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[CRITIQUE] : Chroniques Chinoises


Réalisateur : Lou Ye
Acteurs : Hao QinXiaorui MaoQi XiHuang Xuan,...
Distributeur : Bac Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Chinois, Singapourien, Allemand.
Durée : 1h45min.  

Synopsis :
Janvier 2020. Une équipe de tournage se réunit dans un hôtel près de Wuhan pour reprendre la production d'un film interrompu dix ans plus tôt. Mais un événement inattendu vient à nouveau contrarier les préparatifs et l’équipe est confinée avec leurs écrans comme seul contact avec le monde extérieur.



Critique :



Il y a quelque chose d'étonnant dans le fait de voir Lou Ye s'inscrire, inconsciemment évidemment, dans les mêmes pas que ceux de son camarade Jia Zhang-ke, encore plus conscient que lui - à travers son cinéma, tout du moins - des maux de la société contemporaine, alors qu'il aborde le sujet encore douloureux de la pandémie du Covid-19 : tout comme le papa de Xiao Wu, c'est par le prisme du passé, par l'idée de vouloir remonter le temps pour mieux tromper la dureté du quotidien.

Si le second en tirait, à travers Caught by the tides, une magnifique et radicale déambulation sur deux décennies, où un doux et tout en résilience portrait de femme s'en allait nourrir celui d'une Chine en mutation et, finalement, toute aussi bouffée par la solitude; Chroniques chinoises se fait lui un peu moins heureux dans son cocktail entre fiction et réalité, malgré un point de départ merveilleusement accrocheur.

Copyright Yingfilms Pte. Ltd., Essential Filmproduktion GmbH

Soit un cinéaste, Xiaorui, qui prend la décision soudaine de reprendre la production d'un film interrompu dix ans plus tôt.
Un projet né d'une urgence expressive entre lui et plusieurs connaissances devenus depuis des professionnels reconnus dans l'industrie, et qui n'avait d'égal que le peu de moyen disponible pour sa mise en œuvre.
Une production qui renaît donc de ces cendres autant dans un esprit de responsabilisation que par un amour fétichiste, fantasmé de ce qui n'a pu aboutir, Xiaorui ayant réussi à vaincre les maigres réticences de ses collaborateurs, pour mener à bien son entreprise.
Mais alors que tout ce petit monde arrive enfin à se réunir à l'approche du nouvel an chinois, dans un petit hôtel à Wuhan, la pandémie mondiale bloque à nouveau le tournage, et chacun est confronté à un confinement strict et une gestion glaciale des événements, par les autorités locales...

Et si, par nature, un film inachevé devait éternellement le demeurer ?
C'est définitivement l'un des questionnements mais aussi, ironiquement, ce qui hante le nouvel effort ambitieux et intimement personnel de Lou Ye, qui amène de nombreuses thématiques passionnantes sur la table de cuisson (la notion d'ambition artistique face à l'adversité, le cinéma comme reflet de la mémoire du temps et de soi-même, l'écran - et par là aussi, la création artistique - comme seul outil de connexion avec le monde), sans forcément leur donner le temps de cuisson adéquat dans ce qui se revendique comme une fusion entre la fiction et le documentaire, entre la vérité de l'intime et de l'universel (l'histoire récente de la Chine et, dans le même mouvement, celui du monde), entre la vérité cinématographique d'hier (de vraies images tournées puis laissées de côté, au moment de la production de Spring Fever) et la rhétorique fictive d'aujourd'hui (recréer la pandémie tout en s'appuyant sur de véritables images privées de citoyens de Wuhan).

Copyright Yingfilms Pte. Ltd., Essential Filmproduktion GmbH

Passionnant sur le papier, Chroniques chinoises se perd un peu trop vite dans sa rhétorique, son hybridité, lui qui se veut moins comme le carnet de bord sous quarantaine d'un projet inachevé et maudit, qu'une célébration de la résilience folle du peuple chinois face à la terreur d'un mal invisible, mais surtout face à la radicalité du contrôle de la pandémie par l'État.

En faisant de son film une réponse libre et inventive face à l'interdit, une charge acerbe et douce-amère face à la gestion de la pandémie, Lou Ye touche juste tout autant qu'il s'égare donc, aussi paradoxal que cela puisse paraître.


Jonathan Chevrier






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