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[CRITIQUE] : The Devil's Bath


Réalisatrice• eur : Veronika Franz et Severin Fiala
Acteurs : Anja PlaschgDavid ScheidMaria Hofstätter,...
Distributeur : Pan Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Historique, Thriller.
Nationalité : Autrichien, Allemand.
Durée : 2h01min.

Synopsis :
1750. Haute-Autriche. Agnes, une jeune mariée, se sent une étrangère dans le monde rural et froid de son mari. Très croyante et sensible, elle se replie progressivement sur elle-même. Sa prison intérieure devient écrasante, sa mélancolie insurmontable. Sa seule issue lui apparaît alors sous la forme d’un acte de violence inouï.



Critique :



Le duo de cinéastes autrichiens Veronika Franz et Severin Fiala qui sont tante et neveu, revient cette année avec un troisième long-métrage. Après le glaçant Goodnight Mommy et le plus conventionnel The Lodge, ils proposent The Devil’s Bath, une plongée lourde dans une dépression noire et sans issue.

Copyright Pan Distribution

The Devil’s Bath est un douloureux slowburn qui se place au plus proche de son personnage, incarnée par la talentueuse Anja Plasch, également connue dans le milieu de la musique sous le pseudonyme Soap&skin. Cette dernière ne devait s’occuper que de la musique, bouleversée par le scénario elle se retrouve à faire des essais pour le rôle et devient un choix évident. Elle propose une interprétation à fleur de peau et bouleversante. Elle a une puissance dans le regard, une manière de créer des silences éloquents et une modestie dans le mouvement qui apportent beaucoup au personnage.

Le travail fait sur l’atmosphère du film est particulièrement réussi. La musique composée par l’actrice mélange sonorité de l’époque et contemporaine qui permettent d’exprimer l'intériorité du personnage. La photographie évoque aussi la descente en enfer d’Agnès. Les premières séquences, celles du mariage, sont baignées dans une belle tonalité chaude. Cette lumière va progressivement se refroidir. Les couleurs vont doucement se désaturer. L’ensemble est complété par un travail sur les costumes astucieux et pourtant ardu car peu de documentations existent.

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Les cinéastes jouent à un jeu malin avec les attentes des spectateurs quant à l’implication d’éléments fantastiques. Rien que le titre du film semble annoncer une hypothétique histoire de possession alors que le film s’ancre dans une réalité sordide : la vague de suicides par procuration du 18e siècle. Un mal-être qui touche principalement les femmes et qui ne peut que faire écho au fort pourcentage de femmes en dépression actuellement. Des siècles nous séparent d’elles et pourtant le patriarcat a lui bien fait son nid dans le “bain du diable”, expression utilisée à l’époque pour évoquer les personnes souffrant de mélancolie, autrement dit de dépression.

The Devil’s Bath est, à jour, le film le plus abouti du duo Fiala et Franz : un slow burn douloureux, un film d’époque bien troussé et surtout, un récit de femme qui traverse les siècles. La découverte Anja Plasch promet, si elle le veut, une belle carrière d’actrice.


Éléonore Tain



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Il y a quelque chose de profondément séduisant dans l'idée que le tandem de cinéastes qu'incarne Veronika Franz et Severin Fiala, s'est toujours refusé à suivre le carcan d'une horreur moderne pour privilégier un effroi à l'ancienne, glaciale et viscérale, compagnon tout en malaise d'une plongée sans concession dans la psyché de personnages engoncés dans un profond désarroi intime et émotionnel.

Tant pis alors, si leur écriture ne faisait jusqu'ici, au fond, que de répéter la seule et même formule depuis Goodnight Mommy, tant la narration en elle-même n'a pas toujours fondamentalement de sens propre, l'important étant avant tout et surtout l'expérience, le vertige sensoriel que chaque séance intelligente, sombre et d'une anxiété déchirante, constitue.

Leur nouveau long-métrage, The Devil's Bath, pousse encore d'un cran leur penchant méthodique pour constituer des cauchemars éprouvants et obsédants (et ce dès son ouverture choquante, où une femme porte silencieusement son bébé en pleurs dans les bois, avant de le jeter par-dessus une cascade et de confesser son infanticide aux religieux de son village), elles qui s'attachent cette fois à une véracité historique rarement abordée sur grand écran, au travers des atermoiements d'une figure féminine une nouvelle fois acculée, poussée dans les bras douloureusement réconfortants du mal.

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Soit, dans l'Autriche du milieu de XVIIIe siècle, Agnes (une Anja Plaschg incroyablement magnétique, et également derrière le score entêtant du film), une jeune femme enthousiaste à l'idée de goûter aux joies du mariage avec Wolf, un futur époux qui va vite lui faire comprendre que la vie conjugale est loin d'être tranquille mais aussi et surtout satisfaisante (il ne lui montre que désintérêt et mépris profond), tout comme sa belle-mère acariâtre et sévère, qui dicte la moindre strate de son existence jusqu'à lui rabâcher sans cesse son absence de grossesse.

De plus en plus isolée, elle se tournera, en bonne catholique fervente, vers la religion avant de se laisser lentement mais sûrement emporter par des pensées méchamment radicales et une quête impure : échapper à la misère terrestre coûte que coûte, tout en obtenant l'absolution de l'église, qu'un suicide ne pourrait jamais lui donner...

Par cette figure tragique, véritable cocotte-minute qui voit en la mort le seul maigre réconfort d'une vie sans but (pas même spirituel tant le dogme religieux ne lui offrent que jugements et reproches), à la fois emprisonnée qu'elle est physiquement (par sa famille, sa condition), émotionnellement (un mariage sans désir), mentalement (sa mélancolie devenant vite une puissante dépression) et spirituellement (le christianisme, qui n'est qu'un contrôle impitoyable de plus sur sa destinée), Franz et Fiala dépeignent la froide cruauté du quotidien de nombreuses femmes de l'époque, frappées par l'oppression et le désespoir au point de pieusement espérer une sorte de « suicide par procuration », seul échappatoire, seul semblant d'autonomie, de résistance et de liberté dans une existence démunie de tout.

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D'un réalisme brut et authentique (embaumé dans la photographie merveilleusement austère de Martin Gschlacht), pointant la laideur sinistre d'une époque tout autant qu'il célèbre dans l'horreur des voix consciemment oubliées de l'histoire (à qui il donne des images à une souffrance longtemps passée sous silence), dans un écho troublant avec un présent où les doctrines religieuses et sociétales n'ont jamais cessé de perpétuer les stigmatisations d'hier; The Devil's Bath, pas si éloigné au fond du peu cité You won't be alone, ne se fait pas tant un cauchemar horrifique dont l'étrangeté transpire le genre, mais une inversion intelligente de ses caractéristiques pour embrasser les courbes d'un drame psychologique sur la souffrance de vivre.

L'humanité et ses dérives, ont toujours été plus effrayantes que le septième art.


Jonathan Chevrier






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