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[CRITIQUE] : Sons


Réalisateur : Gustav Möller
Acteurs : Sidse Babett Knudsen, Sebastian Bull SarningDar SalimMarina Bouras,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Danois, Suédois.
Durée : 1h40min.

Synopsis :
Eva, gardienne de prison exemplaire, fait face à un véritable dilemme lorsqu'un jeune homme de son passé est transféré dans l’établissement pénitentiaire où elle travaille. Sans dévoiler son secret, Eva sollicite sa mutation dans l'unité du jeune homme, réputée comme la plus violente de la prison.



Critique :



Questions à un million de dollars.
Que feriez-vous si le hasard de la vie et de votre profession, plaçait entre vos mains et votre pouvoir, la personne dont vous souhaitez ardemment vous venger ?
Où mieux, allons plus en profondeur, comment vous comporteriez-vous si la personne qui a consciemment ruiné votre vie, se trouvait en votre entière puissance, littéralement à votre merci ?

Copyright Les Films du Losange

Six ans après le coup de poing The Guilty, remaké à l'arrache de l'autre côté de l'atlantique par le tandem Antoine Fuqua/Netflix, Gustav Möller, qui s'est fait méchamment attendre, pose se dilemme éthique et morale au coeur même de son nouvel effort, Sons (dont on préférera peut-être le titre original, Vogter, littéralement gardienne en danois),  qui se revendique autant comme un thriller carcéral qu'un puissant drame psychologique sur les notions de vengeance et de rédemption, flanqué entre les quatre murs bétonnés et froids d'une prison danoise.

La « gardienne » du titre original, c'est Eva, une matonne bienveillante et au cœur au bon endroit, qui essaie d'entretenir de bonnes relations avec ses détenus, tant elle a pleinement conscience du calvaire de leur condition.
D'une certaine façon, elle agit presque comme une mère avec eux, une figure tout autant d'autorité que pédagogique, une femme qui surveille aussi bien qu'elle éduque, qui écoute comme elle conseille, qui peut se montrer tendre dans la manière de les aborder (la manière de les réveiller, ses cours de méditation), comme dans sa façon de les préparer, si possible, à une possible réinsertion dans la société une fois dehors.
La violence est partout, mais pas forcément en elle.

Copyright Les Films du Losange

Du moins, c'est ce que laissait entendre la narration jusqu'à l'arrivée dans l'équation de Mikkel, détenu impulsif avec qui elle est intimement lié et qui va réveiller en elle une facette totalement insoupçonnée, elle dont l'obsession, claire et implacable (elle va mentir à ses supérieurs pour se faire transférer dans son bloc, le plus violent de la prison), va peu à peu dévoiler sa vérité au fil d'une intrigue de plus en plus anxiogène.
Point de dynamique mère-fils entre les deux, tant Eva commence à se comporter de manière insidieusement violente avec lui, augmentant progressivement le degré de son tourment jusqu'au point de non-retour, où elle va perdre le contrôle et compromettre son statut comme la vie même du gamin...

Tout du long, Möller et sa caméra restent vissés sur l'odyssée émotionnelle instable et tout en incertitudes de cette femme (elle est le corps, le cadre et le point de vue du long-métrage) dont nous ne connaissons finalement pas grand chose, et encore moins au-delà des murs de la prison (puisqu'il n'y a, au fond, plus rien pour elle à l'extérieur, elle n'est in fine pas si différente des détenus qu'elle doit surveiller), magistralement incarnée par le jeu tout en nuances de la merveilleuse Sidse Babett Knudsen (capable de passer de la douceur maternelle à une fureur sourde et incontrôlable en une fraction de secondes), une proie qui se mue en prédateur dans une inversion des rôles qui peut se montrer il est vrai peut-être un poil mécanique et répétitive sur la durée.

Copyright Les Films du Losange

Jeu du chat et de la souris troublant et dérangeant, entre une femme méthodique et sadique (elle veut administrer une douleur lente et implacable) et un bourreau qui se fait victime entre les barreaux, Sons se fait tout autant un revenge movie percutant qu'un thriller carcéral viscéral et au féminin, sur les notions de pouvoir et de traumatisme intime, suspendant toute idée ou presque de moralité dans les couloirs sans soleil d'une prison de haute sécurité, où la colère et la rage sont partout et menacent d'exploser à tout moment.

Moins diaboliquement méticuleux et ravageur que le petit miracle The Guilty donc, mais quand-même une sacrée expérience qui prend aux tripes.


Jonathan Chevrier