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[CRITIQUE] : Le Procès du Chien


Réalisatrice : Laetitia Dosch
Acteurs : Laetitia DoschFrançois Damiens, Pierre DeladonchampsJean-Pascal Zadi, Anne Dorval, Kodi le chien,...
Budget : -
Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h25min

Synopsis :
Ce film est présenté en sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2024.

Avril, avocate abonnée aux causes perdues, s’est fait une promesse : sa prochaine affaire, elle la gagne ! Mais lorsque Dariuch, client aussi désespéré que sa cause, lui demande de défendre son fidèle compagnon Cosmos, les convictions d’Avril reprennent le dessus. Commence alors un procès aussi inattendu qu’agité : le procès du chien.


Critique :



Laetitia Dosch fait partie de ces personnalités singulières dans les actrices françaises, de celles à allumer un feu nouveau dans les longs-métrages auxquels elle participe par ses interprétations tantôt colorées, tantôt marquées. La voir passer à la mise en scène était donc une évidence, notamment par son expérience en la matière dans le domaine théâtral depuis quelques années. Et c’est justement une question sur sa manière de trouver sa voix qui va s’intégrer dans cette première réalisation, Le Procès du Chien, ici en ouverture du Brussels International Film Festival après un passage à Cannes dans la sélection Un certain regard.

L’actrice réalisatrice interprète ainsi le rôle principal, Avril, une avocate qui cherche désespérément à gagner un procès alors même qu’elle est abonnée aux affaires perdues d’avance. Devant protéger le propriétaire d’un chien menacé d’être piqué, elle va, par sa défense, amener la justice à engager une affaire contre l’animal-même. Celui-ci, nommé Cosmo, va alors se retrouver au centre d’une médiatisation assourdissante. C’est de là que va se créer une forme de burlesque du réel mais toujours avec un fond thématique assez intéressant pour que le rire ne soit pas vain, bien au contraire. Ce ton piquant va alimenter le récit tout en proposant des détours assez intrigants pour éviter une forme bien trop attendue.

Copyright Bande à Part Productions

Le générique d’ouverture, liant chiens et noms du casting, appuie cette intention de Ferme des animaux où l’humain n’est qu’une bête comme les autres, démontrant dans ses envies de société une forme de déchirement bestial sur fond de civilité. Si l’intrigue s’inscrit évidemment dans les codes du film de procès, elle en évite certains écueils, notamment en ne diminuant pas l’impact de la morsure de Cosmo sur la victime. Le regard posé par la réalisatrice alimente alors la réflexion, d’autant plus quand celle-ci s’interroge par son personnage sur sa propre manière de parler.

De là, Le Procès du Chien développe une narration aussi dynamique que portée par des personnages bien démarqués dans son casting hors pair. Loin de la simple pantalonnade facile, le film de Laetitia Dosch fait émerger son humour de ses doutes, conférant à la farce canine un ton assez mordant dans certains de ses points de fond. En tout cas, on apprécie de voir que l’actrice a su s’imposer avec autant d’éclat derrière la caméra que devant.


Liam Debruel



Copyright Bande à Part Productions

Il y a toujours quelque chose de profondément intéressant à l'idée de voir un ou une grande comédienne se décider à sauter le pas difficile de la réalisation et  passer derrière la caméra, à l'idée de voir si il où elle laissera s'exprimer une vraie vision de cinéma, de voir si il où elle deviendra une voie importante, de voir si il ou elle laissera parler les influences des cinéastes qui ont jalonnés sa carrière...

Où alors... pas du tout.
Car oui, un changement de casquette peut être motivé également par un but sincère de pouvoir offrir aux spectateurs, quelque chose sur eux/elles-mêmes qu'ils/elles n'avaient pas pu faire passer au travers de films qui n'étaient pas les leur, de raconter des histoires, des destinées qu'ils/elles jugent importantes et passionnantes à vivre dans une salle jamais trop obscure.

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À la différence de Céline Saillette et de son excellent Niki, aussi passé par la case Croisette en mai dernier, on peut légitimement inscrire Laetitia Dosch dans dans un entre-deux loin d'être désagréable avec Le Procès du Chien, dont les échos avec Les Chèvres ! de Fred Cavayé s'arrêtent, heureusement, qu'aux simples lignes de son résumé (un mix entre un fait divers bien réel et une adaptation officieuse du Chien Blanc de Romain Gary).
Chronique judiciaire savoureusement complexe prenant gentiment mais sûrement les courbes autant d'une jolie farce politique, que d'un véritable tutoriel philosophique pour les nostalgiques du Bac L, dont le titre annonce tout de suite la singularité évidente (oui, tout est dedans), ce premier effort flanqué en terres suisses met bien un chien dans le fauteuil de l'accusé

Soit Cosmos, accusé d'avoir mordu et grièvement blessé au visage une jeune femme.
Au centre des débats, plus que le canidé dangereux, on retrouve une avocate pas forcément douée et enchaînant les déconvenues dans toutes les affaires qu'elle prend en charge, Avril (Dosch elle-même), qui le défendra de son euthanasie annoncée donc, en se battant pour que celui-ci soit jugé comme une entité indépendante (au lieu que l'on juge son maître aveugle, balancé de cabinets en cabinets), une première depuis l'époque médiévale - Les Chèvres ! qu'on vous dit.

Un procès qui sera le catalyseur comico-dramatique de tous les maux absurdes de notre société, le microcosme de toutes nos contradictions politiques, entre un procureur populiste qui profite de l’affaire pour prêcher pour sa propre paroisse, des défenseurs des animaux accusant la victime quand de l'autre côté, des mouvements féministes accusent le chien d'être misogyne; le tout avec la question des droits des animaux en son coeur.
Foutraque donc - et le mot est faible -, Le Procès du Chien charme tout autant qu'il n'est pas exempt de quelques panouilles dommageables, que ce soit une voix-off assez marquée qui, bien qu'elle apporte un supplément humoristico-philosophique, vient brouiller un peu plus la linéarité d'une intrigue judiciaire déjà sensiblement attaquée par quelques sous-pistes pas toujours heureuses (notamment sa romance un brin gênante), même si elles ont vocation à donner plus de texture au personnage d'Avril.

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Mais si la plume de Dosch pèche parfois dans son exploration du terrain sinueux de la satire (elle a tout de même l'intelligence rare de faire confiance à son public, dans sa manière de dégainer sans précipitation ni surlignage forcé, ses réflexions sur les notions d'éthique et d'identité), à l'instar d'un rythme tout aussi en dents de scie, sa mise en scène elle, dynamique et définitivement enlevée, jongle joliment entre légèreté et gravité via une créativité étonnante.

Difficile donc de totalement bouder son plaisir face à cette farce politique et fantaisiste sous fond de réflexion amère et lucide sur notre époque qui, à défaut d'avoir un mordant de dingue, a quand-même gentiment du chien.


Jonathan Chevrier