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[CRITIQUE] : E.1027, Eileen Gray et la maison en bord de mer


Réalisatrice•teur : Beatrice Minger et Christoph Schaub
Acteurs : Natalie Radmall-Quirke, Axel MoustacheCharles MorillonVera Flück,....
Distributeur : Dean Medias
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Suisse.
Durée : 1h29min.  

Synopsis :
Un voyage cinématographique dans l'esprit d'Eileen Gray. La créatrice irlandaise construit un refuge sur la Côte d'Azur en 1929. Sa première maison est un chef-d'œuvre discret et avant-gardiste. Elle la nomme E.1027, mariage énigmatique de ses initiales et de celles de Jean Badovici, avec qui elle l'a construite. Le Corbusier, en découvrant la maison, est intrigué, obsédé. Il recouvre les murs de peintures murales et en publie des photos. Gray qualifie ces peintures de vandalisme et demande leur restitution. Il ignore ses souhaits et construit à la place son célèbre Cabanon directement derrière E.1027, qui domine encore aujourd'hui la narration du site. Une histoire sur le pouvoir de l'expression féminine et le désir des hommes de la contrôler.



Critique :



Dans un océan de sorties où il est difficile de ne pas crouler sous les vagues incessantes des propositions diverses et variées (dont la quasi-intégralité, sont elles-mêmes même menacées d'être écrasé sous le poids des plus imposantes d'entre-elles), quelques productions arrivent néanmoins à se démarquer et à titiller plus que les autres, notre intérêt.
Notamment du côté d'un giron du documentaire trop rarement mis en avant - tout du moins, par les cinéphiles les moins avertis.

Aux côtés d'un autre documentaire infiniment nécessaire No Other Land de Basel Adra, Hamdan Ballal, Rachel Szor et Yuval Abraham, E.1027, Eileen Gray et la maison en bord de mer du tandem Beatrice Minger et Christoph Schaub, est clairement fait de cette pellicule-là, docu-fiction jonglant autant entre le biopic conventionnel et l'essai cinématographique profondément singulier et cérébral (un doigt de pièce de théâtre, une bonne dose d'art contemporain).

© Roche Productions / Dean Medias

Un effort pour le moins particulier mais résolument sensible, qui se revendique à la fois comme une célébration de la vie et du talent de l'architecte irlandaise d'Eileen Gray (créatrice de génie et surtout première femme à avoir pleinement su conquérir le territoire de l'architecture à une époque où les hommes le contrôlaient sans partage) anticonformiste et ouvertement bisexuelle, une plongée intime et réfléchie dans son univers (surtout émotionnel, tant elle semble à la fois victime de ses émotions tout autant qu'elle trouve sa force motrice en elles) et ses proches, ainsi que d'une auscultation sur l'aura et l'histoire de sa maison avant-gardiste, construite sur la Côte d'Azur en 1929 et pensé avec son jeune amant Jean Badovici (reconstruite telle qu’elle avait été construite à l’origine), et qui amènera une troisième figure, antagoniste, sur la table - Charles-Édouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier, qui revendiquait la paternité de la maison et qui se l'est approprié après la guerre.

Célébration somptueuse d'une figure méconnue qui s'est constamment battue contre la violence du patriarcat, E.1027, Eileen Gray et la maison en bord de mer est une œuvre passionnée et passionnante, tout simplement.


Jonathan Chevrier