[CRITIQUE] : Chienne de rouge
Réalisatrice : Yamina Zoutat
Avec : -
Distributeur : Shellac
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Français, Suisse
Durée : 1h36min
Synopsis :
À Paris, une voiture fonce dans la nuit. Mohamed convoie du sang, la doctoresse Nguyen le transplante et Isabelle a la vie sauve grâce au don d’une inconnue. Sang des femmes, attentat, procès, greffe, don et essence de vie : comme le convoyeur ou la chienne en quête de sa proie, nous suivons le sang dans sa course et ses incessantes transformations. Un récit de réparation.
Critique :
Aussi fluide qu'une circulation sanguine, #ChienneDeRouge tisse des liens (du sang). On ne sait jamais où il va nous mener mais Y. Zoutat fonce tout droit, les veines gonflées, et nous offre une quête de vie et de mort teintée de colère, de symbole et de partage. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/j619F6eATr
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 10, 2024
“Je me suis réveillée un matin avec ce désir : filmer du sang.” Yamina Zoutat ne nous ment pas. Dans ce documentaire qui ne recule devant rien, ni le sang, ni la violence, la réalisatrice filme plus d’hémoglobine qu’un film gore ne saurait le faire. Mais d’où lui vient cette envie de filmer ce liquide rubis, symbole à la fois de vie et de mort ? Serait-elle, comme le titre nous l’explique, une Chienne de rouge1 ? Justement, Yamina Zantat chasse. Elle renifle le sang et va, sa caméra au poing, où il circule le plus. Un jeu de piste curieux et sensoriel qui remonte vers des notions plus vastes, comme le lien filial et l’identité.
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Chienne de rouge part d’une base intime, comme la transfusion sanguine de la réalisatrice à sa naissance, qu’elle ne découvre que des années plus tard. Ou le souvenir d’un accident de son père, qui s’en est vanté “mon sang a giclé jusqu’au ciel”. Ou même le sang de ses règles, le premier sang réel que l’on voit. Mais le film a aussi une base beaucoup plus universel, le procès du sang contaminé de 1999, que Yamina Zoutat a chroniqué pour TF1, avec une seule contrainte : “ne pas filmer le sang”. Comme une sorte de vengeance, plus de vingt ans après, la réalisatrice fait gicler le sang, comme son père.
Le sang est à lui-seul un paradoxe. Quand on le voit, il est trop tard. Quand on ne le voit pas, il peut apporter la vie. Le donner peut être mortel comme il peut sauver la vie. Il est alors logique que Chienne de rouge parte dans plusieurs directions, tissant des liens. Son montage est dans le symbole. Les artères sont des routes, routes qu’emprunte Mohamed, convoyeur de sang pour des transfusions. Le sang circule d’un organe à un autre, ou même d’un corps à un autre, grâce à Stéphanie, chirurgienne, qui vérifie les résultats de sa greffe sur Isabelle, une patiente atteinte d’un lymphome. Mais le sang n’a pas toujours sauvé la vie, il a aussi tué, contaminé par le VIH, un grand nombre de victimes. Comme pour réparer le procès abjecte tenu en 1999, où les victimes n’ont pas pu se constituer partie civile, Yamina Zoutat partage quelques photos de ces victimes, emportées par l’un des plus gros scandales sanitaires.
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Aussi fluide qu'une circulation sanguine, Chienne de rouge tisse des liens (du sang). On ne sait jamais où le film va nous emmener, on est souvent perdu et dégoûté de cette profusion de sang. Mais Yamina Zoutat fonce tout droit, les veines gonflées, et nous offre une quête de vie et de mort, teintée de colère, de symbole et de partage.
Laura Enjolvy
1 Un chien ou une chienne de rouge est spécialisé⋅e dans la recherche du gibier blessé ou mort à la chasse. Il recherche le sang et remonte la piste jusqu’à la proie.