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[ENTRETIEN] : Entretien avec Anaïs Vachez (Ada)

Ada - © Henry Bourdaud / Bonne Pioche Cinema / Anaïs Vachez

Ada est un court métrage de la réalisatrice Anaïs Vachez disponible depuis mi-avril sur OCS. Après avoir fait l’ouverture du PIFFF 2023, Ada vient de recevoir le prix du jury au Fantasy Film Festival. Nous avons pu la rencontrer pour parler de la production du film, de son univers et de l’économie du court métrage.


Avec Ada, l’ambition est tout autre. Le but est vraiment de pouvoir passer au long-métrage. Visuellement, il se rapproche plus du cinéma. Et l’histoire prend plus son temps. Il y a plus de suspense, plus de travail avec les comédiens. Le cinéma est effectivement une évolution vers laquelle je tends. - Anaïs Vachez



Depuis combien de temps travailles-tu sur ce film ? 


Jean-Baptiste Guittard, mon producteur, m'a contacté en 2020 pour savoir si j’avais des projets. C’était très peu de temps avant le confinement. Par conséquent, nous n’avons pas pu nous voir pendant un moment. Nous nous sommes revus en septembre pour pitcher une ébauche. Il était intéressé par le projet qui est parti en développement en 2021, et ce jusque 2022. Le tournage a eu lieu en 2023. Il a donc fallu plusieurs années pour mener à bien Ada


Bonne pioche est une boite de production assez assez éclectique en termes de format et de genre. Était-ce un choix d’avoir un producteur aussi éclectique ? 


Bonne Pioche cherchait à diversifier et à faire plus de films de genre. Voilà pourquoi ils m’ont contacté. Entretemps, ils ont produit Acide. Ils ont pu voir mon travail sur internet. Je suis donc ravie qu’ils aient pensé à moi. Mettre ses courts métrages sur internet peut donc être payant. La rencontre s’est ensuite bien passée. Nous nous sommes bien entendus. Nous avons donc décidé de travailler ensemble. 


Combien de temps a duré la post-production ? 


Ce fut la plus longue post-production que j’ai vécu. Même si autour de moi, des personnes m’ont dit qu’elle a été plutôt rapide étant donné l'ampleur du projet. Nous avons eu 7 à 8 mois de post-production. Les effets spéciaux ont pris beaucoup de temps. Le mixage et le sound design également. Le reste a été plus étalé car l’économie du court-métrage ne permet pas de payer les gens au jour près. L’équipe a dû travailler sur son temps libre, quand ils pouvaient. Sur un long-métrage, le temps de post-production est forcément plus resserré.


Ada - © Henry Bourdaud / Bonne Pioche Cinema / Anaïs Vachez


Peux-tu nous parler du casting ? La jeune actrice Alizée Caugnies est incroyable.


Alizée Caugnies est extraordinaire et très talentueuse. Elle porte le film. J’ai eu beaucoup de chance de tomber sur elle car le tournage aurait pu être tout autre avec un autre enfant. Alizée est une perle rare qui a de fortes chances de devenir une très grande comédienne. Avec l’aide du directeur de casting Antoine Lombard, j’ai fait passé des auditions. Nous avons fait plusieurs sessions de casting pour Ada et pour les parents. Alizée a été la toute première petite fille à passer. Elle est tout de suite sortie du lot. Nous avons fait un rappel par acquit de conscience mais il n’y avait pas vraiment de doute. Dès le casting, elle s’est mise à pleurer tellement elle était dans le personnage. Elle a commencé très jeune. À 3 ans, elle a participé au tournage de Pupille. Alizée est donc déjà très rigoureuse. Nous avons eu la chance d’avoir avec la coach pour enfant Violette Gitton qui nous a beaucoup aidé, notamment lorsque j’étais trop occupée avec l'aspect technique du film. Violette la divertissait, la faisait répéter et nous disait lorsqu'elle était trop fatiguée pour continuer à tourner, lorsqu’elle avait atteint ses limites. Nous avons eu aussi une autre petite astuce pour la diriger. Cette dernière a été proposée par notre ingénieur du son. Nous avons installé une oreillette. Nous pensions d’abord juste l’utiliser pour lui envoyer des bruits, des sons précis. Pour déclencher sa peur au moment opportun, par exemple. Mais finalement, nous nous en sommes servi comme moyen de communication. Cette oreillette nous a fait gagner beaucoup de temps et d’énergie. Surtout que les journées de tournage pour une petite fille de son âge sont de 6h tout compris. Ce qui ne laisse que très peu de temps de tournage véritable. 


Quel est ton rapport aux différents formats d’écrans ? Dans la plupart de tes courts métrages, il y a un côté très lié à Internet. Tu as aussi un peu travaillé avec francetv/slash avec un côté plus télévisuel donc. Je trouve qu’Ada a quelque chose de plus cinématographique. Est-ce quelque chose de conscient ? Quel est ton rapport à tous ces médiums ?  


Le rythme rapide est plus prisé sur Internet. Tout est plus efficace. J’ai beaucoup travaillé pour Internet, avec différents collectifs. J’ai peut-être un peu reproduit ce que j’ai connu à cette époque. Avec Ada, l’ambition est tout autre. Le but est vraiment de pouvoir passer au long-métrage. Visuellement, il se rapproche plus du cinéma. Et l’histoire prend plus son temps. Il y a plus de suspense, plus de travail avec les comédiens. Le cinéma est effectivement une évolution vers laquelle je tends. 


Pourquoi avoir choisi le prisme du fantastique ? 


Ada a parlé à beaucoup de monde dans mon entourage. Beaucoup de gens sont venu me voir pour me dire qu’ils avaient vécus la même chose, que leur parents se disputaient beaucoup. Les monstres dans Ada peuvent personnifier différents types de violences aussi, pas que des disputes. Quand les parents se disputent, ils occultent un peu le ressenti des enfants. Ils se disent que ce n’est pas si grave. Le fantastique permet de décupler cette sensation. C’est ce que je recherche. J’aurais pu faire un film social mais ça ne m’aurait pas autant intéressé. Le fantastique est le prisme par lequel on peut projeter sa propre expérience. 


Peut-on aborder les effets spéciaux ? Dès Le petit monstre, ils sont assez présents


Tronatic studio s’est occupé des effets spéciaux sur les deux films. La particularité d’Ada est qu’il a été fait en motion capture. Les comédiens portent des costumes spéciaux avec un système de tige accroché à un casque avec les têtes de monstres qui ont été imprimées en 3D à la taille réelle des monstres à l’écran. Ces casques nous ont permis de cadrer à la bonne hauteur.


Ada - © Henry Bourdaud / Bonne Pioche Cinema / Anaïs Vachez


Ce ne sont pas les comédiens qui jouent les parents qui portent les costumes des monstres. Pourquoi ? 


Il nous fallait des comédiens assez grands car les monstres font plus de deux mètres. Plus le comédien était grand, plus c’était simple. Vanessa Fonte qui joue la mère ne porte pas le casque du monstre mais par contre Pierre Rochefort qui joue le père s’en est occupé. 


Pourquoi ne pas utiliser de motion capture sur Le petit monstre ? 


Cela ne s’y prêtait pas forcément. La motion capture nécessite beaucoup d’installations. Nous n’avions pas encore le budget pour Le petit monstre. Et ce n’était pas vraiment nécessaire car le petit monstre était tout petit. Nous avions notre petite boule verte et noire que nous déplacions. La motion capture a fait gagner du temps sur Ada notamment sur les mouvements des monstres alors que sur Le petit monstre les mouvements étaient plus rudimentaires.  


Quand est-ce que tu as décidé de te lancer dans la motion capture ? 


C’est suite à une discussion avec Mathieu Gasq de Tronatic Studio que l’idée est partie. Nous avions tous les deux envie de tester. C’était tout autant un challenge pour lui que pour moi. Nous nous sommes donc motivés à deux. Nous avons réussi à avoir l’aide CVS (Aide sélective aux effets visuels numériques) du CNC. Dès le dossier nous évoquions la motion capture. Étant donné que nous avions réussi à avoir le budget, nous l’avons fait. Toute l’équipe, technique et comédiens, était très contente. Ils étaient comme des enfants sur le tournage. 


Quelles ont été tes références pour les créatures ?


Ce sont des créatures un peu cauchemardesques. J’ai beaucoup été marqué par le loup de l’Histoire sans fin. Il y a un peu de l’ours dans ces monstres, pas tellement du loup garou même si on retrouve la thématique de la transformation de nuit. Je voulais qu’ils soient gigantesques. Si la maison avait été plus grande, j’aurais aimé qu’ils le soient tout autant. J’ai envoyé plein de références à Mathieu qui a fait des croquis. Ensuite un dessinateur a travaillé dessus. On a fini par valider un dessin qui a été transposé en 3D. La difficulté va au-delà du simple dessin. Il faut penser à la cohérence du monstre : ses mouvements, son anatomie, son squelette, son équilibre surtout considérant la taille de sa tête. Nous avons dû faire plusieurs tests. Notamment pour les poils. Déjà sur Le petit monstre, les poils ont été un vrai problème. L’équipe m’avait proposé un monstre sans poil pour simplifier le travail mais j’ai refusé car je tenais vraiment à ce qu’il ressemble à un monstre imaginé par un enfant, un genre d’animal. 


Ada - © Henry Bourdaud / Bonne Pioche Cinema / Anaïs Vachez

Comment as-tu choisi la maison ? Est-ce que vous avez dû la redécorer ? 


J’avais mes références, mon moodboard mais il fallait trouver la maison qui corresponde. Le budget était très mince. Nous avons cherché sans succès. J’ai donc demandé à mes grand-parents de me prêter leur maison à Montreuil pour les scènes en intérieur. La devanture appartient par contre à une maison qui est à Nogent-sur-Marne. Nous cherchions une petite allée sympathique qui soit raccord avec la maison de mes grand-parents. Je tiens vraiment à remercier ma famille qui a bien voulu que je tourne dans cette maison. La maison étant grande nous avions de l’espace. Par contre, nous avons dû la vider entièrement pour pouvoir la décorer tout en réfléchissant à comment la rendre en l’état. L’une des petites astuces fut d’utiliser une bombe normalement prévue pour l’affichage pour coller des pans de papiers peints. Cela n'arrêtait pas de tomber mais c’était tout de même une très bonne idée. Alexia Merré, ma chef décoratrice, et son équipe ont fait un boulot de dingue. Elle a vraiment été force de proposition. Elle a beaucoup de créativité et a su donner vie au lieu. 


Peux-tu nous parler du doudou ? 


Le doudou aussi n’a pas été simple à trouver. Il nous fallait un doudou qui fasse de la lumière pour pouvoir éclairer Ada. Nous avons fait plusieurs tests doudou pour trouver le bon. Celui-ci s’allume déjà de base mais nous avons intégré un petit projecteur LED pour avoir une lumière plus puissante et pouvoir le contrôler à distance. Nous voulions un résultat assez doux. Pour compléter, nous avons installé un petit projecteur vers le visage d’Alizée. 


Peux-tu nous parler de la musique du film ? 


J’ai travaillé avec Jimmy Tillier sur plusieurs de mes films : mes contes animés, Le petit monstre et Ada. Je trouve que nous avons vraiment créé un univers avec mes contes animés. Ses musiques sont vraiment identifiables. Grâce à sa collaboration, nous avons pu avoir une aide de la SACEM qui fut précieuse car nous avons pu enregistrer avec des musiciens en studio. La SACEM valorise lorsque deux personnes travaillent ensemble depuis longtemps. Ce qui est notre cas. Nous avons donc eu les musiques avant le tournage. Elles n’étaient pas encore finalisées mais nous ont permis de tourner dans de bonnes conditions. 


Comment s’est passé l’ouverture au PIFFF ? 


C’était génial. Le PIFFF se passe au Max Linder Panorama qui est une salle incroyable. Nous avons pu voir le film dans les meilleures conditions possibles en termes de son et d’image. Cela m’a permis de me rendre compte qu’il était vraiment fait pour le grand écran. Voir les monstres en géant était une expérience extraordinaire. Cela faisait plus sens que de le regarder sur un petit écran. Cela permet de vraiment se mettre à la place d’Ada. Pour l’occasion, nous avons fait un mix 5.1. Cela rendait vraiment bien.


Ada - © Henry Bourdaud / Bonne Pioche Cinema / Anaïs Vachez


Comment s’est fait la rencontre avec OCS ? 


Lorsque le scénario a été assez travaillé, Jean-Baptiste l’a envoyé à plusieurs diffuseurs. OCS a décidé de le pré acheter. Cela a déclenché beaucoup de choses. Nous avons pu demander l’aide CVS et plein d’autres. Cela nous a permis d’avoir un budget suffisant pour tourner. Le fait d’être sur une plateforme en première fenêtre d’exploitation peut être bloquant pour certains festivals mais nous avons dû faire ainsi suite à l’achat d’OCS par Canal. Mais il est normalement d’usage de laisser un an de vie en festival pour un film avant de le mettre sur une plateforme. 


Quelles sont tes envies pour la suite ? 


Nous devrions normalement envisager un long métrage avec Bonne Pioche. J’ai fait assez de courts métrages, je souhaite passer au long. J’ai essayé assez de techniques et je pense avoir trouvé mon style. Je souhaite continuer à faire du cinéma de genre. Mais pour l’écriture du scénario je pense m’entourer d’un co-auteur ou d’une co-autrice. 



*Cet entretien, dont les propos sont recueillis par Éléonore Tain, est tiré d’une interview réalisée par la S’horrorité le 27 février, que vous pouvez retrouver en intégralité ici :





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