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[CRITIQUE] : L'affaire Abel Trem


Réalisateur : Gábor Reisz
Acteurs : Gáspár Adonyi-WalshIstvan ZnamenakAndrás RusznákRebeka Hatházi,...
Distributeur : Memento Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Comédie.
Nationalité : Hongrois, Slovaque.
Durée : 2h07min.

Synopsis :
C’est la fin de l’année scolaire à Budapest. Recalé à son oral d’histoire, Abel décide de mentir à ses parents sur les raisons de son échec et déclenche alors, malgré lui, un scandale politico-médiatique.



Critique :


Il y a comme une évolution, salutaire et vraiment intéressante, qui émane du troisième long-métrage du résolument talentueux cinéaste hongrois Gábor Reisz - le premier à atteindre nos salles obscures -, L'affaire Abel Trem, tant ses premiers efforts, des comédies dramatiques un chouïa exagérées vissées sur les vicissitudes existentielles (entre déceptions sentimentales et manque amer de perspectives) d'une poignée de trentenaires, se plaçaient de manière assez marquée dans l'ombre du cinéma indépendant américain.

Il n'en est rien ici ou, tout du moins, d'une manière sensiblement différente, tant il se sert de ce point d'ancrage familier pour voguer vers quelque chose de plus socialement et politiquement affirmé, très proche du cinéma roumain voisin, de moins générationnel - puisque pluriel dans son prisme.

Copyright Memento Distribution

D'un teen movie conventionnel mais pas déplaisant, le cinéaste vire tranquillement mais sûrement vers le drame choral, ou plusieurs histoires et personnages se mélangent dans un canevas visant à sonder les dures contrastes de la société hongroise contemporaine, engoncée entre une modernité libérale et un conservatisme brutal.
Faussement décousu et s'amusant malicieusement à brouiller les pistes, l'histoire s'articule autour d'un tout petit mensonge qui va prendre des proportions justement disproportionnées : celui d'Abel, 18 ans au compteur et en passe de passer son oral d'histoire, nécessaire pour choper son examen de fin d'études.

Le hic, c'est que le gamin, doué en tout, galère avec cette matière, incapable qu'il est de mémoriser les dates et les événements.
Sans surprise (il n'était pas préparé), il est recalé à son examen et, pour ne pas subir la honte de ses proches, ment sur les raisons de son échec et l'impute à un détail : une cocarde aux couleurs du drapeau hongrois (symbole de la guerre d'indépendance de 1848, devenu aujourd'hui un vrai enjeu politique) était exposée sur sa veste au moment de l'examen et, prise pour un symbole politique nationaliste, elle aurait déplu à son professeur libéral et ouvertement anti-Orbánien.
Pas de bol, son père, Gyorgy, architecte et nationaliste affirmé, qui avait déjà eu quelques conflits avec l'enseignant par le passé, voit l'échec de son fils comme une honte insupportable pour la famille.

Copyright Memento Distribution

Et ce petit mensonge plein de honte, par l'opportunisme d'une journaliste ayant eu vent de la chose, va se transformer en un scandale politico-médiatique savoureux, comme aux plus belles heures d'un cinéma hongrois social ou la narration était intimement liée à l'histoire politique clivante du pays.
Lucide dans son regard cru sur les divisions qui gangrènent sa nation - et sa violence sourde qui menace continuellement d'exploser -, au moins autant qu'il s'amuse comme un sale gosse dans sa manière de coller au plus près de la mécanique d'emballement excessif d'une parole fausse et déformée; Gábor Reisz fait de son nouvel effort une satire piquante et inspirée autant qu'un délicat portrait d'une adolescence oppressée, qui ne désire que simplement profiter de la vie.

La (très) belle surprise de la semaine.


Jonathan Chevrier


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