[CRITIQUE] : L'Amour Ouf
Réalisateur : Gilles Lellouche
Acteurs : François Civil, Adèle Exarchopoulos, Mallory Wanecque, Malik Frikah, Alain Chabat, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Jean-Pascal Zadi, Élodie Bouchez, Karim Leklou, Raphaël Quenard, Anthony Bajon,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Comédie, Romance, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 2h40min.
Synopsis :
Les années 80, dans le nord de la France.
Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traine. Et puis leurs destins se croisent et c'est l'amour fou. La vie s'efforcera de les séparer mais rien n'y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur...
Critique :
Sur ses presque 3h, #LAmourOuf brûle tout, même ses propres ailes, dévoré qu'il est par le désir intense de raconter son histoire, quitte à la crier à son auditoire. Tantôt il séduit, tantôt il rebute mais il a la générosité d'un cœur amoureux qui ne veut s'arrêter de tourner. pic.twitter.com/NoaVDtJVFz
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 14, 2024
C'est facile certes, stupide peut-être (assurément, même si totalement assumé), mais c'est un principe que l'on s'est décidé à tenir, coûte que coûte : on ne peut décemment pas détester un film qui a The Cure dans sa B.O.
C'est stupide qu'on vous dit, mais faites avec, on ne se refera pas...
Blague à part, pour son second long-métrage en solo derrière la caméra, L'Amour ouf, Gilles Lellouche s'est lancé dans une aventure sans doute un peu trop imposante pour lui (voire, plus directement, pour le cinéma hexagonal ?), une fresque mélodramatico-romantico-noire (oui, tout ça) entre West Side Story et Martin Scorsese, une adaptation plus où moins directe et chaotique du roman éponyme (Jackie Loves Johnser Ok? en VO) de Neville Thompson, sur près de trois heures de bobine.
Entrée, plat, fromage et dessert pour une addition salée - 35,7M€ de budget -, mais surtout une oeuvre qui se cherche, s'essouffle, court comme la maladie d'amour qui unit le cœur de deux adolescents devenus des adultes désenchantés, las de ne pas avoir pu s'aimer face à une destinée, une société (prononcer sociétaaayyyy) qui leur à tout pris mais surtout jamais rien donné.
On s'égare sans doute un brin, comme Lellouche finalement, lui qui ne trouve jamais le ton ni la mise en scène appropriée, à travers cette histoire aux nombreux points toxiques qui semble lui être cher, pensée depuis longtemps et gravée dans le marbre de la pellicule en collaboration avec Ahmed Hamidi (déjà de l'excellent Le Grand Bain) et Audrey Diwan.
Passionné tout autant qu'il est conscient de ses limites, le cinéaste rythme son film comme une course effrénée où il trébuche au moins autant qu'il se relève, capable de tutoyer une poésie rare tout en se perdant dans des séquences criardes et ridicules tout en effets et autres travellings abrutissants : quand Lellouche aime, c'est avec générosité, même jusqu'aux frontières de l'excès.
Et c'est, au fond, ce qui fait la beauté, même fugace, de L'Amour Ouf : son côté mal taillé, brut de décoffrage voire archaïque, malade mais surtout son manque total de frein, comme si ralentir n'était plus aimer, vibrer, comme si ralentir n'était plus du cinéma.
Alors le cinéaste fonce à 300km/h, embrasse la lourdeur assumée de ses destinées croisées (spirale criminelle, mariage de raison, lutte des classes, rédemption impossible et même grève des dockers) pour mieux en démontrer la spontanéité, l'authenticité, la soif de vivre, que ce soit dans la passion frappante d'un tandem Mallory Wanecque/Malik Frikah impressionnant, où la - plus où moins - crédible continuité de cet amour qu'en fait le duo Adèle Exarchopoulos/François Civil, à la recherche de petits moments d'étreintes simples et réconfortantes (littéralement quand la caméra cesse de s'emballer), à la fois entre eux-mêmes où des figures parentales absolument bouleversantes - un autre exceptionnel duo, Alain Chabat et Élodie Bouchez.
Sur ses presque trois heures de bobine à la longueur presque injustifiée et littéralement au bord de la crise de nerfs, Lellouche brûle tout, même ses propres ailes (dans sa violence bien trop gratuite parfois - la scène de la cabine téléphonique, vraiment dérangeante -, où ses tentations pas assez assumées de bifurquer totalement vers la comédie musicale), dans un mélange insensé des genres, des tons et des codes (" à l'ancienne ", vraiment à tous les niveaux), parce qu'il est continuellement dévorer par le désir intense et palpable de raconter son histoire, quitte à la crier à la tronche de son auditoire dans un bombardement de mots et de couleurs à la profondeur relative (il survole l'écriture de ses personnages, sous-traite les thèmes de la chute de l'ascenseur social et des classes moyennes, la désillusion démocratique encore douloureusement d'actualité, l'abandon de toute ambition et/où aspiration face aux maux du coeur).
Copyright Studiocanal |
Tantôt il séduit, tantôt il rebute mais ce chaos romantique et énergique a la générosité d'un cœur amoureux qui ne veut s'arrêter d'aimer et, malgré ses nombreux défauts, cela fait une certaine différence à l'arrivée.
Et puis restons cohérent, comme on l'a dit, on ne peut pas totalement détester un film qui a The Cure dans sa bande originale...
Jonathan Chevrier
Copyright Trésor Films - Chi-Fou-Mi Productions - Studiocanal / Cédric Bertrand |
Sûrement l’un des films français les plus attendus de cette année, L’Amour ouf a fait grand bruit à Cannes, ainsi qu’à sa sortie. Le genre de film qui divise le public et la critique. Un film qui promettait du grand spectacle. Résultat : une partie de la critique criait au génie et une autre incendiait le film. Le public, quant à lui, semble particulièrement attiré par cette œuvre au vu des chiffres qu’il a faits en une semaine (plus d’un million). Mais, au final, que vaut vraiment ce second long-métrage de Gilles Lellouche ?
Une chose qu’il faut reconnaître, c’est que le cinéaste sait manier sa caméra. L’Amour ouf déborde d’idées de mise en scène, et ce dès le début avec ses jeux de reflets. Il va piocher dans plein de styles différents (la romance, le film d’action, de gangsters, la comédie musicale) pour en tirer les meilleures caractéristiques. La photographie est maîtrisée, notamment dans sa seconde moitié, avec sa dualité de rouge et de bleu, qui n’est pas sans rappeler les codes couleurs des veines et du sang, le carburant essentiel du cœur. Gilles Lellouche s’approprie des codes, tente, trébuche, et va parfois un peu trop loin. Mais il est difficile de nier son indéniable envie de faire du beau cinéma.
Cependant, à force de trop vouloir en faire, Lellouche se perd totalement dans son film, enchaînant les scènes à un rythme effréné, à la limite de l’indigestion, pour un final décevant, qui nous fera dire “Toute cette aventure pour ça ?”. En piochant un peu partout, L’Amour ouf tente d’être une romance, mais l’abandonne au bout d’une heure. Il lorgne du côté du film de gangsters, mais cela arrive bien trop tard dans le film. Il incorpore des scènes de comédie musicale, mais ne les assume pas à fond, nous donnant l’effet d’un pétard mouillé, et qui doit être très déceptif pour les fans du genre. Une sorte d’hydre aux multiples facettes qui s’auto-décapite et se sabote en permanence.
Mais, si le film n’était que ce projet esthétique difforme, cela pourrait ne pas être trop dérangeant. Le vrai problème est que L’Amour ouf peut-être à la limite du problématique sur certains aspects. Lellouche a peut-être oublié que nous ne sommes plus dans les années 80-90, et que les mœurs et codes ont évolué. Car l’histoire d’amour entre une jeune adolescente forte à l’école et un petit voyou qui aime la bagarre, c’est très loin d’être nouveau. À cela il faut rajouter une construction scénaristique plus que classique, rendant le tout plus que classique et pas très passionnant.
Sa représentation de l’amour est plus que datée, et on peut avoir devant le film la sensation qu’il essaie de glamouriser l’amour toxique et la violence. Que l’amour passion s’apparente à une lutte et qu’elle est indissociable de l’agressivité. Cela peut être une vision subjective de Lellouche, et il a parfaitement le droit d’y croire. Le problème est qu’il ne l’explique ou ne la justifie jamais dans le film. À aucun moment on nous fait comprendre la raison de cet amour à longue durée ou pourquoi ces personnages s’accrochent autant l’un à l’autre, excepté juste “par amour”. C’est finalement dans l’écriture de ses personnages que le film se plante le plus. Tous sont des archétypes vus cent fois, et d’un classicisme profondément ennuyeux. Le pic étant sûrement atteint lorsque Jackie (Adèle Exarchopoulos) rencontre la mère de Clotaire (François Civil), jouée par Élodie Bouchez. Une scène où l’on nous fait comprendre que le seul rôle de Jackie est finalement de calmer cet homme violent qui s’autodétruit. Une vision bien réductrice des relations homme/femme où ces dernières ont comme mission de maintenir les mâles (alors qu’ils pourraient aussi très bien aller voir un psychologue).
En résumé, L’Amour ouf est un gloubi-boulga d'idées qui sont certes intéressantes, mais concentrées en un seul film beaucoup trop long, qui transpire la dominance masculine et la violence, même dans ses plans et son montage. Pas dénué d’intérêt cinématographique, le long-métrage a quand même de bons relents de naphtaline.
Livio Lonardi
Copyright Trésor Films - Chi-Fou-Mi Productions - Studiocanal / Cédric Bertrand |
Une chose qu’il faut reconnaître, c’est que le cinéaste sait manier sa caméra. L’Amour ouf déborde d’idées de mise en scène, et ce dès le début avec ses jeux de reflets. Il va piocher dans plein de styles différents (la romance, le film d’action, de gangsters, la comédie musicale) pour en tirer les meilleures caractéristiques. La photographie est maîtrisée, notamment dans sa seconde moitié, avec sa dualité de rouge et de bleu, qui n’est pas sans rappeler les codes couleurs des veines et du sang, le carburant essentiel du cœur. Gilles Lellouche s’approprie des codes, tente, trébuche, et va parfois un peu trop loin. Mais il est difficile de nier son indéniable envie de faire du beau cinéma.
Cependant, à force de trop vouloir en faire, Lellouche se perd totalement dans son film, enchaînant les scènes à un rythme effréné, à la limite de l’indigestion, pour un final décevant, qui nous fera dire “Toute cette aventure pour ça ?”. En piochant un peu partout, L’Amour ouf tente d’être une romance, mais l’abandonne au bout d’une heure. Il lorgne du côté du film de gangsters, mais cela arrive bien trop tard dans le film. Il incorpore des scènes de comédie musicale, mais ne les assume pas à fond, nous donnant l’effet d’un pétard mouillé, et qui doit être très déceptif pour les fans du genre. Une sorte d’hydre aux multiples facettes qui s’auto-décapite et se sabote en permanence.
Mais, si le film n’était que ce projet esthétique difforme, cela pourrait ne pas être trop dérangeant. Le vrai problème est que L’Amour ouf peut-être à la limite du problématique sur certains aspects. Lellouche a peut-être oublié que nous ne sommes plus dans les années 80-90, et que les mœurs et codes ont évolué. Car l’histoire d’amour entre une jeune adolescente forte à l’école et un petit voyou qui aime la bagarre, c’est très loin d’être nouveau. À cela il faut rajouter une construction scénaristique plus que classique, rendant le tout plus que classique et pas très passionnant.
Copyright Trésor Films - Chi-Fou-Mi Productions - Studiocanal / Cédric Bertrand |
En résumé, L’Amour ouf est un gloubi-boulga d'idées qui sont certes intéressantes, mais concentrées en un seul film beaucoup trop long, qui transpire la dominance masculine et la violence, même dans ses plans et son montage. Pas dénué d’intérêt cinématographique, le long-métrage a quand même de bons relents de naphtaline.
Livio Lonardi