[CRITIQUE] : Dreaming Walls
Réalisatrice•teur : Maya Duverdier et Joe Rohanne
Acteurs : -
Distributeur : Les Alchimistes
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Belge, Français, Américain, Suédois.
Durée : 1h20min.
Synopsis :
Le Chelsea Hotel, temple de l’art et repère de la contre-culture à New York depuis plus d’un siècle, se transforme en hôtel de luxe. Coincés entre un passé mythique et un futur incertain, ses derniers résidents tentent de se réinventer, malgré le chaos du chantier.
Critique :
#DreamingWalls où un hommage triste et lumineux au Chelsea Hotel, relique victorienne du vieux monde, un témoignage de la décrépitude bohème d'un lieu irrationnel, déraisonnable et fantastique où les fantômes hantent les couloirs autant que les souvenirs de ceux qui restent. pic.twitter.com/Pka0XslO0g
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) August 29, 2024
Le Chelsea Hotel a longtemps incarné un lieu incontournable de la contre-culture américaine - majoritaire des années 50 à 80 -, refuge pour une pléthore d'écrivains, de musiciens ou encore de cinéastes de renom comme des personnes plus démunis (un détail loin d'être anodin, qui n'est, évidemment, plus véritablement d'actualité avec les récents propriétaires de l'établissement), un temple de l'art mais aussi et surtout le symbole même d'une ville de New York propice à la création.
Mais point d'énumeration d'anecdotes faciles - tout du moins pas directement -, au coeur du documentaire Dreaming Walls de Maya Duverdier et Joe Rohanne, qui se fait bien plus une douce célébration de son passé mythique à une heure charnière, celle d'une lente et implacable rénovation où la poésie d'hier, vivant à travers tous les murs transpirant de souvenirs, se mêle douloureusement au chaos d'aujourd'hui, où les habitants/résistants se voient gentiment bousculés, menacés d'être délogés par un capitalisme rampant et aveugle, par de nouveaux propriétaires n'ayant nullement honte à fracturer de toute part un véritable mythe de briques et de fantaisie(s).
Clin d'Œil Films/LES ALCHIMISTES |
C'est dans un élan profondément artistique, fort d'une esthétique jouant, embrassant l'inventivité de ceux qu'ils filment autant que leurs histoires (de véritables personnalités à la fois emportés par l'art que témoins essentiels de toute une époque, des éclairs de vie et de réflexions qui se font de magnifiques poumons pour la vision des cinéastes), que le documentaire lui-même s'affirme comme une véritable œuvre d'art, témoignage de la décrépitude bohème d'un lieu irrationnel, déraisonnable et fantastique, où les fantômes errent dans les couloirs labyrinthiques et les souvenirs de ceux qui restent.
Point besoin de pointer explicitement des sujets que les images elles-mêmes capturent (la lutte des classes, la gentrification qui efface toute vie/histoire urbaine, toute essence de l'historicité d'un bâtiment mythique un temps en parfaite harmonie avec son cadre), le paso double entre passé et présent, une synecdoque par la synesthésie, opérée par les deux auteurs est suffisamment claire et limpide : si les murs peuvent parler et vivre, la cupidité de l'homme les abats.
Le Chelsea Hotel ou la relique victorienne d'un vieux New York (monde ?), le fossile onirique d'un monde qui avance trop vite, une institution des souvenirs perdus désormais pleinement gravé dans le marbre de la pellicule moderne, à travers un hommage à la fois triste et paisible.
Jonathan Chevrier