[CRITIQUE] : Border Line
Réalisateurs : Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vásquez
Acteurs : Alberto Ammann, Bruna Cusí, Ben Temple, Rosie Traynor,...
Distributeur : Condor Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Espagnol, Vénézuelien.
Durée : 1h17min.
Synopsis :
Projetant de démarrer une nouvelle vie aux États-Unis, Diego et Elena quittent Barcelone pour New-York. Mais à leur arrivée à l’aéroport, la Police des Frontières les interpelle pour les soumettre à un interrogatoire. D'abord anodines, les questions des agents se font de plus en plus intimidantes. Diego et Elena sont alors gagnés par le sentiment qu'un piège se referme sur eux...
Critique :
Au sein d'une distribution annuelle de plus en plus dense, ce qui est à la fois une bénédiction (on ne compte plus les belles découvertes au fil des mercredis) et une source de frustration incroyable (car il est humainement impossible de tout voir, sauf cas exceptionnels), il n'est désormais plus rare de voir l'émergence d'œuvres issus d'industries en pleine essor - où très rarement célébrées -, squatter des salles obscures au milieu de grosses productions rutilantes américaines, où de comédies populaires bien de chez nous.
Un éclectisme qui est aussi bien une chance qu'une force (même si beaucoup n'en ont pas conscience), et que l'on se doit se préserver en ouvrant, justement, nos horizons au moins autant que les petits distributeurs courageux, tentant des paris souvent à la lisière du casse-gueule - pour rester poli.
S'il est vrai que cette semaine, l'attention générale est gentiment polarisée du côté du cinéma nord-américain (notamment avec l'arrivée en grande pompe de The Fall Guy), c'est vers l'Amérique du Sud, et plus directement le peu prolifique cinéma vénézuelien (une dizaine de productions au compteur sur la dernière décennie, ici on est même sur une production espagnol), qu'une des belles surprises attend les spectateurs : Border Line, premier long-métrage du tandem Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vásquez, qui peut autant se voir comme un drame fustigeant le système américain et sa vision étriquée de l'immigration, autant qu'une auscultation tendue et pleine de verve sur la vérité du couple et de la notion de confiance conjugale.
Récit d'une terrible journée qui laisse furieusement des marques psychologiques, l'histoire suit celle Diego et sa compagne Elena, danseuse contemporaine basée à Barcelone, qui obtiennent leurs visas pour les États-Unis et sont prêts à commencer une nouvelle vie là-bas, avec la ferme intention de lancer leurs carrières respectives et de profiter un maximum des opportunités offertes par le pays de l'oncle Sam.
Évidemment, toutes leurs illusions commencent à vaciller face aux agents de l'immigration à New York, escale obligatoire dans leur espoir de rejoindre Miami...
Et c'est là où tout le réquisitoire sur les zones d'ombre de la " démocratie " contemporaine concocté par Rojas/Vásquez prend une puissance évocatrice perverse, car au-delà de la simple dénonciation de tout un système, perçu à travers l'injustice vécue par deux êtres à la non-dangerosité évidente, le duo supplante la nécessité d'être " accepté " à un dialogue tout en espagnol - mais jamais complice - entre trois hispanophones de trois nationalités différentes, catégorisés à travers trois typologies dissemblables; un triangle sournois ou l'élément de pouvoir décide qui a le droit d'immigrer ou non.
Un terreau fascinant qui ne s'arrête pourtant pas à la simple évocation d'une mésaventure judiciaire rencontrée par beaucoup, puisque la discussion s'étend sur la notion de vérité au sein du couple, et le malaise entourant le doute quant aux déclarations balancées par Diego autant aux autorités, qu'à celle qui partage sa vie.
Ou comment passer d'une vérité semi-universelle (l'abus de pouvoir d'un système face à des victimes sans défense) à une autre plus intime et pleinement universelle (ou le pouvoir inquisiteur vient remettre en doute voire même nuire, les fondations d'une union), au coeur d'une exploration constamment ou presque à huis clos, ou les protagonistes sont mis à nu et isolés de tout, et encore plus d'eux-mêmes.
Tout autant modeste et ramassé (à peine quatre-vingts minutes au compteur) que solide comme un roc, aussi bien scénaristiquement que d'un point de vue technique (cette mise en scène au plus près des corps, qui épouse l'enfermement progressif de son couple de héros, qui limite de plus en plus le cadre comme si seule la vérité, à tous les niveaux, pouvaient offrir la liberté), le tout dominé par un incroyable duo Alberto Ammann/Bruna Cusí face caméra, Border Line se fait un premier effort tout en suspense aussi dense et minimaliste que proprement impressionnant.
Une sacrée expérience.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Alberto Ammann, Bruna Cusí, Ben Temple, Rosie Traynor,...
Distributeur : Condor Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Espagnol, Vénézuelien.
Durée : 1h17min.
Synopsis :
Projetant de démarrer une nouvelle vie aux États-Unis, Diego et Elena quittent Barcelone pour New-York. Mais à leur arrivée à l’aéroport, la Police des Frontières les interpelle pour les soumettre à un interrogatoire. D'abord anodines, les questions des agents se font de plus en plus intimidantes. Diego et Elena sont alors gagnés par le sentiment qu'un piège se referme sur eux...
Critique :
#BorderLine impressionne par la densité de sa proposition, lui qui trompe ses contours de drame fustigeant le système américain et sa vision étriquée de l'immigration, pour mieux incarner une auscultation tendue sur la vérité du couple et de la notion de confiance conjugale. pic.twitter.com/Jz0q8DLfzB
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 1, 2024
Au sein d'une distribution annuelle de plus en plus dense, ce qui est à la fois une bénédiction (on ne compte plus les belles découvertes au fil des mercredis) et une source de frustration incroyable (car il est humainement impossible de tout voir, sauf cas exceptionnels), il n'est désormais plus rare de voir l'émergence d'œuvres issus d'industries en pleine essor - où très rarement célébrées -, squatter des salles obscures au milieu de grosses productions rutilantes américaines, où de comédies populaires bien de chez nous.
Un éclectisme qui est aussi bien une chance qu'une force (même si beaucoup n'en ont pas conscience), et que l'on se doit se préserver en ouvrant, justement, nos horizons au moins autant que les petits distributeurs courageux, tentant des paris souvent à la lisière du casse-gueule - pour rester poli.
Copyright Condor Distribution |
S'il est vrai que cette semaine, l'attention générale est gentiment polarisée du côté du cinéma nord-américain (notamment avec l'arrivée en grande pompe de The Fall Guy), c'est vers l'Amérique du Sud, et plus directement le peu prolifique cinéma vénézuelien (une dizaine de productions au compteur sur la dernière décennie, ici on est même sur une production espagnol), qu'une des belles surprises attend les spectateurs : Border Line, premier long-métrage du tandem Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vásquez, qui peut autant se voir comme un drame fustigeant le système américain et sa vision étriquée de l'immigration, autant qu'une auscultation tendue et pleine de verve sur la vérité du couple et de la notion de confiance conjugale.
Récit d'une terrible journée qui laisse furieusement des marques psychologiques, l'histoire suit celle Diego et sa compagne Elena, danseuse contemporaine basée à Barcelone, qui obtiennent leurs visas pour les États-Unis et sont prêts à commencer une nouvelle vie là-bas, avec la ferme intention de lancer leurs carrières respectives et de profiter un maximum des opportunités offertes par le pays de l'oncle Sam.
Évidemment, toutes leurs illusions commencent à vaciller face aux agents de l'immigration à New York, escale obligatoire dans leur espoir de rejoindre Miami...
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Et c'est là où tout le réquisitoire sur les zones d'ombre de la " démocratie " contemporaine concocté par Rojas/Vásquez prend une puissance évocatrice perverse, car au-delà de la simple dénonciation de tout un système, perçu à travers l'injustice vécue par deux êtres à la non-dangerosité évidente, le duo supplante la nécessité d'être " accepté " à un dialogue tout en espagnol - mais jamais complice - entre trois hispanophones de trois nationalités différentes, catégorisés à travers trois typologies dissemblables; un triangle sournois ou l'élément de pouvoir décide qui a le droit d'immigrer ou non.
Un terreau fascinant qui ne s'arrête pourtant pas à la simple évocation d'une mésaventure judiciaire rencontrée par beaucoup, puisque la discussion s'étend sur la notion de vérité au sein du couple, et le malaise entourant le doute quant aux déclarations balancées par Diego autant aux autorités, qu'à celle qui partage sa vie.
Ou comment passer d'une vérité semi-universelle (l'abus de pouvoir d'un système face à des victimes sans défense) à une autre plus intime et pleinement universelle (ou le pouvoir inquisiteur vient remettre en doute voire même nuire, les fondations d'une union), au coeur d'une exploration constamment ou presque à huis clos, ou les protagonistes sont mis à nu et isolés de tout, et encore plus d'eux-mêmes.
Copyright Condor Distribution |
Tout autant modeste et ramassé (à peine quatre-vingts minutes au compteur) que solide comme un roc, aussi bien scénaristiquement que d'un point de vue technique (cette mise en scène au plus près des corps, qui épouse l'enfermement progressif de son couple de héros, qui limite de plus en plus le cadre comme si seule la vérité, à tous les niveaux, pouvaient offrir la liberté), le tout dominé par un incroyable duo Alberto Ammann/Bruna Cusí face caméra, Border Line se fait un premier effort tout en suspense aussi dense et minimaliste que proprement impressionnant.
Une sacrée expérience.
Jonathan Chevrier