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[CRITIQUE] : Longlegs


Réalisateur : Oz Perkins
Acteurs : Maika Monroe, Nicolas Cage, Blair Underwood, Alicia Witt, Michelle Choi-Lee, Kiernan Shipka,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h41min.

Synopsis :
L'agent du FBI Lee Harker, une nouvelle recrue talentueuse, est affectée sur le cas irrésolu d'un tueur en série insaisissable. L’enquête, aux frontières de l’occulte, se complexifie encore lorsqu’elle se découvre un lien personnel avec le tueur impitoyable qu’elle doit arrêter avant qu'il ne prenne les vies d’autres familles innocentes.



Critique :



Dernier poulain en date de la société Neon qui compte dans son écurie Immaculate, Infinity Pool ou encore Assassination Nation, Longlegs semble être un gentil pied de nez à sa rivale direct A24. Les deux sociétés partagent un certain sens de la prise de risque, un goût pour une esthétique très léchée et ont toutes deux contribuées à la construction du concept d’elevated horror, terme assez contesté dans la communauté. Même si A24 est bien plus associée à cette idée dans l’imaginaire commun. En effet cette dernière a distribué et parfois produit plusieurs des grands noms associés au genre (Ari Aster, Robert Eggers ou Alex Garland, entre autres). Neon semble profiter de léger embourbement d’A24 dont les productions toujours parfaitement qualitatives oublient parfois de prendre assez de risques et sont alourdies par leur prix, laissant une place de choix à Neon qui propose un “ elevated horror ” qui parait alors bien plus jeune et accessible.

Copyright Neon

Longlegs est un étrange patchwork de plusieurs tics du genre : changement de ratio, chapitrage, esthétisation, lenteur du rythme et une certaine insistance sur l’aspect politique et social. Le tout sans vraiment dire s’il est un hommage ou une critique de ce style qui commence doucement à devenir éculé. Cette ambiguïté dans le ton est à la fois une force et une faiblesse. Se moquer de l’elevated horror est maintenant devenu un cliché. Pour éviter de tomber dans cette facilité, Longlegs a un sens du premier degré désarmant malgré l’aspect méta de la composition qui flirte plus avec l’hommage que la moquerie. 

L’ambiguité de Longlegs sur son propos secoue aussi par l’intégration de trames narratives tirés de certains grands monuments horrifiques : la jeune et brillante recrue du FBI ne peut que rappeler la Clarice du Silence des agneaux, le langage codé du tueur en série celui du Zodiac, la mère folle et bigote celle de Carie et des poupées maléfiques enveux-tu en voilà. Même le choix du casting va dans le sens d’un mélange de référence méta dépassant simplement la réflexion sur l’elevated horror car il rassemble un casting de symboles de différents périodes du genre horrifique. Maika Monroe, figure de proue de l’elevated horror indé depuis It Follow, Kiernan Shipka, enfant star à la sauce gen Z qui a pris les traits de la jeune sorcière dans Les nouvelles aventures de Sabrina, Alicia Witt, personnage principale d’Urban Legend mais également pouliche de l’écurie David Lynch sans oublier le monument Nicolas Cage, symbole à lui tout seul d’un cinéma de genre loufoque et décomplexé. Longlegs est un canevas de références au genre horrifique qui se cache derrière une apparence sérieuse : un film camp neurasthénique 

Le film est un nœud de rupture de tons qui ne s'embarrasse pas d’un scénario cohérent. La première scène particulièrement réussie et éprouvante nous présente un tueur en série aussi terrifiant que énigmatique. Le film respectera cette idée lors de son premier tiers mais finira par abandonner l’idée d’être terrifiant pour devenir une bouffonnerie loufoque comme Nicolas Cgae en a le secret. D’un monstre hors cadre, Longlegs deviendra un mélange mi-redneck passé à la javel, mi-frère Bogdanoff au visage tuméfié. Il fascine mais fait retomber toute la tension de la première partie du film.

Copyright Neon

Osgood Perkins, fils de Anthony Perkins, a déjà joué à l’intello sur ces productions précédentes (Gretel & Hansel, I am the pretty thing that lives in the house) mais aucun n’était encore venu jusqu'à nos écrans de cinéma français. Il continue avec une campagne promotionnelle particulièrement réussie, même si un peu trompeuse, qui promet le film le plus terrifiant de 2024. Le film tire son épingle du jeu non par la création de la peur mais par un certain traitement de l’inquiétante étrangeté, ce concept qui veut que nous soyons effrayés par une forme quasi humaine mais pas vraiment. Dans le cas de Longlegs, nous nous trouvons face à un film qui semble être un film d’horreur, en reprend de loin plusieurs éléments mais ne l’est pas de manière entière. Plusieurs pistes de scénario sont abandonnées en cours de route et si on réfléchit à l’ensemble du film, rien n’est vraiment cohérent sans que cela soit lié à une maladresse d’écriture. 

Impossible de ne pas saluer le travail de toute l’équipe technique tant le résultat est agréable à regarder. Le chef opérateur Andres Arochi fait un travail remarquable, propose une photographie douce, feutrée, grise. La bande-son est l’une des meilleure de ces dernières années et assume totalement son côté très rock

Longlegs est un film étrange à la fois méta intello mais si premier degré pour autant grâce à quelques scènes de frousse bien troussées et une ambiance anxiogène pas dégueulasse. L'ambiguïté sur son propos est à la fois sa plus grande force, en en faisant un film insaisissable, mais aussi sa plus grande faiblesse, car ces trucs et astuces révèlent vite une certaine vacuité.


Éléonore Tain



Courtesy Everett Collection

La figure du tueur en série conserve une aura toujours aussi incandescente, ne serait-ce que par le pouvoir de fascination qu’elle exerce sur le grand public. L’image du monstre intrigue, donne envie de creuser derrière l’horreur tout en terrifiant. Bien évidemment, le cinéma continue de l’exploiter pour diverses raisons, notamment dans la production américaine au vu des tensions sociales que ces meurtres peuvent analyser. En ce sens, Longlegs était hautement attendu, bien porté par la promotion de Neon pour développer une curiosité morbide envers ce titre aux premières images effrayantes. La promesse même d’un Nicolas Cage transfiguré dans sa prestation rajoutait une couche d’envie pour s’immerger dans un nouveau cauchemar cinématographique. D’une certaine manière, c’est ce que le long-métrage parvient à accomplir.

Il faut ainsi bien admettre que le traitement du Longlegs qui donne son nom au film provoque une forme d’attirance et de répulsion, amenant notamment dans sa scène d’ouverture l’effroi de ne pas pouvoir totalement capter son visage. Il s’en crée une terreur subtile, celle de l’apparition attendue, confortée dans la mise en scène par la présence permanente d’espaces ouverts. Le fait même que le film s’ouvre sur un espace quasi blanc où le manteau rouge d’une jeune fille dénote apporte son lot d’intérêts graphiques. Ce qui va faire peur est ce qui est plus induit que montré, bien que certaines images démontrent un vrai potentiel infernal, bien porté en ce sens par le travail sonore.

Le traitement oral de sa menace peut alors diviser tant il explicite peut-être un peu trop son aura de mystère. Si le film conserve certaines zones d’ombre, il n’empêche que la nature d’investigation de la narration apporte un côté extrêmement bavard. On peut dès lors s’interroger sur le côté presque performatif qui s’en dégage, notamment dans la façon dont l’incarnation de Nicolas Cage est d’une grandiloquence qui fait ressortir la nature presque mutique de l’héroïne. Les plans face caméra, rappelant évidemment le malaise d’un Silence des agneaux, savent mettre en valeur leur acteur/producteur et l’on peut alors se demander si cette mise en valeur n’est qu’un outil métatextuel ou permet justement de réfléchir sur la façon dont nous voulons nous confronter mais également nous éloigner de figures du mal, à l’instar de ce Longlegs.

Copyright Neon

L’approche « fantastique » du film participe ainsi à une forme d’inconnu et d’absence de préhension sur la nature même d’une violence intériorisée dans la structure familiale. Le procédé utilisé par le tueur va, sans trop en dévoiler, en ce sens, jouant d’une figure connue pour mieux introduire le chaos et la brutalité, passant sans étonnement par le père. Oz Perkins n’hésite pas à accentuer le côté sensoriel en jouant sur un grand nombre de plans fixes, enfermant aussi bien les personnages dans les événements que nous, spectateurs, dans son récit. On peut notamment noter une séquence de témoignage où, en une apparition, Kiernan Shipka parvient à véhiculer cette difficulté d’appréhension sentimentale face à une horreur affectant un jeune corps féminin.

Il sera sans doute nécessaire de creuser plus longuement, surtout au vu de l’impatience suscitée par le film. Mais dans tous les cas, Longlegs reste un cauchemar cinématographique fascinant, plongeant dans l’horreur et l’inconnu par le biais d’une enquête étouffante dans son imagerie. L’expérience risque de déplaire par son absence de facilité mais a eu le chic pour nous bloquer dans le fauteuil, nous demandant ce qu’on a réellement envie de voir quand il s’agit de pareilles figures. Tandis que certaines personnes pensent que le meilleur moyen de terrifier passe par des jumpscares facile ou une générosité hémoglobinesque (ce qui peut tout à fait fonctionner), Longlegs prend le parti pris d’un malaise insidieux aux explosions terrifiques marquantes. Reste à voir si vous vous laisserez plonger dans ces intentions…


Liam Debruel