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[CRITIQUE] : The Crow


Réalisateur : Rupert Sanders
Acteurs : Bill Skarsgård, FKA Twigs, Danny Huston, Sami Bouajila, Laura Birn,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Action, Policier, Fantastique, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h51min

Synopsis :
Eric et sa fiancée Shelly sont sauvagement assassinés par un gang de criminels. Mais une force mystérieuse ramène Eric d'entre les morts, qui, doté de pouvoirs surnaturels, entreprend de se venger pour sauver son véritable amour.



Critique :


The Crow (2024) est une nouvelle adaptation de la série de comics créée par James O’ Barn dont la première itération est devenue culte en partie pour des raisons assez sombres. Le film de 1994 réalisé par Alex Proyas fait une proposition esthétique forte : un montage rapide et saccadé, une image floue et sombre et surtout un personnage qui est la représentation parfaite du romantisme noir. Tous ces éléments ont fait de ce film l’oeuvre de chevet de toute une génération d’adolescents. Ce film possède une aura toute particulière car il fut le dernier de l’acteur principal, Brandon Lee, mort accidentellement lors du tournage. The Crow (1994) porte un héritage particulier et la question de la pertinence d’un remake en 2024 peut se poser ? 

En réalité, le projet est entré en développement en 2008 soit très peu de temps après l’opus de 2005, The Crow : wicked prayer. Le premier réalisateur pressenti est  Stephen Norrington à qui l’on doit Blade (1998) avec déjà l’idée d’en faire un reboot et non une suite. Cette nouvelle adaptation de The Crow reste dans les limbes, plusieurs noms d’acteurs circulent pour reprendre le rôle d’Eric dont Bradley Cooper, Luke Evans, Jack Huston et Jason Momoa mais ce sera finalement Bill Skarsgård qui récupérera le rôle et ajoutera une bille supplémentaire à sa collection de remake de rôle emblématique après le clown de Ça.  À la réalisation, nous retrouvons Rupert Sanders, le réalisateur de Ghost in the Shell (2017) et Blanche-Neige et le Chasseur (2012).

Copyright Metropolitan FilmExport

Que vaut cette nouvelle adaptation du vengeur noir ? Rupert Sanders a choisi le parti pris de proposer une mise en scène bien moins radicale. Plus de montage saccadé et d'images floues. La première partie du film qui suit la romance de nos deux jeunes torturés flirte bien plus avec le film indépendant Sundance ou la pub de parfum léchée qu’avec la romance gothique. L’ensemble est très agréable à regarder et le duo d’acteur, Bill Skarsgård et FKA Twigs, plutôt charismatique. Il aurait même été assez agréable de limiter le film à cette romance un peu superficielle mais plutôt bien shootée.

Les problèmes arrivent avec l'introduction du fantastique. Si la version de 1994 avait quelque chose de plutôt nihiliste et assez expérimental, celle de 2024 est bien trop programmatique et facile. L’idée de teinter le récit avec des éléments “Eat the richs” n'est pas foncièrement mauvaise mais semble un peu superfétatoire. Dans la rôle du grand méchant, Danny Huston est sans surprise plutôt convaincant mais son talent ne suffit pas à rattraper une fin un peu médiocre trop éloignée de la noirceur totale du premier film malgré de nombreuses séquences assez gores pas trop mauvaises. 

The Crow (2024) est un film relativement plaisant si l’on est pas trop regardant principalement grâce au charisme de son trio d’acteurs et actrice. La romance de la première partie est assez agréable à suivre. Dommage que le cœur du film, le récit de vengeance, soit un peu tiède. Il n’en reste pas moins que le personnage du corbeau symbole d’un romantisme noir très adolescent devrait continuer à parler à une nouvelle génération.


Éléonore Tain



Copyright Metropolitan FilmExport

Tout n'est qu'une question de tragédie avec The Crow, une oeuvre frappée par les sceaux du drame et de la mort et ce dès ses prémisses.
C'est parce qu'il est la victime d'un fait divers terrible (sa fiancée meurt de la main d'un chauffard ivre), que James O'Barr, privé d'une vengeance personnelle (le chauffard sera mort avant qu'il ne puisse exercer sa vision personnelle de la loi du Talion), a recraché toute sa peine et toute sa rage dans le dessin et, plus directement (bien aidé par un autre fait divers, celui de l'assassinat d'un jeune couple suite au vol d'une bague de fiançailles à... vingt dollars), dans les ébauches cathartiques d'une histoire qui deviendra au fil des coups de crayons, l'épopée vengeresse d'Eric Draven.


Un rockeur au grand coeur tué la nuit d'halloween et qui, aidé par un corbeau, reviendra d'entre les morts pour venger son meurtre et celui de sa fiancée.
Et c'est aussi, surtout, parce que son adaptation sur grand écran fut endeuillée par la mort accidentelle du regretté Brandon Lee, huit jours avant la fin des prises de vues (dans un écho douloureux avec le propre destin brisé de son paternel), que le film d'Alex Proyas s'est vu involontairement auréolé d'une aura aussi mystique que bouleversante et... culte.

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Un véritable oiseau de malheur (on pense aussi à un cascadeur brûlé suite à un choc électrique...) qu'il serait injuste d'uniquement réduire à ses maux insondables, tant le premier film (et non ses suites malades qui sont, au mieux, de pâles copycats), est une fable gothique et romantique d'une beauté sans nom, totalement vampirisée par l'ombre imposante d'un Brandon Lee habité et qui s'offrait, tragiquement, le plus beau rôle de sa jeune carrière, laissant exploser toutes les nuances et l'émotion d'une palette de jeu qui ne demandait que le bon rôle pour s'exprimer.

Parvenant sans peine à captiver son auditoire en le catapultant au coeur d'une tragédie grecque palpable, épousant la brutalité baroque d'une société contemporaine qui trouve dans la violence aveugle et brutale, son seul moyen d'expression (dans une sorte de Détroit/Chicago dystopique mais pas si irréel que cela... aussi effrayant que cela puisse paraître), The Crow dépeignait un monde extérieur étouffant en pleine désolation, ou même la chaleur du cocon familial, seul lieu de sécurité et de bonheur, peut se voir souiller par la perversion extérieur.

Jouant constamment sur l'effet troublant d'images littéralement transportées du comicbook, telles des vignettes iconiques prenant vie dans un univers à la minutie incroyable - et une fidélité louable au matériau d'origine -, alliées à la perfection aux aptitudes clipesques de son metteur en scène (son plus beau film, derrière le chef-d'oeuvre Dark City), le film aurait même mérité d'assumer entièrement son parti-pris graphique (en filmant carrément le film en noir et blanc, même si cela aurait totalement saccagé son potentiel commercial), ne serait-ce que pour en amplifier sa puissance et le travail fantastique de Dariusz Wolski (qui fait des merveilles malgré une ambiance majoritairement nocturne et pluvieuse), et l'épopée vengeresse d'un héros romantique et torturé, qui n'use de sa barbarie que dans le souci d'une vengeance jamais gratuite - et dont les explosions ne font qu'exacerber la tragédie.

Qu'attendre alors d'un hypothétique remake vingt ans après, appelé à échouer (lamentablement ou non, telle était la vraie question) à l'endroit même où toutes les suites se sont vautrées, symbolique d'une production tellement chaotique qu'elle en deviendrait presque risible, si elle n'était pas embaumé par le cynisme putassier d'une Hollywood la putain décidée à poncer jusqu'à l'os toute franchise un tant soit peu populaire.

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Accouché dans la douleur et quasiment mort-né dans un profond déni, la nouvelle adaptation/ré-imagination/tâcheron de l'œuvre d'O'Barr par un Rupert Sanders qui a au moins le bon ton de s'émanciper du style de Proyas (à la différence de tous les cinéastes de la saga), embrasse la caricature jusqu'à l'overdose, proto-clip métal dark edgy aux saillies sanglantes tout en numérique, tout en se mettant en tête de bousculer la trame d'origine, en donnant plus de consistance non pas à la vengeance sourde d'Eric (dont la quête est ici pimpée par la possibilité de sauver son amour), mais à Shelly et à leur relation - les traumatismes des âmes sur le retour n'étant auparavant, abordé furtivement qu'en flash-back.

Louable sur le papier, cette relecture 2.0 sauce guimauve et saccharose n'apporte finalement qu'un supplément de niaiserie superflu à une déclinaison au popotin continuellement coincée entre la romance fade et Twilight-esque à la noirceur édulcorée par une innocence risible, et le revenge movie super-héroïque où un proto-Punisher tatoué et à corbeau, liquide son méchant prochain sans réellement ressentir le poids écrasant du deuil.
Un affront qui se perpétue jusque dans l'esthétique morose, expurgé de toute l'aura gothique de son aîné (et qu'avait su perpétué Tim Pope pour La Cité des Anges), sorte de cocktail faisandé entre un DTV de luxe du " Saumon Agile " Steven Seagal shooté en Bulgarie, et un ersatz du Hells Kitchen du Daredevil de Mark Steven Johnson (ambiance).

On n'en attendait absolument rien et pourtant, comme souvent, on trouve le moyen d'être déçu.


Jonathan Chevrier





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