpenter le terrain du drame fantastique aux faux airs de revenge movie, avec Les Tempêtes.
Soit le premier long-métrage de la cinéaste franco-algérienne Dania Reymond-Boughenou, qui perpétue ici le devoir de mémoire qui irriguait ses courts-métrages à travers l'histoire surréaliste et allégorique d'une Alger hantée par son passée et son deuil impossible (à l'image de celui qui torturer un protagoniste principal, tellement crispé par son incapacité de dire adieu à sa femme depuis deux décennies, qu'il renoncera même à se venger de celui qui l'a emporté en pleine guerre civile, après l'avoir traqué pourtant pendant des années), ici frappée par d'étranges tempêtes de poussière jaune, qui emportent avec elles une forme d'hystérie collective, mais semblent également ramener les morts à la vie...
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Entre Les Revenants et Fog avec un doigt de Take Shelter, vissé sur les atermoiements d'un journaliste tentant de couvrir ce phénomène tout en devant négocier avec le retour inexplicable de son épouse assassinée vingt ans plus tôt, Faraj, qui n'a aucune conscience de son funeste destin; Les Tempêtes sonde les traumatismes d'une Algérie bouffée par la culpabilité - la décennie noire, sujet terriblement tabou -, en faisant revenir les morts à l'image d'un Romero soft, comme pour mieux la conjurer, l'exorciser frontalement et poétiquement, pour enfin réapprendre à vivre.
Si on peut lui reprocher un lyrisme certes furieusement prononcé, qui nourrit une intrigue de facto un poil trop versatile (voire redondante) pour porter sans trébucher ses thématiques, le film n'en reste pas moins une méditation joliment mélancolique, sensible et vaporeuse - comme son surnaturel - sur une mémoire collective avec laquelle il faut se réconcilier pour avancer.
Jonathan Chevrier