[CRITIQUE] : Gladiator II
Réalisateur : Ridley Scott
Acteurs : Paul Mescal, Denzel Washington, Pedro Pascal, Joseph Quinn, Fred Hechinger, Connie Nielsen,...
Distributeur : Paramount Pictures France
Budget : -
Genre : Action, Drame, Péplum.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h30min
Synopsis :
Des années après avoir assisté à la mort du héros vénéré Maximus aux mains de son oncle, Lucius est forcé d'entrer dans le Colisée lorsque son pays est conquis par les empereurs tyranniques qui gouvernent désormais Rome d'une main de fer. La rage au cœur et l'avenir de l'Empire en jeu, Lucius doit se tourner vers son passé pour trouver la force et l'honneur de rendre la gloire de Rome à son peuple.
Critique :
Cela en fera rire plus d'un certainement (on ne peut pas empêcher la stupidité, après tout), mais il est une vérité indéniable depuis un bon demi-siècle désormais : Ridley Scott est le dernier roi sans couronne de la fresque historique sur pellicule, l'ultime pape d'un cinéma à l'ancienne qui ne cherche pas tant à s'accrocher à la vérité absolue des faits (chipotez les historiens : c'est du cinéma), qu'à se balader avec malice dans les méandres ancestraux d'une humanité tantôt vulnérable, tantôt méprisable.
Mais c'est sans doute, toujours, à l'exception de Gladiator premier du nom voire de son récent Le Dernier Duel, par ces récits imparfaits que le papa de Blade Runner s'ôte tout idée de triomphe glorieux auprès d'un grand public parfois absurdement intransigeant, là où sa mise en scène n'a jamais cessé d'être aussi percutante, précise, imposante dans l'action à grande échelle homme dans l'intimité la plus totale.
Le voir revenir sur le champ de bataille sanglant de la Rome antique pour un hypothétique Gladiator II (il aurait déjà l'idée d'un troisième film dans le coin de la tête, soyez prêts), n'avait donc rien d'illogique, lui qui tentait déjà difficilement de produire une suite aux aventures de Maximus (on est passé très proche de la catastrophe, notamment avec Nick Cave au scénario, où le personnage de Russell Crowe renaissait de ces cendres à la demande des dieux, pour repousser la menace chrétienne s’imposant peu à peu sur toute l’Europe, avant de se transformer peu à peu en demi-Dieu qui accumulait les batailles au fil des époques), la vraie question était de savoir s'il avait, au fond, une histoire suffisamment bonne à nous conter, suffisamment bonne pour justifier ce dit retour où si, à l'image de certains de ses derniers efforts, cette suite tardive incarnait l'énième caprice d'un cinéaste qui n'en a plus rien à foutre, et encore plus de l'avis des autres.
Et en réalité, la vérité se situe un peu au carrefour des deux, la faute sans doute à un scénario à cinq plumes qui ne sait jamais s'il doit rester pleinement dans l'ombre du film original, où s'il doit s'en affranchir, quitte à se prendre un coup de glaive dans la caboche.
Si Gladiator premier du nom jouissait d'une histoire simple et limpide, aux figures suffisamment familières pour ne pas trop bousculer les attentes/certitudes de son auditoire (un néo-péplum sauce revenge movie, avec un homme animé par l'honneur et le devoir - Maximus -, appelé à se venger d'un gamin fait empereur dans la mort - Commode -, à la fois narcissique, pervers et avide de pouvoir), le second, dont la structure est sensiblement la même, joue la carte alambiqué à la fois de l'héroïsme maladroit (comment Lucius pourrait-il continuer l'œuvre de Maximus, sans véritablement l'avoir connu ?) et de l'héritage fumant, tant tout est axé sur le même tempo... en plus exagéré.
Exagéré, que ce soit dans son idée d'incarner un revenge movie à l'impact émotionnel incroyablement moindre (pas de massacre familial, juste la mort héroïque et tragique de la femme de Lucius, sur le champ de bataille), à sa manière de croquer des personnages beaucoup trop semblables pour leur bien (Caracalla et Geta sont des Commode 2.0, Lucius se rêve en Maximus, Macrinus est un Proximo à l'ambition tout aussi ambiguë), quand ils ne servent pas à grand chose au final - où que leur résolution soit risible.
Comme le Marcus Acacius de Pascal, écho plutôt pertinent à Maximus, mais dont l'intérêt est minime et ne vise qu'à détourner sporadiquement l'intention un temps des jumeaux empereurs, puis de Macrinus.
On ne reviendra pas forcément non plus sur la présence anecdotique de Gracchus/Derek Jacobi, uniquement là pour le fan service, où le sacrifice total des deux personnages féminins, Arisha et Lucilla, l'apanage de tout péplum/néo-péplum en vrai, quoiqu'en diront certains.
Alors que le film original trouvait un équilibre habile entre action, émotions et profondeur philosophique, cette suite, là encore avec 5 plumes dissemblables à sa tête, ne pouvait décemment prétendre à la même équation en alourdissant son édifice avec plus de personnages, plus d'intrigues politiques alambiquées, un rythme plus décousu et une émotion réduite à peau de chagrin - pas aidée par la partition assez fade d'Harry Gregson-Williams et de Lisa Gerrard.
Mais visuellement en revanche, Scott ne se laisse pas aussi facilement démonter et il laisse exploser sa maestria en tranchant sensiblement avec son approche sur le premier effort (exit le 35mm, bonjour les très coûteux objectifs Panavision Sphero 65), jouant totalement la carte d'un numérique grandiloquent et spectaculaire, parfois artificiel pour l'œil avisé (on ne parle pas des SFX pas toujours heureux voire incomplets, un fait encore plus flagrant sur une projection IMAX), mais merveilleusement brutal et intense dans son déchaînement à grande échelle tout en sang, en sueur et en mort (la scène d'ouverture place, tout de suite, la barre assez haute), enchaînant les affrontements homériques- aux chorégraphies léchées - aussi bien à l'extérieur qu'au cœur d'un Colisée que le cinéaste n'hésitera pas à immerger avec gourmandise - quitte à laisser un peu trop parler son imagination.
Le tout avec un Arthur Max des grands jours (comprendre : le Max de Prometheus) aux décors.
Côté distribution, si Paul Mescal en impose (ne le comparons pas stupidement au " Prime " de Russell Crowe, les deux personnages et comédiens n'ont rien à voir entre eux), en jeune homme traumatisé qui se fait leader fier et charismatique par la force de ses poings, c'est véritablement du côté des vieux briscards Pedro Pascal et Denzel Washington, que les regards se feront plus insistants.
Le premier donne du corps et de la nuance à son personnage d'Acacius, même si la narration n'a jamais la bonne intention de lui laisser l'espace nécessaire pour pleinement se développer, là où Denzel Washington renoue avec son énergie folle des années 2000 (perdue au cœur d'une léthargie un poil consentie, dans les années 2010), comme si retrouver un Scott lui redonnait, instinctivement, l'envie d'avoir envie.
Flamboyant et machiavélique (il a même gardé son accent new-yorkais !), il est impérial en marchand d'esclaves et d'armes Macrinus, qui a autrefois gagné sa liberté en tant que gladiateur et qui complote maintenant pour déloger de leur trône, les jeunes jumeaux empereurs assoiffés de sang Caracalla et Geta (Joseph Quinn et Fred Hechinger, qui cabotinent comme des sagouins), incarnations crasses d'une Rome engluée dans sa décadence sans valeurs ni foi.
Il est la cerise sur le gâteau d'un vrai divertissement pop-corn plus où moins conscient de ne jamais pouvoir atteindre les cimes glorieux de son illustre aîné, au point d'embrasser encore plus franchement ses courbes d'épopée viriliste et enragée, à l'image de son auteur qui bouffe toujours autant son amour du septième art par la racine, et qui n'a - on l'espère - pas encore fini d'en découdre dans l'arène de la jungle Hollywoodienne.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Paul Mescal, Denzel Washington, Pedro Pascal, Joseph Quinn, Fred Hechinger, Connie Nielsen,...
Distributeur : Paramount Pictures France
Budget : -
Genre : Action, Drame, Péplum.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h30min
Synopsis :
Des années après avoir assisté à la mort du héros vénéré Maximus aux mains de son oncle, Lucius est forcé d'entrer dans le Colisée lorsque son pays est conquis par les empereurs tyranniques qui gouvernent désormais Rome d'une main de fer. La rage au cœur et l'avenir de l'Empire en jeu, Lucius doit se tourner vers son passé pour trouver la force et l'honneur de rendre la gloire de Rome à son peuple.
Critique :
Dans l'ombre d'un premier film qu'il ne peut égaler - même s'il en reprend les grandes lignes -, #Gladiator2 privilégie la carte de la suite Bigger and Faster, pur divertissement pop-corn grandiloquent, intense et spectaculaire, qui perd en émotion ce qu'il gagne en brutalité. pic.twitter.com/ACbda4y2PB
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 11, 2024
Cela en fera rire plus d'un certainement (on ne peut pas empêcher la stupidité, après tout), mais il est une vérité indéniable depuis un bon demi-siècle désormais : Ridley Scott est le dernier roi sans couronne de la fresque historique sur pellicule, l'ultime pape d'un cinéma à l'ancienne qui ne cherche pas tant à s'accrocher à la vérité absolue des faits (chipotez les historiens : c'est du cinéma), qu'à se balader avec malice dans les méandres ancestraux d'une humanité tantôt vulnérable, tantôt méprisable.
Mais c'est sans doute, toujours, à l'exception de Gladiator premier du nom voire de son récent Le Dernier Duel, par ces récits imparfaits que le papa de Blade Runner s'ôte tout idée de triomphe glorieux auprès d'un grand public parfois absurdement intransigeant, là où sa mise en scène n'a jamais cessé d'être aussi percutante, précise, imposante dans l'action à grande échelle homme dans l'intimité la plus totale.
Copyright Paramount Pictures Germany |
Le voir revenir sur le champ de bataille sanglant de la Rome antique pour un hypothétique Gladiator II (il aurait déjà l'idée d'un troisième film dans le coin de la tête, soyez prêts), n'avait donc rien d'illogique, lui qui tentait déjà difficilement de produire une suite aux aventures de Maximus (on est passé très proche de la catastrophe, notamment avec Nick Cave au scénario, où le personnage de Russell Crowe renaissait de ces cendres à la demande des dieux, pour repousser la menace chrétienne s’imposant peu à peu sur toute l’Europe, avant de se transformer peu à peu en demi-Dieu qui accumulait les batailles au fil des époques), la vraie question était de savoir s'il avait, au fond, une histoire suffisamment bonne à nous conter, suffisamment bonne pour justifier ce dit retour où si, à l'image de certains de ses derniers efforts, cette suite tardive incarnait l'énième caprice d'un cinéaste qui n'en a plus rien à foutre, et encore plus de l'avis des autres.
Et en réalité, la vérité se situe un peu au carrefour des deux, la faute sans doute à un scénario à cinq plumes qui ne sait jamais s'il doit rester pleinement dans l'ombre du film original, où s'il doit s'en affranchir, quitte à se prendre un coup de glaive dans la caboche.
Si Gladiator premier du nom jouissait d'une histoire simple et limpide, aux figures suffisamment familières pour ne pas trop bousculer les attentes/certitudes de son auditoire (un néo-péplum sauce revenge movie, avec un homme animé par l'honneur et le devoir - Maximus -, appelé à se venger d'un gamin fait empereur dans la mort - Commode -, à la fois narcissique, pervers et avide de pouvoir), le second, dont la structure est sensiblement la même, joue la carte alambiqué à la fois de l'héroïsme maladroit (comment Lucius pourrait-il continuer l'œuvre de Maximus, sans véritablement l'avoir connu ?) et de l'héritage fumant, tant tout est axé sur le même tempo... en plus exagéré.
Copyright Paramount Pictures Germany |
Exagéré, que ce soit dans son idée d'incarner un revenge movie à l'impact émotionnel incroyablement moindre (pas de massacre familial, juste la mort héroïque et tragique de la femme de Lucius, sur le champ de bataille), à sa manière de croquer des personnages beaucoup trop semblables pour leur bien (Caracalla et Geta sont des Commode 2.0, Lucius se rêve en Maximus, Macrinus est un Proximo à l'ambition tout aussi ambiguë), quand ils ne servent pas à grand chose au final - où que leur résolution soit risible.
Comme le Marcus Acacius de Pascal, écho plutôt pertinent à Maximus, mais dont l'intérêt est minime et ne vise qu'à détourner sporadiquement l'intention un temps des jumeaux empereurs, puis de Macrinus.
On ne reviendra pas forcément non plus sur la présence anecdotique de Gracchus/Derek Jacobi, uniquement là pour le fan service, où le sacrifice total des deux personnages féminins, Arisha et Lucilla, l'apanage de tout péplum/néo-péplum en vrai, quoiqu'en diront certains.
Alors que le film original trouvait un équilibre habile entre action, émotions et profondeur philosophique, cette suite, là encore avec 5 plumes dissemblables à sa tête, ne pouvait décemment prétendre à la même équation en alourdissant son édifice avec plus de personnages, plus d'intrigues politiques alambiquées, un rythme plus décousu et une émotion réduite à peau de chagrin - pas aidée par la partition assez fade d'Harry Gregson-Williams et de Lisa Gerrard.
Mais visuellement en revanche, Scott ne se laisse pas aussi facilement démonter et il laisse exploser sa maestria en tranchant sensiblement avec son approche sur le premier effort (exit le 35mm, bonjour les très coûteux objectifs Panavision Sphero 65), jouant totalement la carte d'un numérique grandiloquent et spectaculaire, parfois artificiel pour l'œil avisé (on ne parle pas des SFX pas toujours heureux voire incomplets, un fait encore plus flagrant sur une projection IMAX), mais merveilleusement brutal et intense dans son déchaînement à grande échelle tout en sang, en sueur et en mort (la scène d'ouverture place, tout de suite, la barre assez haute), enchaînant les affrontements homériques- aux chorégraphies léchées - aussi bien à l'extérieur qu'au cœur d'un Colisée que le cinéaste n'hésitera pas à immerger avec gourmandise - quitte à laisser un peu trop parler son imagination.
Le tout avec un Arthur Max des grands jours (comprendre : le Max de Prometheus) aux décors.
Copyright Paramount Pictures Germany |
Côté distribution, si Paul Mescal en impose (ne le comparons pas stupidement au " Prime " de Russell Crowe, les deux personnages et comédiens n'ont rien à voir entre eux), en jeune homme traumatisé qui se fait leader fier et charismatique par la force de ses poings, c'est véritablement du côté des vieux briscards Pedro Pascal et Denzel Washington, que les regards se feront plus insistants.
Le premier donne du corps et de la nuance à son personnage d'Acacius, même si la narration n'a jamais la bonne intention de lui laisser l'espace nécessaire pour pleinement se développer, là où Denzel Washington renoue avec son énergie folle des années 2000 (perdue au cœur d'une léthargie un poil consentie, dans les années 2010), comme si retrouver un Scott lui redonnait, instinctivement, l'envie d'avoir envie.
Flamboyant et machiavélique (il a même gardé son accent new-yorkais !), il est impérial en marchand d'esclaves et d'armes Macrinus, qui a autrefois gagné sa liberté en tant que gladiateur et qui complote maintenant pour déloger de leur trône, les jeunes jumeaux empereurs assoiffés de sang Caracalla et Geta (Joseph Quinn et Fred Hechinger, qui cabotinent comme des sagouins), incarnations crasses d'une Rome engluée dans sa décadence sans valeurs ni foi.
Il est la cerise sur le gâteau d'un vrai divertissement pop-corn plus où moins conscient de ne jamais pouvoir atteindre les cimes glorieux de son illustre aîné, au point d'embrasser encore plus franchement ses courbes d'épopée viriliste et enragée, à l'image de son auteur qui bouffe toujours autant son amour du septième art par la racine, et qui n'a - on l'espère - pas encore fini d'en découdre dans l'arène de la jungle Hollywoodienne.
Jonathan Chevrier