[CRITIQUE] : Les Belles Créatures
Réalisateur : Gudmundur Arnar Gudmundsson
Acteurs : Birgir Dagur Bjarkason, Áskell Einar Pálmason, Viktor Benóný Benediktsson, Snorri Rafn Frímannsson,...
Distributeur : Outplay Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Islandais, Danois, Suédois, Hollandais, Tchèque.
Durée : 2h03min.
Synopsis :
Addi, 14 ans, est élevé par sa mère clairvoyante qui perçoit l’avenir dans les rêves. Il prend sous son aile Balli, un garçon introverti et en marge, victime d’harcèlement scolaire. En l’intégrant à sa bande, ces garçons désœuvrés et livrés à eux-mêmes explorent la brutalité et la violence, comme seuls moyens d’expression et d’exister. Alors que les problèmes du groupe s’aggravent, Addi commence à vivre une série de visions oniriques. Ses nouvelles intuitions lui permettront-elles de les guider et de trouver leur propre chemin ?
Critique :
Chronique sociale tendue autant que portrait brutal et amer d'une jeunesse à l'abandon qui se structure dans la violence, #LesBellesCréatures est un héritier lointain de This is England même s'il pousse trop loin cruauté du tourbillon de sauvagerie de ses jeunes protagonistes. pic.twitter.com/h78dg8ICEf
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 26, 2024
Les chroniques adolescentes sur le dur passage de l'enfance vers la vie adulte, qu'elles soient au féminin ou au masculin, sont un terreau presque inépuisable pour le septième art tant elles brassent des sentiments universels, puisque cette frontière poreuse est un passage obligé pour tous, tous les peuples de chaque territoire du monde, interprété certes par chacun d'une manière qui lui est propre, selon des facteurs divers comme les différentes sensibilités et autres circonstances sociales.
La difficulté est alors pour chaque cinéaste qui s'attelle à sa mise en images, de tutoyer du bout de la pellicule une sorte d'honnêteté universelle, une sensibilité spécifique pour que chaque œuvre résonne à l'unisson - où non - leur auditoire.
Copyright Salzgeber & Co. Medien |
Laissant sensiblement l'humour bas du front de la majorité de ses cousins américains de côté, pour lui préférer un réalisme intime tout particulier, Les Belles Créatures de Gudmundur Arnar Gudmundsson, suit scrupuleusement le mantra cité plus haut en s'attachant à un petit groupe d'ados fracturés depuis l’enfance, chacun appartenant à des cellules familiales complexes où les figures parentales sont soit vacillantes, soit absentes, prompts aux négligences et à une violence cruelle, symbole d'une Islande de la fin du siècle dernier dont la misère sociale, insoupçonnée pour notre regard occidental, provoque, nourrit ce climat d'abus et de communication rompue.
Ces gosses, orphelins et marginaux du système, victimes d'une classe encaissant les humiliations aussi bien à l'intérieur comme à l'extérieur de ce qui est censé les protéger de la misère du monde - l'école, peut-être le plus dangereux et anxiogène des lieux finalement -, n'ont que cette brutalité comme outil d'expression, eux qui trouvent même un réconfort évidemment malsain dans le fait de faire du mal à quiconque s'approche d'eux, dans le fait d'utiliser le seul langage auquel ils ont été éduqué, de perpétuer cette même violence qu'ils ont subis.
Copyright Salzgeber & Co. Medien |
Chronique sociale tendue autant que fable amère et portrait frontale d'une jeunesse à l'abandon, en pleine découverte d'elle-même et qui se structure dans la maladresse et la douleur d'un simulacre de famille à l'affection malade (et pourtant cohérente avec sa propre dynamique), Les Belles Créatures pourrait se voir comme un héritier lointain du puissant This is England de Shane Meadows, quand bien même il n'hésite jamais à pousser très (trop) loin la dureté/cruauté des expérimentations et du tourbillon de sauvagerie de ses jeunes protagonistes - pas toujours justifiés -, une toxicité faussement virile qui mènera à leur rupture.
Si tout n'est pas maîtrisé pour autant (sa durée mais avant tout et surtout sa complaisance comme dit plus haut), la manière dont Gudmundsson fait s'enlacer onirisme (notamment les épisodes mystiques de l'un des adolescents, qui se découvre des dons de voyance) et âpreté, la façon dont il se penche avec tendresse sur chacun de ses personnages pour leur donner juste ce qu'il faut de relief pour être, malgré tout attachant, font que son second effort mérite amplement son pesant de pop-corn, voire même un petit peu plus.
Jonathan Chevrier