[ENTRETIEN] : Entretien avec Michiel Blanchart (La nuit se traîne)
Copyright 2024 - Mika Cotellon - DAYLIGHT INVEST – FORMOSA PRODUCTIONS – QUAD FAM – GAUMONT – FRANCE 3 CINEMA - A PRIVATE VIEW – RTL BELGIUM – VOO |
Après avoir été hautement
remarqué avec son court-métrage T’es morte, Hélène, Michiel
Blanchart passe enfin au format long avec La nuit se traîne,
thriller d’une maîtrise technique bluffante et qui devrait être sans souci un des
bijoux cinéma de cette rentrée. Nous avons eu la chance d’en discuter avec lui
pour mieux saisir les clés de ce film captant Bruxelles avec une énergie
prenante.
C’est vraiment le premier long-métrage que j’écrivais dans l’intention de le faire. J’avais toujours fantasmé que mon premier film se déroulerait en une seule nuit, où on suivrait mon personnage dans une seule ville. C’est vraiment de là qu’est né le premier germe d’idée. - Michiel Blanchart
D’où est venue l’idée de La nuit se traîne ?
C’était une vraie envie de cinéma
à la base, dans le sens où je suis fasciné par des films comme Collatéral, qui se passe en une seule nuit, ou Duel qui se passe en une seule journée. J’avais donc envie de faire un premier film
avec un concept assez fort, un concept de genre et un cadre assez précis pour
m’écrire aussi. C’est vraiment le premier long-métrage que j’écrivais dans
l’intention de le faire. J’avais toujours fantasmé que mon premier film se
déroulerait en une seule nuit, où on suivrait mon personnage dans une seule
ville. C’est vraiment de là qu’est né le premier germe d’idée. Avant de me
lancer dans un scénario, j’ai toujours besoin d’avoir à la fois une envie
intime et une envie de cinéma, d’avoir une arène, un contexte, un genre, et
avoir quelque chose de plus personnel à raconter, quelque chose qui me tient à
cœur, qui parle du monde dans lequel on vit. Là, il se trouve que, lorsque je
me mets à écrire, on est en 2020, en plein dans le mouvement BLM (Black Lives
Matter) et les questions de violences policières qui, depuis, n’ont fait que
prendre de plus en plus de place dans la discussion dans notre société et qui
reste un sujet très important à aborder, sur lequel j’avais envie un peu de me
positionner. Vraiment, la rencontre entre ce personnage, ce contexte et cette
idée de cinéma s’est vraiment cristallisée pour former un film que j’ai écrit,
bizarrement, assez vite.
Le contexte politique
sous-tendant ton film ne te faisait-il pas peur, d’autant plus dans le cadre
d’un titre « populaire » ?
Si, si, et j’ai toujours ces
inquiétudes, ce qui est normal. Je pense que c’est un film qui va engager de la
conversation et je pense de toute façon que ces conversations sont
intéressantes. Je pense que, moi-même, entre le moment où j’ai commencé le film
et aujourd’hui, j’ai un point de vue qui a peut-être évolué sur la question. En
tout cas, je ressentais un besoin important de faire ce film, de raconter cette
histoire. Je pense que toutes les discussions et les débats qui vont en
découler ne seront que positifs quelque part. Quand on voit un peu ce qui se
passe en ce moment, avec la montée de l’extrême-droite un peu partout en Europe,
je pense qu’en fait, il y a sans doute des choses qui pourront paraître
problématiques dans mon film mais je trouve que c’est trop important de
raconter cette histoire comme ça. Après, j’avais envie aussi de revendiquer une
certaine manière de faire du cinéma qui est d’oser faire des films ludiques
parlant de choses importantes. Pour moi, ce n’est pas antinomique. Je comprends
la gêne et que les spectateurs fassent un rejet d’avoir un film qu’on pourrait
qualifier de « fun », « ludique », qui s’amuse avec le
genre, avec des éléments de course-poursuite, et de parler de choses qui sont
des sujets sensibles, très importantes. Ces sujets sont importants pour moi
aussi mais j’ai une autre manière de les exprimer, c’est-à-dire que ma manière
de s’exprimer, c’est celle-ci. Je ne suis pas politicien, philosophe, écrivain,
journaliste, je suis cinéaste et j’ai une certaine forme de cinéma qui me
touche. Pour moi, le cinéma de genre est pour adresser les sujets de société et
pour les élever artistiquement d’une manière que seul le cinéma peut le faire.
Je préfère faire un film qui utilise la force évocatrice du cinéma qu’un film à
charge qui viendrait avec un message en avant-plan. J’avais envie de faire un
vrai film d’aventure, d’action, aussi de proposer un personnage moderne, qui
représente notre époque et qu’on n’a pas assez vu au cinéma, surtout en Europe,
en Belgique. Ce n’est pas parce que mon personnage principal est noir et qu’il
traverse un contexte réel qui est dur, difficile, injuste, que je dois rentrer
dans la case du film social belge, qui a d’ailleurs tout à fait sa place, que
j’admire, que je respecte et que j’aime beaucoup. Mais j’avais envie de faire
un vrai film sur un héros qu’on ne voit pas beaucoup dans notre cinéma en
Belgique et d’assumer le côté ludique, d’assumer que c’est un film divertissant
de cinéma et qui va indirectement toucher le spectateur.
L’image est très granuleuse.
Est-ce que tu as utilisé de la pellicule ?
Ça a été filmé entièrement en
numérique. On aurait beaucoup aimé tourner en pellicule évidemment mais,
au-delà de la question budgétaire qui est réelle, surtout en post-production
car c’est beaucoup d’étapes en plus pour les effets spéciaux et toute la chaîne
de post-production avec beaucoup de coûts supplémentaires, on était dans un
tournage de nuit, où il nous fallait une caméra sensible dans une position pas
toujours évidente, où il fallait être actif, où il fallait tourner avec des
caméras différentes pour certaines mises en place. Il y a des plans filmés avec
des drones, des endroits où on ne pouvait pas filmer avec des grosses caméras.
On savait aussi qu’on aurait peu de temps pour tourner et qu’on n’aurait pas le
luxe de faire des répétitions exhaustives comme souvent la pellicule le
demande. On savait qu’on allait devoir tourner beaucoup, vite, dans des
conditions compliquées. Je suis un jeune réalisateur d’une génération
numérique. La pellicule me fascine et j’aimerais tourner avec mais cela me
paraît aussi un gimmick, un luxe qui ne me semblait pas pertinent avec l’époque
dans laquelle on fait du cinéma et avec les difficultés à faire ce film. Mais
par contre, on a essayé de retravailler l’image pour faire honneur au cinéma
qu’on aime, qui a une vraie qualité de cinéma, une texture et qui rajoute un
côté un peu râpeux, organique, qui amenait ce côté dur. On ne voulait pas ce
côté lisse, trop gentil on va dire, du numérique. On voulait qu’il y ait une
texture impactante et viscérale.
Ça reste complémentaire
effectivement avec la façon dont vous utilisez les drones dans le film. Le plan-titre
est d’ailleurs assez évocateur à ce niveau. D’où est venue cette idée ?
Pour être tout à fait honnête, le
plan en question a toujours été prévu. C’était d’ailleurs un plan compliqué car
il nécessite des demandes d’autorisations. C’est quand même un drone qui
démarre à un mètre du sol pour finir à 250 mètres dans les airs au-dessus des
immeubles dans un quartier très précis, avec le coucher du soleil, près du parc
botanique. C’est tout un plan qu’on a repéré, qu’on a prévisualisé en 3D grâce
à une nouvelle fonctionnalité de Google Maps qui permet d’animer des caméras en
3D. Je m’égare ! (rires) C’était beaucoup de prépa mais ce n’était pas
prévu pour être le plan-titre à la base, ni pour se retourner. On avait toute
une séquence beaucoup plus longue de générique où le personnage tourne dans la
ville. Il y avait d’ailleurs une séquence où il se garait dans une ruelle, il
s’endormait et se fait contrôler par une voiture de flics qui passait par là.
On avait fait un gros travail de montage pour resserrer le début du film, pour
arriver plus vite dans le vif du sujet. Le plan-titre qui avait été prévu a
disparu, comme toute la séquence générique, et il ne nous restait que ce
plan-là que j’ai essayé de retourner en post-production en incrustant le titre
dedans. Tout le monde était assez emballé par cette idée parce que, du coup,
au-lieu que d’avoir cette longue intro qui nous mettait dans l’atmosphère et
les tensions de la ville, qui amenait ce côté à la fois portrait d’une ville
avec un côté film de genre, on avait l’impression avec ce plan-là de tout
raconter, de dévoiler l’arène qu’est la ville de Bruxelles avec ce petit twist
de la caméra qui se retourne, qui annonçait déjà que le monde de Mady allait
être complètement retourné et qui donnait la petite pointe de film de genre qui
mettait tout en place dès le début.
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Une scène qui peut sembler
anodine mais qui me paraît importante, c’est cette séquence dans l’appartement
de Romain Duris. Sans tomber dans une forme d’humanisation excusant ses
actions, ce moment l’installe dans un quotidien, un réel.
J’aime beaucoup travailler dans
le contraste. J’avais envie de tout à fait assumer que ce soit un film de genre
ludique et divertissant dans la mise en scène, l’image et le travail du son.
C’est un thriller et un film d’action, de manière tout à fait assumée. Par
contre, il ne fallait pas que les personnages soient conscients de ça. Ils ne
jouent pas comme s’ils étaient dans un film de genre, dans un thriller. Ce sont
des êtres humains dans lesquels on doit croire. Justement, les films d’action
que je préfère, ce sont ceux où est touchés par les personnages, on prend leurs
enjeux et ils ne roulent pas des mécaniques, tout n’est pas facile pour eux. On
doit être fatigués et stressés avec eux, on doit sentir que chaque scène
d’action raconte quelque chose. Typiquement, pour le rôle de Romain Duris, je
voulais éviter les clichés du grand mafieux albanais avec des cicatrices, une tête
qui fait peur et une grosse voix, qui ne sort que des punchlines. Je trouve
qu’il n’y a rien de plus intimidant que quelqu’un qui n’a pas besoin de faire
peur. C’est le contexte autour, la mise en scène et c’est le calme du
personnage qui va nous faire frémir d’autant plus. C’est marrant parce que j’ai
revu une scène récemment de « Looper » avec Jeff Daniels qui est le
gars le moins intimidant du monde. Il le joue très simplement, avec une espèce
de bonhommie qui n’est pas exagérée non plus, sauf qu’on sait tout le pouvoir
et le contexte autour. Ce genre de méchant normal m’intéresse. C’est de là que
venait l’idée de Romain Duris. Je voulais un méchant en col blanc qui est juste
un business man, qui ne cherche pas les emmerdes ni à tuer. Il le dit
d’ailleurs : il n’aime pas les cadavres car il faut s’en débarrasser. Il
ne veut pas les prises de tête, il veut juste faire son business, qui se trouve
être illégal. Ce n’est d’ailleurs jamais dit dans le film car je voulais que ce
soit très subjectif et qu’on est au courant que par ce que sait Mady donc on ne
sait pas vraiment dans quoi il est. Je sais exactement ce qu’il fait mais le
spectateur et Mady ne le savent pas. C’est une longue réponse, pardon !
(rires)
Il n’y a pas de soucis, c’est
passionnant !
L’idée était donc de choisir
quelqu’un qu’on n’a pas beaucoup vu dans ce rôle de grand méchant. On aurait pu
prendre un Niels Arestrup qui aurait été génial mais qui aurait été peut-être
plus attendu. Avec Duris, je voulais quelqu’un qu’on a vu comme le parfait
gendre, le héros romantique, qui est utilisé à contre-emploi. Cette scène-là
est une des très rares sans Mady et la seule où on est dans l’intimité de Yannick.
Je voulais très simplement l’humaniser par un détail. Je me suis demandé ce qui
serait plus contrastant avec un gars qui tue des gens en les étouffant dans du
scotch avant qu’on ne se rende compte que c’est un père de famille. On comprend
mieux aussi ses enjeux, ce qu’il a à perdre, ce qu’il veut protéger et on le
voit dans un moment de tendresse assez banal aussi, qui n’est pas surligné.
Un autre point que je trouve
intéressant dans ta mise en scène est la lisibilité de l’action, comme avec la
spatialisation de la maison close. Le plan où Mady est trimballé de pièce en
pièce amène une meilleure découverte des lieux. Comment as-tu travaillé cet
aspect ?
Cela fait plaisir que ce soit
relevé car c’est le genre de mise en scène qui me passionne, qui me fascine,
surtout dans du thriller, de l’action. Ici, c’est pour moi important de
comprendre à tout moment où est chaque personnage, en tout cas de comprendre
les lieux autant que le personnage principal. C’est ça qui va rajouter de la
tension. Si on sait que l’autre est au bout du couloir et qu’il n’y a que 10
mètres à faire avant d’arriver à telle porte, si on comprend le contexte et que
la géographie est claire, on aura beaucoup plus de plaisir à profiter de la
scène d’action qui suit derrière. Quand ce n’est pas le cas, que la caméra
tremble trop, que le montage va trop vite, on est perdus. On pourrait croire
que c’est viscéral mais c’est en fait l’inverse de ça. Ça n’a plus rien de
viscéral car on ne ressent plus rien, on ne comprend plus et, du coup, on n’est
plus en empathie avec les personnages parce qu’on ne comprend pas les choix
qu’ils font, les dilemmes qu’ils ont face à eux, et c’est là que j’avais envie
que chaque scène d’action raconte quelque chose du personnage. Il est soit face
à des choix moraux, soit face à des choix plus pragmatiques, et il faut
comprendre ces enjeux avec lui sinon, très vite, on s’ennuie très rapidement.
Globalement, c’est pour ça que j’aime le cinéma de genre : il ne laisse
aucune place à la mauvaise mise en scène vu que c’est ça qui raconte
l’histoire. En l’occurrence, dans la maison close, je savais que ça allait être
quelque chose un peu foutraque avec beaucoup de choses, beaucoup d’éléments. Du
coup, j’avais effectivement envie de commencer par un long plan qui
cartographie l’endroit. D’ailleurs, le décor est un petit peu triché, ça nous
aide à faire passer beaucoup de choses par la suite de dévoiler le décor comme
ça. C’était donc ça l’idée : commencer en introduisant un long
plan-séquence qui permet de mieux dévoiler les lieux, montrer où se trouvent
les choses, quelle est la relation d’une pièce à l’autre. Et une fois que les
choses sont bien mises en place et qu’on entre plus dans le jeu de chat et
souris entre Théo et Mady, on s’y retrouve plus et on se sent plus en tension.
Cela rappelle la façon dont Fede
Alvarez représente les lieux dans son « Don’t Breath » et c’est drôle
aussi car de nombreux réalisateurs semblent désormais utiliser le plan-séquence
comme un cache misère mais dans cette scène, il y a du sens.
C’est ça qui est très
important : il y a d’office un côté tape à l’œil dans le plan-séquence,
c’est un plaisir de mise en scène. Ça peut parfois un peu trop attirer
l’attention et il faut, comme tu dis, que chaque mouvement, chaque mise en
place soit motivé. On suit une action, un regard, une intention, et le début
ainsi que la fin du plan sont les points les plus importants. Si on fait un
plan-séquence, c’est pour qu’il arrive, qu’il soit interrompu par quelque
chose. Ici, dans la maison close, tout va bien, on traverse les lieux, on
cherche avec eux un personnage, et d’un coup, cette recherche va être
interrompue par un autre personnage qui va entamer une bagarre et là, le
montage est rompu et on passe dans quelque chose de beaucoup plus frénétique,
qui j’espère reste lisible et limpide.
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C’est ton premier long-métrage.
Quelle est LA leçon que tu as apprise durant la conception du film ?
C’est dur à dire (réfléchit).
J’ai l’impression qu’on apprend à chaque fois. J’ai fait des courts-métrages
donc j’ai appris à chaque fois. Je dirais à quel point c’est dur de faire un
long-métrage car tous mes courts-métrages se sont « bien passés »
donc je me disais que ce serait la même chose, juste 8 à 10 fois plus long,
donc que ce sera surtout plus fatigant. Mais c’est tellement plus que ça !
Une grosse partie de la préparation se fait alors que le tournage a déjà
commencé donc il faut vraiment savoir se démultiplier, avoir l’esprit sur
plusieurs choses à la fois, anticiper tous les problèmes, non pas du lendemain
mais du surlendemain, de la semaine prochaine, dans 3 semaines, … J’ai appris à
quel point c’était difficile et à quel point il faut être clairvoyant sur plein
de choses. Ce que je dirais que j’ai appris plus que jamais et qui est le cas
sur chaque tournage mais là plus particulièrement, c’est qu’il faut savoir
lâcher prise de ce qu’on a prévu rapidement. Plus longtemps on s’attache à
quelque chose qui ne fonctionne pas, soit parce qu’il y a un imprévu comme un
changement de décor, un effet spécial qui ne marche pas, il y avait beaucoup
plus de plans-séquences prévus que ce qu’on a dans le film, il faut vite lâcher
l’affaire et trouver la meilleure solution pour raconter ce qu’on veut
rapidement car tout le temps qu’on perd à s’acharner à faire fonctionner une
idée, on le paie plus tard, au montage ou même sur le reste de la journée car
on a pris du retard. Je le savais déjà et c’est l’avantage quand on est bien
préparés : on est plus réactifs, on peut plus facilement trouver de
nouvelles idées car tout est là, on n’est pas en train de se battre avec les
imprévus car on ne savait pas ce qu’on voulait faire. Au moins, tout le monde
sait ce qu’on veut et on a une idée de la direction. Voilà, je dirais qu’il
faut lâcher prise et vivre avec la réalité du moment présent.
Quel est ton regard sur le cinéma de genre
francophone ? Il semble qu’il y ait plus de propositions qui parviennent à
trouver leur public ces derniers temps.
Tout à fait et ça fait plaisir
parce que le cinéma de genre, dans l’histoire francophone, a eu une place
importante dès le début. Là, de voir qu’on lui redonne ses lettres de noblesse,
ça fait plaisir. Ce qui me fait un peu peur, c’est que j’ai l’impression qu’il
y a une espèce de scission qui se fait, mais qui est très européenne, entre
cinéma d’auteur et cinéma de genre. J’ai l’impression que pour être un film de
genre qui soit pris au sérieux, il faut qu’il aille contre le public, que ce
soit un film de festival très original, très osé, et qui peut être très
bien ! Je ne veux pas faire de jugement de valeur mais j’ai envie qu’on
mette tout à la même valeur. Pour moi, déjà un film d’auteur, c’est devenu un
genre alors que ça ne devrait pas, ça ne veut plus rien dire. Tous les films
sont faits par des auteurs, d’autant plus en Europe, en Belgique et en France.
Je n’aime pas trop en fait le terme film d’auteur qui est devenu un genre, un
style de film qui se voudrait social, naturaliste ou très atypique. Et je
trouve dommage qu’il y ait une différence avec le « film de genre
d’auteur » qui, encore une fois, peut être très bien. J’aime beaucoup les
films de Julia Ducournau, je trouve ça très bien qu’elle ait gagné la Palme
d’or. Après, c’est dommage qu’il y ait le film de genre « grand
public » qui va être un peu dénigré et le film de genre qu’on veut bien
mettre dans la case « film d’auteur ». J’aimerais bien qu’il y ait
une prise au sérieux de tout ça et qu’on encourage plus des films de genre
grand public qui assument ce qu’ils sont, qui ne sont pas gênés d’être des
thrillers, des films d’horreur, des western, tout ce qu’on peut mettre dans ce
fourre-tout qui est « film de genre », qui, pareil, est un terme qui
ne veut pas dire grand-chose. C’est un terme qu’on n’utilise pas du tout aux
États-Unis. Je m’égare un peu dans ce vaste débat ! (rires) Mais je suis
content que ce soit remis en avant, que ça revienne un peu en force. J’ai un
peu peur de cette espèce de scission, j’ai l’impression que c’est un truc un peu
« à part ». Il y a des aides maintenant pour le film de genre mais le
fait qu’il y ait des aides pour ces films-là, c’est parce qu’il ne sont
toujours pas considérés comme des films « normaux ». J’aimerais bien
que tout ça devienne un joyeux mélange, qu’on puisse faire des films grand
public mais qui sont intelligents, qui utilisent le genre et que tout soit sur
le même pied d’égalité.
Y a-t-il une question que tu aurais aimé entendre
durant cette interview ou une scène sur laquelle tu as envie de revenir ?
Tu as posé des bonnes questions
donc c’est dur ! (rires) Ce que j’ai envie de mettre en avant, c’est ce
personnage principal. Pour moi, tout le film se tient sur le personnage de Mady.
Il n’y a pas de scène spécifique dont j’ai envie de parler mais ce que j’ai
envie de souligner, c’est que la force du film pour moi, enfin je l’espère,
c’est d’être un vrai film, une vraie aventure ludique et divertissante mais où
on est ému par ce personnage principal qui, dans un monde profondément injuste,
va se trouver la force de faire ce qui lui semble être juste et qui va devoir
en subir les conséquences mais aussi se révéler à travers ce film. Pour moi, ce
film, c’est presque un film de super-héros, c’est presque l’origin story de
Mady.
Merci à Valérie Depreeuw de
Lumière pour cet entretien.