[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #149. Blade
Nous sommes tous un peu nostalgiques de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se baladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leur mot à dire...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 80's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pilule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !
#149. Blade de Stephen Norrington (1998)
Alors que son reboot n'en finit plus d'être repoussé, Blade reste l'un des films de super-héros qui a marqué les années 90s. Avec ses lunettes de soleil et son manteau de cuir noir, son héros mi-humain mi-vampire incarne en effet une attitude cool, badass et décomplexée qui saillait à merveille à cette décennie. Il n'en faut pas plus pour se sentir nostalgique de ces scènes de baston dans lesquelles il affronte des créatures de la nuit aux looks et aux attitudes tout aussi iconiques, à commencer par Deacon Frost et son ego surdimensionné.
Trêve de réalisme : là où la tendance actuelle serait plutôt de traiter les personnages de comics avec sérieux, Blade est quant à lui constamment dans l'auto-dérision. C'est que le ridicule, le burlesque même, le film de Stephen Norrington n'en a pas peur, et le résume parfaitement dans la présence de Quinn, ce sidekick de Frost qui passe son temps à rire bêtement et enchaîner les blagues vaseuses, inconscient de passer pour le parfait imbécile qui nous ravit tant. Le ton est donné dès la première scène de massacre, qui ne lésine ni sur le faux sang pour retapisser les murs, ni sur les mimiques d'un Blade réjouit de sa propre performance. A ce stade, soit on jubile avec lui, soit il vaut mieux arrêter tout de suite le visionnage puisque celui-ci n'ira que de plus en plus loin dans le grand-guignolesque.
Malgré leurs aspects comiques qui leur donnent une certaine légèreté, il ne faut pas croire pour autant que les aventures du chasseur de vampires sont à mettre devant tous les yeux. Au-delà de la violence des scènes d'action elles-mêmes, la même outrance se retrouve dans les aspects sombres de l'œuvre puisque s'y glissent de véritables morceaux de body horror, avec tout ce que cela peut évoquer de dégoût et de malaise. On retient particulièrement à ce titre la rencontre avec Pearl, un archiviste vampire au design pour le moins répugnant qui n'a rien à envier au possédé du bien plus récent When Evil Lurks. Vingt-cinq ans plus tard, il y a là toujours de quoi marquer indélébilement l'imaginaire...
On touche d'ailleurs ici à l'un des atouts insoupçonnés du second degré assumé du film, qui est de l'avoir notablement aidé à traverser les décennies. Ainsi, au-delà de l'attachement que peut avoir suscité son positionnement déjà en décalage à l'époque, il reste quelque chose de ludique y compris pour ceux qui voudraient le découvrir aujourd'hui. En particulier, les effets spéciaux et pratiques dont on aurait pu se dire qu'ils ont abominablement vieilli passent au contraire sous la licence du "kitsch" qui les rend parfaitement jouissifs. Après tout, on ne pourrait pas faire exploser des corps de la sorte au premier degré, et au second degré on ne ferait de toute manière guère mieux : pensons par exemple à la conclusion de Wedding Nightmare qui nous rappelle bien le plaisir régressif de voir des têtes faire "splosh".
Autour de cela, le scénario de Blade n'est pas déshonorant, même si ses clichés sont en revanche un peu plus éculés. Le protagoniste orphelin qui combat aux côtés de son père adoptif, la rescousse de la séduisante scientifique qui pourrait à son tour sauver le héros de sa condition maudite, le méchant en plein ego trip voulant invoquer une divinité qui provoquerait la fin du monde... Eh, on a dit qu'on était là pour voir de l'action, du second degré et un brin de mauvais goût, ne compliquons pas les choses ! Notons que, parfaitement en accord avec le reste de l'œuvre, il y a un effet presque grotesque lorsque les ambitions de Frost, enfin concrétisées après une longue quête et un lourd cérémonial, sont promptement douchées par Blade, et on se prendrait presque à regretter que Frost n'échoue pas purement et simplement de son propre fait - mais il faut bien donner à notre héros l'occasion de faire briller ses lames une dernière fois.
En somme, dans sa facétie, Blade semble être un film qui ne pourrait plus être fait tel quel de nos jours et qui trouve précisément pour cela encore une pertinence. Sans qu'il s'agisse de donner du "c'était mieux avant", on ne peut que souligner que les films de super-héros qui jouent l'angle de l'autodérision sans verser dans l'humour "meta" ou le clin d'œil appuyé aux spectateurs ne sont pas légion, et qu'à ce titre la relève de Blade n'a pas vraiment été assurée. Est-ce que le projet de reboot qui traîne depuis tant d'années dans les tiroirs d'Hollywood permettra d'y remédier ? Il est permis d'en douter, mais pour en juger encore faudrait-il qu'il se tourne enfin !
Lila Gleizes