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[C’ÉTAIT DANS TA TV] : #36. Lois and Clark, The New Adventures of Superman

© ABC Television Network

Avant de devenir des cinéphiles plus ou moins en puissance, nous avons tous été biberonnés par nos chères télévisions, de loin les baby-sitter les plus fidèles que nous ayons connus (merci maman, merci papa). Des dessins animés gentiment débiles aux mangas violents (... dixit Ségolène Royal), des teens shows cucul la praline aux dramas passionnants, en passant par les sitcoms hilarants ou encore les mini-séries occasionnelles, la Fucking Team reviendra sur tout ce qui a fait la télé pour elle, puisera dans sa nostalgie et ses souvenirs, et dégainera sa plume aussi vite que sa télécommande.
Prêts ? Zappez !!!



#36. Lois et Clark, les nouvelles aventures de Superman (1993 -1997)

Et si, un petit peu plus de trente ans après sa diffusion à la télévision ricaine, la série Lois & Clark, les nouvelles aventures de Superman - tout est dans le titre, vraiment -, était la meilleure adaptation des exploits de l'homme d'acier et de son pendant civil Clark Kent, à l'écran, passé le chef-d'oeuvre de Richard Donner ?

Vous n'avez pas quatre heures et, nostalgie aidant, la question est totalement sérieuse vu son traitement appliqué des aventures du héros imaginé par Joe Shuster et Jerry Siegel, mais également son statut de monument précurseur de la " DC/Berlanti era " qui a envahit le contenu de la CW, au début des années 2010.

© ABC Television Network

Dans une proposition assez riche et marquée (les chaînes étaient déjà inondées à l'époque, n'en parlons même pas aujourd'hui), le show créé par Deborah Joy LeVine (vite chassée du fauteuil de showrunner par Robert Singer à la fin de la saison 1), avait trouvé une manière assez inédite de se démarquer du tout-venant : ne pas tant user des aptitudes de son super-héros vedette, toujours réduit (budget oblige) à de maigres apparitions, en se concentrant davantage sur l'interaction entre ses personnages, dans une sorte de cocktail hybride entre le simili-cop show romantique à la Clair de Lune (le côté un episode/une intrigue), avec un doigt de drame procédural, et la série fantastico-débridée jouant totalement sur la suspension d'incrédulité de son auditoire - surtout à partir du virage déglingué de la saison 3.

Le rapprochement aux aventures de David Addison et Maddie Hayes (ici moins ironique et savoureuse, évidemment) étant loin d'être anodin, tant c'est au virage de la troisième salve d'épisodes que la mécanique pourtant bien huilée du show, va commencer à dérailler, compensant le jeu de séduction désormais absent entre Clark Kent/Superman et Lois Lane (en couple et prêt à se marier), en un gros bordel désorganisé et fourre-tout qui ne fera qu'accentuer graduellement le désintérêt du public pour la suite de leurs aventures.
Un véritable cas d'école : le « Moonlighting Curse », une malédiction loin d'être anecdotique, qui frappera tous les shows reniant le concept de tenir en haleine son auditoire avec un jeu du chat et de la souris à la tension sexuelle palpable, pour capitaliser sur une formation de l'union vedette (coucou Madame est Servie, Une Nounou d'Enfer, Castle, Bones,...).

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Pourtant, tout démarrait sous les meilleurs ospices avec une rigueur d'écriture et un respect sincère de son matériau d'origine, sans pour autant renier son aspect ludique, vissé qu'elle était sur l'arrivée d'un Clark Kent plein d'ambitions à Metropolis, ou il est appelé à jouer les journalistes au Daily Planet, aux côtés d'une Lois Lane qui tombera vite sous son charme... surtout lorsqu'il portera son costume.
Riche en rebondissements aussi bien côté action (astéroïde, sabotage de station spatiale, vague de chaleur anormale) que côté coeur (un triangle amoureux Superman/Clark/Lois, au sein duquel s'invitera vite un Lex Luthor dont la caractérisation de golden boy séduisant à ennemi number one du kryptonien, sera un peu longuette) et familial (la présence solaire de Jonathan et Martha Kent, que la narration a eu le bon ton de ne jamais séparer); la série a gentiment ronronné pendant deux saisons, grâce à l'alchimie folle liant un tandem Dean Cain et Teri Hatcher appelé, à l'époque, à un bel avenir - même télévisé -, mais aussi et surtout un équilibre étonnant dans sa manière de traiter équitablement deux personnages qui, sur le papier, est vissée sur un déséquilibre flagrant.

Certes, si Superman - et donc Clark - est souvent appelé à sauver Lois via l'usage éculé de la jeune célibataire en détresse, la journaliste n'est jamais montré comme inférieure à Clark, tant elle est indépendante voire même souvent plus intelligente, pertinente et débrouillarde que lui.
Et ce sans pour autant que ses imperfections soient gommées à l'écran (oui, comment une femme aussi intelligente ne peut-elle pas réaliser que Clark est Superman ?), ni qu'elle soit sacrifiée sur l'autel du love interest ultra-sexualisé (on est plus proche d'une héroïne charismatique tout droit sortie du Hollywood des années 40).

© ABC Television Network

Pas un petit exploit, quant on se rappelle aux doux souvenirs (ironie) de la série Batman avec Adam West, où même aux récents efforts de la CW (qui reprendront ses qualités comme ses gros défauts).
Mais c'est donc à l'arrivée de la troisième saison que tout va gentiment imploser, quand bien même le show n'a jamais été un foudre de guerre niveau audience.
La grande liberté créative des scénaristes va être à la fois sa plus grande force - renforcer la folie et la mégalomanie de Luthor -, mais aussi sa plus puissante kryptonite : accentuer le danger entourant le couple Clark/Lois, puisque purgé de toute tension romantico-sexuelle (et n'ayant, du coup, plus vraiment de direction palpitante à suivre autre que la protection de la double identité du premier, et l'exploration assez expéditive de l'importance qu'ils ont l'un pour l'autre), en les confrontant à des événements aussi cartoonesques qu'abracadabrantesques : le clonage (avec injection de grenouilles comme dîner), le voyage dans le temps et même l'irruption impromptu d'un héritage kryptonien jusqu'ici à peine effleuré.

De quoi fissurer un édifice jusqu'ici précaire mais décent (car chaque épisode est, quoiqu'on en dise, divertissant), qui n'a jamais eu peur de ses élans émotionnelles, tout comme sa petite sœur Smallville, ni même des limites évidentes de sa propre proposition (après tout, Superman n'a jamais été meilleur que lorsqu'il assume son côté kitsch et sa légèreté).
Alors oui, comme toute bonne série avant-gardiste, les affres du temps lui font sensiblement du mal mais force est d'admettre que ce spectacle aussi perfectible que charmant, est l'un des rares symbole d'une époque télévisée ou un simple héros à cape, sans gros artifices numériques, pouvait encore faire rêver les gamins...


Jonathan Chevrier