Breaking News

[CRITIQUE] : L'Amour Ouf


Réalisateur : Gilles Lellouche
Acteurs : François Civil, Adèle Exarchopoulos, Mallory Wanecque, Malik Frikah, Alain Chabat, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Jean-Pascal Zadi, Élodie Bouchez, Karim Leklou, Raphaël Quenard, Anthony Bajon,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Comédie, Romance, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 2h40min. 

Synopsis :
Les années 80, dans le nord de la France. 

Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traine. Et puis leurs destins se croisent et c'est l'amour fou. La vie s'efforcera de les séparer mais rien n'y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur... 


Critique : 


C'est facile certes, stupide peut-être (assurément, même si totalement assumé), mais c'est un principe que l'on s'est décidé à tenir, coûte que coûte : on ne peut décemment pas détester un film qui a The Cure dans sa B.O.
C'est stupide qu'on vous dit, mais faites avec, on ne se refera pas... 

Blague à part, pour son second long-métrage en solo derrière la caméra, L'Amour ouf, Gilles Lellouche s'est lancé dans une aventure sans doute un peu trop imposante pour lui (voire, plus directement, pour le cinéma hexagonal ?), une fresque mélodramatico-romantico-noire (oui, tout ça) entre West Side Story et Martin Scorsese, une adaptation plus où moins directe et chaotique du roman éponyme (Jackie Loves Johnser Ok? en VO) de Neville Thompson, sur près de trois heures de bobine. 

Copyright Trésor Films - Chi-Fou-Mi Productions - Studiocanal / Cédric Bertrand

Entrée, plat, fromage et dessert pour une addition salée - 35,7M€ de budget -, mais surtout une oeuvre qui se cherche, s'essouffle, court comme la maladie d'amour qui unit le cœur de deux adolescents devenus des adultes désenchantés, las de ne pas avoir pu s'aimer face à une destinée, une société (prononcer sociétaaayyyy) qui leur à tout pris mais surtout jamais rien donné.
On s'égare sans doute un brin, comme Lellouche finalement, lui qui ne trouve jamais le ton ni la mise en scène appropriée, à travers cette histoire aux nombreux points toxiques qui semble lui être cher, pensée depuis longtemps et gravée dans le marbre de la pellicule en collaboration avec Ahmed Hamidi (déjà de l'excellent Le Grand Bain) et Audrey Diwan. 

Passionné tout autant qu'il est conscient de ses limites, le cinéaste rythme son film comme une course effrénée où il trébuche au moins autant qu'il se relève, capable de tutoyer une poésie rare tout en se perdant dans des séquences criardes et ridicules tout en effets et autres travellings abrutissants : quand Lellouche aime, c'est avec générosité, même jusqu'aux frontières de l'excès.
Et c'est, au fond, ce qui fait la beauté, même fugace, de L'Amour Ouf : son côté mal taillé, brut de décoffrage voire malade mais surtout son manque total de frein, comme si ralentir n'était plus aimer, vibrer, comme si ralentir n'était plus du cinéma. 

Copyright Trésor Films - Chi-Fou-Mi Productions - Studiocanal / Cédric Bertrand

Alors le cinéaste fonce à 300km/h, embrasse la lourdeur assumée de ses destinées croisées (spirale criminelle, mariage de raison, lutte des classes, rédemption impossible et même grève des dockers) pour mieux en démontrer la spontanéité, l'authenticité, la soif de vivre, que ce soit dans la passion frappante d'un tandem Mallory Wanecque/Malik Frikah impressionnant, où la crédible continuité de cet amour qu'en fait le duo Adèle Exarchopoulos/François Civil, à la recherche de petits moments d'étreintes simples et réconfortantes, à la fois entre eux-mêmes où des figures parentales absolument bouleversantes - un autre exceptionnel duo, Alain Chabat et Élodie Bouchez. 

Sur ses presque trois heures de bobine à la longueur presque injustifiée et littéralement au bord de la crise de nerfs, Lellouche brûle tout, même ses propres ailes (dans sa violence bien trop gratuite parfois, où ses tentations pas assez assumées de bifurquer totalement vers la comédie musicale), dans un mélange insensé des genres, des tons et des codes (" à l'ancienne ", vraiment à tous les niveaux), parce qu'il est continuellement dévorer par le désir intense et palpable de raconter son histoire, quitte à la crier à la tronche de son auditoire dans un bombardement de mots et de couleurs à la profondeur relative (il survole l'écriture de ses personnages, sous-traite les thèmes de la chute de l'ascenseur social et des classes moyennes, la désillusion démocratique encore douloureusement d'actualité, l'abandon de toute ambition et/où aspiration face aux maux du coeur). 

Copyright Studiocanal

Tantôt il séduit, tantôt il rebute mais ce chaos romantique et énergique a la générosité d'un cœur amoureux qui ne veut s'arrêter d'aimer et, malgré ses nombreux défauts, cela fait une certaine différence à l'arrivée.
Et puis restons cohérent, comme on l'a dit, on ne peut pas totalement détester un film qui a The Cure dans sa bande originale...


Jonathan Chevrier






***

P.S. : n'oublie pas de nous suivre sur tous tes réseaux sociaux favoris :